Saturday, February 5, 2011

Rétablir la confiance du public envers les politiciens?



La crise de confiance du public à l’égard de la classe politique (qui est d'ailleurs un terme à remettre en question) se remarque depuis plusieurs années, un phénomène qui est manifeste non seulement par le biais des sondages d’opinion, mais aussi par le déclin du taux de participation aux élections, quelles soient fédérales, provinciales, ou pire, municipales. On ne vote pas à ces élections, pourtant gratuites, mais on paie pour sélectionner des candidats à Loft Story… Curieux.

En quoi est-ce un problème?

Cette perte de confiance envers les politiciens est une situation que l’on doit corriger dans la mesure où chacun souhaite vivre sainement dans une démocratie représentative parce que l’apathie actuelle de l’électorat réduit le pouvoir qu’à celui-ci sur son propre avenir, délegant ce pouvoir à une minorité dont les intérêts divergent fortement de ceux de l’ensemble de la population.


«Ce qui frappe le plus les analystes, c’est le fossé grandissant entre les «initiés» et le reste de la population canadienne. Leur système de valeurs est à l’opposé de celui des autres Canadiens, dit Benoït Gauthier. Ils privilégient la compétitivité, la performance, la productivité pendant que les autres parlent de justice sociale. Même si leurs calculs sont réalistes – pour la réduction du déficit, par exemple -, il collent mal à la réalité sociale du pays et donnent à bien des gens l’impression qu’en haut lieu, on ne s’occupe pas d’eux. »

Extrait de S. Halpern « On n’a plus la classe qu’on avait !», L’Actualité, 15 octobre 1995, p.68-69 (tiré de Chebat, Filiatrault, Laroche, Le comportement du consommateur, édition Gaëtan Morin, 2005, p.371- 372)



Contre l’apathie de l’électorat et cette perte de pouvoir de la population sur sa propre destinée, il faut trouver des solutions rationelles et systémiques pour améliorer la qualité de la démocratie.



LE BESOIN D’UN LEADER?


Le culte du chef
 
Il faut éviter le messianisme
en politique.
Il faut avant tout éviter de verser dans le messianisme politique en espérant un «chef» aux pouvoirs charismatiques qui met ses culottes et règle miraculeusement tous les problèmes : on le voit déjà avec la présidence de Barack Obama, les attentes très élevées de la population ont frappé la banquise de la réalité, mettant fin à la lune de miel. Il en va de même pour «l’effet Labeaume» qui s’essouffle et finira par rejoindre les rangs de «l’effet Charest» et de «l'effet Duchesneau». Ce culte du chef est en bout de ligne une déresponsabilisation de l’électeur par rapport à son propre avenir, un comportement quasiment infantile de gens qui souhaiteraient vivre dans un épisode de «Papa a raison» en suivant n’importe quel politicien qui maîtrise l’art du clip en psalmodiant, avec une charge émotive élevée, quelques slogans et en gesticulant comme un preacher americain, le tout pour avoir un 2 minutes de gloire à la grande messe qu’est le bulletin de 18h00. À la longue, à force d’être déçus par les promesses d’un quelconque chef charismatique, contraint aux réalités du pouvoir une fois élu, les gens deviennent sceptiques et perdent confiance envers le système politique.


La médiocrité médiatique

Faux News: non merci!
Si on peut blâmer la population pour sa naïveté, il faut tout de même reprocher aux médias une certaine part de responsabilité pour la situation actuelle, la poursuite des cotes d’écoute amenant ces derniers à pousuivre ce qui est divertissant plutôt que de fournir au grand public les informations pertinentes concernant les enjeux politiques actuels, et ce de manière objective. «On écoute vos réactions» devrait être remplacé par «on écoute vos réflexions», de façon à ce que l’information soit traitée comme un outil permettant des décisions éclairées plutôt qu’un bien consommé instantanément par le public. Certes, on est quand même loin du modèle de Fox News, mais pour encore combien de temps?


CRÉER UN NOUVEAU PARTI?


La 3e voie?
Une deuxième fausse piste est celle d’un nouveau parti qui, en émergeant, briserait le duopole politique qu’est l’alternance entre les «bleus» et les «rouges». On l’a constaté, avec l’Action  démagogique démocratique du Québec (ADQ), que cette voie donne peu de résultat, en raison de la méthode de scrutin, uninominal à un tour  qui favorise, par la division du vote, un régime bipartite. Au mieux, le troisième parti peut se substituer éventuellement à un compétiteur déjà établi en l’évinçant de la scène politique, comme ce fut le cas avec lorsque le Parti Québécois remplaça l’Union nationale, ou quand l’Union nationale pris la place du Parti conservateur du Québec. Mais en bout de ligne, ce changement ne fait que momentanément soulager le malaise du système actuel. De manière plus réaliste, le troisième parti est généralement condamné à grapiller l’électorat de l’un ou l’autre des deux partis traditionnellement au pouvoir, en fonction des sujets chauds de l’actualité, comme ce fut le cas de l’ADQ qui, en alternance, joue la carte nationaliste pour plaire aux péquistes insatisfaits (e.g. : dossier des accommodements religieux), puis présente des politiques d’austérité économique pour séduire les mous parmi les libéraux. Avec ce genre de pratiques, le troisième parti, comme l’enthousiasme de ses partisans, s’essoufle financièrement et décline dans la marginalité et l’oubli. Beaucoup d’effort pour rien, finalement, et on comprend alors pourquoi la population devient plus hésitante à l’égard de la politique.



MIEUX COMPRENDRE L’ÉLECTEUR


Plutôt que d’aborder la question de la crise de confiance du public envers les politiciens en lançant aléatoirement des suggestions diverses ayant entre elles un mince fil conducteur, il est préférable de procéder de manière plus méthodique pour éviter l’égarement et le «pelletage de nuages». On peut, par exemple, se doter d’une grille d’analyse basée sur la théorie V.I.E. de Victor Vroom portant sur la motivation . Essentiellement, pour que le citoyen soit motiver à participer aux élections il faut que celui-ci puisse:


1. Croire que le résultat (récompense) est souhaitable
2. Croire que son action (vote) soit instrumental à l’obtention du résultat
3. Croire, avant tout, qu’il est possible d’atteindre le résultat



1. CROIRE QUE LE RÉSULTAT EST SOUHAITABLE


Un problème rencontré est le manque de compétences de plusieurs candidats qui se présentent aux élections, une caractéristique notamment visible en 2007, lorsque l’ADQ est devenue, brièvement, l’opposition officielle: c’est le cas-type d’une PME qui n’avait pas bien planifier sa croissance, résultant d’un lot de néophytes dont le mandat fut sans lendemain. Par compétences en politique, il faut entendre qu’il ne s’agit pas d’attirer davantage des leaders charismatiques (qui haussent le ton pour cacher leur manque d’idées) qui débattent au sujet de la couleur de la margarine et des bulletins chiffrés, mais des gens ayant une bonne connaissance des rouages de l’État et un projet de société, c’est-à-dire une vision d’une stratégie globale, à long terme, pour le Québec. Avec des candidats peu intéressants pour l’électeur moyen, il n’est pas surprenant que ce dernier soit peu réactif lors du lancement de la campagne électoral.


Il faut élire moins d'avocats ratés.
Il faut dire que la présence de politiciens de carrière (issus du népotisme et autres formes de clientèlisme)  au sein de ce que certains nomment la classe politique fait partie du problème, parce que ceux-ci cherchent essentiellement à se maintenir au pouvoir en suivant par simple opportunisme les tendances actuelles, plutôt qu’à défendre un projet et des convictions. Ces carriéristes, ayant peu d’expérience en ce qui concerne le milieu extérieur à la politique, contribuent faiblement au développement de nouvelles idées (il ne faut pas confondre les candidats ayant des idées avec ceux qui sont idéologues…) et sont en partie responsables de cette mystérieuse maladie qu’est la langue de bois. Ils souhaitent, peut-être, grâce à quelques 2 minutes de gloire qui meublent leurs c.v., finir comme commentateur ou lobbyiste. Comparativement, les politiciens ayant une approche plus vocationnelle ont généralement connus auparavant une carrière à l’extérieur du monde politique (e.g.:  René Lévesque en tant que journaliste) et ne se lancent pas en politique pour s’auto-promouvoir (sans être complètement altruistes), mais pour faire avancer des idées : Jacques Parizeau, dans le secteur privé, aurait fait davantage d’argent qu’il n’en a fait en tant que premier ministre; mais l’objectif de Parizeau, de toute évidence, était de réaliser un projet de société, la souveraineté, et on doit reconnaître la force de sa conviction à défaut d'être d'accord avec son objectif.


Évidemment, on ne peut pas avoir de contrôle direct sur le type de candidat qu’un parti présente. Toutefois, on pourrait réformer le système électoral de façon à ce que le vote blancaucun de ceux qui se présentent !») soit reconnu et comptabilisé comme un vote valide. Déjà, l’électorat pourrait plus facilement signaler son insatisfaction à l’égard de la piètre qualité du choix des candidats, ce qui ferait (espérons-le!) réagir les partis politiques en nivelant vers le haut sa sélection.


L'Assemblée Nationale du Québec (2011),
dominée par le PQ (bleu) et le PLQ (rouge)
Le mode de scrutin actuel – uninominal à un tour – favorise l’élection de candidats qui plaisent au « centre-mou » parce qu’il n’est pas nécessaire, pour être élu, d’avoir une majorité absolue (50%+1), mais seulement de détenir une majorité relative (le plus grand nombre de votes) au sein d’une circonscription. Comme les candidats ont tendance à cibler les segments de la population les plus populeux, c’est-à-dire les inertes (45%) et les amovibles (30%) (selon la typologie de Cossette. Comme ces segments combinés (75%) sont peu ou pas ouverts aux nouvelles idées, ces derniers finissent par voter (pour ceux qui votent encore) soit par «tribalisme» (c’est-à-dire en appuyant inconditionnellement les «bleus» ou les «rouges», comme une équipe sportive préférée, ou bien le proverbial cochon qui serait élu à Westmount s’il se présentait sous bannière libérale), soit en suivant la vague, s’assurant ainsi d’être du «bon bord», peu importe leur propre situation au sein des enjeux actuels, soit en se laissant intimider par de la rhétorique économique qu’ils n’arrivent à comprendre (e.g. : obsession de la lutte à la dette publique, qu’on ne distingue pas du déficit budgétaire), ou soit en se laissant guider par des sentiments d’ordre affectif (e.g.: Trudeaumanie, Mario Dumont) comme s’il s’agissait de l’achat d’une marque de lessive préférée. Pour correspondre aux aspirations de cette portion importante de l’électorat, les partis politiques utilisent notamment le stratagème de la langue de bois pour s’engager le moins possible aux niveaux des idées, et sur le long terme, les «bleus» et les «rouges» finissent par devenir qu’un ensemble de tons beiges insubstantiels dont les députés se cachent derrière la ligne de parti. Une solution à l’impasse actuelle lié à cette «tyrannie de la majorité» (et celle de la ligne de parti) serait de remplacer le scrutin uninominal à un tour qui favorise la routine bipartite par une représentation proportionnelle, ce qui permettrait aux segments de l’électorat plus ouverts aux idées nouvelles, c’est-à-dire les mobiles (15%) et les versatiles (10%), d’élire directement une portion des députés, plutôt que de voir leurs votes dilués dans un mer de «mous». Et peut-être, qui sait, devant une plus choix de candidats et de partis qui peuvent être réalistiquement élus, une partie des «mous» voteraient davantage selon les enjeux.



2. CROIRE QUE LE VOTE DONNE DES RÉSULTATS


Malgré la panoplie de partis qui se présentent aux élections, on constate que, généralement, le bipartisme prévaut. Comme on l’a déjà mentionné, le scrutin uninominal à un tour en est le principal responsable. Plus simplement, ce type de scrutin donne le mandat au député qui obtient le plus de vote : si un candidat du Parti libéral du Québec accumule 40% des voix dans un comté, et que l’ADQ et le PQ obtiennent respectivement 30% chacun, bien le PLQ l’emportera malgré que 60% de la population locale ait voté contre ce dernier; on est loin de l’idéal du 50%+1. Cette absurdité au sein d’un système qui se dit démocratique a comme conséquence de décourager les électeurs à opter pour des partis marginaux afin d’éviter de «gaspiller»  leurs votes. D’autres citoyens voteront stratégiquement contre un candidat, plutôt d’appuyer celui qui correspond réellement à son choix. Finalement, il reste ceux qui se découragent et cessent de voter, ce qui donnent les résultats déclinants de participation aux élections. Pire, le redécoupage de la carte électorale (gerrymandering) permet au parti au pouvoir de diluer à sa guise le vote dans les comtés d’une manière qui lui est avantageuse. Un scrutin proportionnel corrigerait les absurdités du système actuel, et permettrait de donner au vote un caractère instrumental aux aspirations de l’électeur.


Il faut que chaque vote compte.


On reproche au système proportionnel son instabilité, mais comme disait Benjamin Franklin : « Those Who Sacrifice Liberty For Security Deserve Neither.» On est partisan de la démocratie, ou bien on ne l’est pas. Depuis plusieurs années, les citoyens ont manifesté un intérêt pour des formes de gouvernement qui sont alternatives au bipartisme rouge/bleu actuel, notamment avec la présence de gouvernements minoritaires au niveau fédéral et (brièvement) provincial. Le scrutin proportionnel serait une évolution logique de ces gouvernements minoritaires, dont les partis seraient amener à mettre de l’eau dans leur vin en cherchant, par compromis, à communiquer des idées et à bâtir des coalitions, plutôt que de perpétuer les politique actuelles de l’hégémonie partisane à tout prix. Une conséquence prévisible du scrutin proportionnel serait la disparition des députés dans les comtés, mais il ne serait pas impossible qu’une région puisse constituer un parti local (e.g. : le Bloc Beauceron, le Parti des Bois-Francs, l’Alliance Abitibienne). Tout comme il serait possible pour certaines catégories de personnes, souvent délaissées, d’avoir une présence parlementaire (e.g. : le Parti des Retraitées et des Retraités du Québec, centrés sur les droits des aînés).


Il faut abolir la monarchie.
Il est aussi important de rappeler qu’en bout de ligne, le rôle des élections est dans le moment présent uniquement une forme de sondage d’opinion : on l’a constaté avec la prorogation du parlement fédéral, deux fois plutôt qu'une, que le mandat que possède les élus n’est qu’une promesse d’ivrogne parce que le Gouverneur général, au nom de la reine, peut retirer à sa guise. Ce qui diminue la motivation des électeurs à exercer leur droit. Une importante réforme constitutionnelle est de rigueur afin d’abolir la monarchie et l’exercice du pouvoir arbitraire qui en découle. On peut être soit pour la démocratie, soit pour la monarchie, car on ne peut vivre à demi-libre, à demi-esclave : penser autrement est semblable à une forme de schizophrénie. La monarchie se base sur l’inégalité juridiques entre les gens (qu'on appelle des «sujets», comme dans l'expression «assujettir et soumettre quelqu'un») par le biais de titres de la noblesse provenant des droits imaginaires, octroyés par une entité qui l’est autant, pour justifier son pouvoir, alors que la démocratie est basée sur l’existence réelle des citoyens, qui eux sont égaux devant les yeux de la loi. La situation constitutionnelle ambivalente  au Canada , où circule un discours démocratique entremêler d'un délire monarchiste, n'est qu'une mascarade de mauvais goût servant à édulcorer de malsaines institutions politiques. On est en 2011, pas en 1066, il est temps que les choses changent. Reste aux partis politiques à avoir assez de courage pour intégrer l'abolition d'un archaïsme insensé à leurs plateformes respectives et de proposer à la place une république, laïque et ayant une réelle démocratie représentative.


3. CROIRE QUE C’EST POSSIBLE


Ce dernier aspect de la motivation de l’électeur est en bonne partie intrinsèque, mais on peut tout de même bâtir les conditions gagnantes d’une saine démocratie en apportant, par le biais des médias, une meilleure qualité de l’information aux électeurs : rien de moins constructif qu’un journaliste qui annonce hâtivement que les gens ne veulent pas d’élections. De plus, dans le domaine de l’éducation, le gouvernement devrait promouvoir le concept de citoyenneté avec des cours appropriés qui, peuvent notamment remplacer les cours controversés d’Éthique et culture religieuse (ECR). Mieux informés, les gens comprendraient  le système politique, l’importance de voter, et les enjeux électoraux, augmentant ainsi (potentiellement) le taux de participation aux élections et la légitimité des gouvernements que la population appointent à titre de représentants.


CONCLUSION


En somme, 4 pistes proposées ici, seules ou combinées, sont envisageables pour créer des incitatifs qui amélioreraient la confiance des électeurs à l’égard du système politique et (éventuellement) des politiciens:

4. un meilleur appui public à l’éducation à la citoyenneté



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Images (domaine public)

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