Saturday, February 19, 2011

Comportement du Consommateur: Valoriser une approche ludique


En marketing, dans le cadre du cours Comportement du consommateur, j'ai lu le manuel Le comportement du consommateur (3e édition) écrit par Jean-Charles Chebat, Pierre Filiatrault et Michel Laroche. Si les contenus sont très intéressant, l'approche pour les présenter pourraient être remaniés un peu, question d'appliquer du marketing à l'enseignement du marketing lui-même. Après tout, si une publicité est un ensemble de répétitions d'entretien servant à inculquer un comportement ou une idée chez le consommateur ciblé, l'enseignement fait sensiblement la même chose chez l'étudiant. J'avais déjà auparavant amorcé cette rélexion avec le texte Comportement du Consommateur: «La Matrice d'Howard», en soulignant l'intérêt de schématiser davantage pour aller à l'essence d'une idée afin de faciliter sa transmission, son apprentissage, par simple souci d'efficience.


D'abord en ce qui concerne l'organisation du livre lui-même, la méthode conventionnelle de tout catégoriser en chapitres est valide, certes, mais ce n'est le genre de contenu qui risque de développer davantage la créativité chez un étudiant en marketing. Il y a un manque d'originalité, et l'expression «on ne change pas une formule gagnante!» devrait s'appliquer dans les matières plus austères comme la  comptabilité, et la finance pas le marketing. On pourrait aller puiser ailleurs, par exemple en litérature, et s'inspirer de l'auteur Umberto Eco. Dans son ouvrage Le nom de la rose, qui est conjugue habilement ensemble la fiction historique  se déroulant dans un monastère et le roman policier, Eco organise les chapitres selon les heures de la journée telles qu'elles étaient conçues à l'ère médiévale (Liturgie des Heures); ainsi, au lieu du traditionnel «chapitre 1», on peut lire «matines, jour 1». L'expression vêpres rajoute plus à l'ambiance que de dire «17h07», surtout qu'à l'époque du récit, il était difficile de déterminer avec autant de précision le moment exact de la journée. Dans un autre livre, Le Pendule de Foucault, Umberto Eco aborde avec scepticisme l'ésotérisme et les théories du complot, et donne comme titres à ses chapitres les titres des Sephiroth, symboles qui figurent dans la Kabbale, afin de contribuer l'atmosphère mystérieuse du récit. Bien qu'intéressants, ces deux thématiques n'ont peu ou pas de liens avec le marketing, bien la façon dont Umberto Eco s'y prend mérite bien un peu d'attention. Si on transpose la méthode en litérature d'Eco sur le contenu du livre Le comportement du consommateur, tout en prenant des sujets peut-être mieux adaptés pour le marketing, on peut transformer ce livre de façon à favoriser une approche plus ludique, en justifiant cette façon de faire avec la loi de l'effet en béhaviorisme, c'est-à-dire qu'un stimulus plaisant est plus susceptible de modifier un comportement (e.g.: l'apprentissage d'un concept) qu'un stimulus neutre ou déplaisant. Deux thématiques qui peuvent spontanément venir à l'esprit quand on aborde le sujet du comportement du consommateur (parmi une panoplie de choix possibles) sont celles de la partie de golf et celle de l'enquête policière.



SUGGESTION 1: LA PARTIE DE GOLF


Le contenant

Si on prend la méthode d'Umberto Eco et qu'on l'applique au manuel en choisissant la partie de golf comme thématique, il est possible de réorganiser le contenu en 18 chapitres (plutôt que les 14 actuels) correspondant à chacun des 18 trous d'un parcours, avec l'index à la fin figurant comme étant le «19ème trou». Un changement trivial, mais qui s'appuie sur la loi de l'effet pour mieux faire passer le message.

Le choix d'une discipline sportive comme thématique s'explique dans la mesure où le marketing est une discipline pratiquée dans un milieu très compétitif, comme le sont les tournois, et le futur mercaticien doit se préparer très tôt à cette réalité. Mais pourquoi le golf, un sport individuel? Lorsqu'on considère ce qu'est l'essence de la compétition, on réalise que ce n'est pas tant de vaincre l'adversaire qui compte (autrement, un athlète olympique pourrait courser contre des gamins de 6 ans et gagner à tout coup) que de se surpasser soi-même, de chercher l'excellence, en performance autant qu'en matière éthique (notion de fair-play et de sportsmanship). Alors que la plupart des autres sports imitent la guerre (hockey, football), le golf est sensiblement calqué sur la vie: le succès est un savant mélange de richesse personnelle, de qualité des outils, de talent individuel,  d'expérience,  d'état d'esprit, de l'influence de l'environnement... et d'un peu de chance.  Contrairement au hockey, dans lequel on doit compter le plus de but, le golf est un sport qu'on gagne en  ayant le pointage le plus bas, en faisant le moins de coups possibles à chaque trou et en évitant les erreurs (e.g.: en expédiant la balle dans la trappe de sable, dans le lac, etc.), ce qui est, en bout de ligne, la  même recherche d'efficience que doit viser un mercaticien. De plus, comme de nombreuses ententes à de hauts niveaux se prennent sur le terrain de golf, c'est simplement logique de familiariser le lecteur avec la terminologie et les pratiques de ce sport.


Le contenu

Au niveau de la matière abordée, il s'agit de garder le même contenu théorique, tout en le revêtant d'un vernis, ce qui peut sembler un superficiel. À titre d'exemple, si on prend la figure 5.10 à la page 119 du livre (le modèle de catégorisation de Brisoux et Laroche), on observe un tableau similaire à celui qui figure ci-contre.

Maintenant, si on modifie le tableau afin qu'il intègre aussi le golf, on obtient le résultat suivant:


 

Un changement modeste (qui fait peut-être sourciller) mais qui n'affecte pas la théorie que l'étudiant doit apprendre en tant que telle. Cette approche est plus susceptible de laisser une impression durable chez le lecteur que le ferait un énième tableau présenté avec la même esthétique que celle présentée originalement dans le livre Le comportement du consommateur.


On peut aussi changer plus dramatiquement le contenu du cours en utilisant d'autres de méthodes de schématisation que celles privilégiées dans le manuel. Par exemple,  à la page 59, on utilise un tableau similaire à celui de gauche pour illuster les caractéristiques des différents canaux de communication auxquels se réfèrent le consommateur lorsqu'il effectue une recherche pour un achat complexe, une simple matrice avec deux variables: la nature du canal de communication (personnel ou impersonnel) et le contrôle qu'exerce (ou non) le mercaticien sur cette source d'information. Le recours à l'imagerie du golf peut donner un résultat différent:




Dans ce modèle formé de cercles concentriques, on met en évidence que dans le parcours du consommateur avisé, celui-ci a tendance à aller d'abord vers les canaux de communication pour lesquels il a le plus confiance, en commençant par la recherche interne, c'est-à-dire ses propres souvenirs et expériences, puis il va vers les gens  de son entourage qu'il considère fiables et ayant une certaine expertise dans le domaine concerné (canaux personnels hors du contrôle du mercaticien), et ensuite les sources médiatiques qu'il juge étant neutre (canaux impersonnels hors du contrôle du mercaticien). En plus de la théorie, on peut intégrer au tableau un scénario de consommation en utilisant une méthode différente du tableau à deux variables présenté précédemment. Le changement est alors bien plus que superficiel.


SUGGESTION 2: L'ENQUÊTE POLICIÈRE


Comme thématique alternative, on peut aussi pour comparer l’étude d’un comportement du consommateur à l’enquête policière. L’acte d’achat et l’acte criminel sont effectivement des comportements humains, avec des facteurs situationnels et des motivations sous-jacentes. Si le policier travaille dans le but de prévenir et de réduire l’occurrence de certains comportements néfastes au sein de la société, le mercaticien travaille avec des méthodes similaires dans le but de promouvoir au sein de la société des comportements jugés comme étant positifs pour l’entreprise qui l’emploie. Certains peuvent peut-être critiquer le mercaticien comme étant à la source du «crime» qu'est la surconsommation (et tout le phénomène de la société de consommation), mais quand ceux-ci devraient prendre en considération le marketing sociétal, qui peut-être utiliser pour promouvoir des causes sociales (e.g.: l'équité salariale pour les femmes, un spectacle bénéfice) ou pour contrer des phénomènes nuisibles comme la pollution, la violence conjugale, les agressions sexuelles, la toxicomanie, l'alcoolisme, le décrochage scolaire, etc. Les gauchistes doivent comprendre que le problème n'est pas tant dans le contenant (le marketing) que dans le contenu (ce qu'on encourage). De plus, il ne faut pas oublier qu'en aidant la vente de produits, le responsable en marketing aide son entreprise à survivre, et donc assurent que les travailleurs de la firme gardent leurs emplois.


Mais revenons au comportement du consommateur en faisant écho aux idées d'Umberto en adoptant une thématique.


Le contenant

Si l'approche de la partie de golf met l'accent en partie sur la compétition,  celle de l'enquête policière met davantage celui-ci sur une vision plus analytique d'une situation donnée, axée sur la rigueur et le recours à pratiques méthodiques, qui renforcent l'habitude chez l'étudiant de toujours se référer aux  5 questions essentielles:


Quoi?
 Où?
Qui?
Quand?
Comment?
 Pourquoi?



En plus, on tisse des liens avec les séries policières, dont la popularité ne peut être démentie vue l'abandondance de l'offre à la télévision (CSI, Law and Order, Bones, X-Files, etc.), au cinéma, tout comme en litérature (Arthur Conan Doyle, Agatha Christie, etc.). S'associer à cette popularité, c'est de puiser dans la loi de l'effet pour donner une expérience d'apprentissage améliorée. Afin donner une atmosphère ludique au contenu théorique, on peut faire de nombreuses associations d'idées entre le comportement du consommateur et l'enquête policière:


- le crime: l'acte d'achat
- la scène de crime: le lieu de l'achat
- l'arme du crime: le mode de paiement
- les circonstances du crime: les facteurs situationnels
- le mobile: la motivation
- le récidivisme: la fréquence d'achat
- le complice du crime: le vendeur (ou une autre personne) lors de la vente
- l'enquêteur: le mercaticien
- l'enquête policière: l'enquête marketing
- le suspect: le consommateur
- la déposition du suspect: le témoignage du consommateur
- le rapport du coroner: l'étude de marché




Le contenu

On peut considérer que l’enquête criminelle étudie un acte (e.g. meurtre) qui est généré par des motivations intrinsèques et des facteurs circonstanciels, tout comme le marketing étudie des principes similaires  pour comprendre l'acte d’achat du consommateur. On pourrait aussi faire le pont entre ces deux domaines en effectuant une application de l’équation (2) du modèle d’intention comportementale de Fishbein (figurant à la page 136 du manuel) dans le domaine de la criminalité (plutôt que celui du magasinage): on constaterait probablement que les comportements criminels «d’opportunité» (e.g.:  l'achat de cigarettes de contrebande, excès de vitesse sur la route) sont plus fréquents que les actes plus haineux (e.g.: meurtre, viol) parce que ces derniers sont considérés comme étant particulièrement répréhensibles par le milieu social. Le milieu social lui-même a un impact, tout comme les valeurs qui y prédominent: il y a vraisemblablement plus de criminels chez les motards One percenter, où la violence et l'intimidation physiques sont des méthodes de persuasion considérées valides, que dans un club de bridge ou une équipe de curling, groupes pour lesquelles le recours à ces façons entraîne l'ostracisme. Inversément, les comportements jugés positifs par le milieu social, comme l'acquisition d'une BMW pour un consommateur évoluant dans une sous-culture yuppie et souscrivant aux valeurs de celles-ci,  ont plus de chances de se produire que ceux qui sont découragés (e.g.: l'achat d'une voiture de marque Lada).



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Images (domaine public):

Sherlock Holmes: http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Sherlock_holmes_pipe_hat.jpg
Scène de crime:
http://en.wikipedia.org/wiki/File:US_Army_CID_agents_at_crime_scene.jpg