Saturday, February 8, 2014

Une minute d'Histoire : Le voile au Québec




Au Québec, dans le débat actuel qui concerne la soi-disant des charte des valeurs «québécoise», on est plutôt dans l'émotion que dans la raison. D'un côté, on veut restreindre le port de symboles religieux au sein de la fonction publique et des organismes para-gouvernementaux (comme les écoles et les hôpitaux, bien que le Québec ait connu une longue histoire d'enseignantes et d'infirmières issues des congrégations religieuses qui portaient, en tant que soeurs et mères supérieures, un voile assez similaire au hidjab), de l'autre, on conserve le crucifix à l'Assemblée nationale sur une base supposée patrimoniale. Le crucifix est «culturel» dira-t-on, mais quelle partie de cette culture québécoise représente-t-elle? La partie religieuse. Donc, le crucifix est un symbole religieux que l'on doit retirer si la charte doit avoir la moindre légitimité, sinon, elle est une façon déguisée d'imposer le catholicisme comme religion d'État tout en ciblant les autres religions sous le couvert douteux d'une «laïcité» qui n'en est pas une.

Pour ce qui est de la conservation du patrimoine, je veux bien. Par exemple, l'église Saint-Nom-de-Jésus dans Hochelaga-Maisonneuve a été construite par des paroissiens québécois et possède un orgue Casavant d'une grand valeur historique: le gouvernement devrait s'assurer de l'intégrité de ce site pour des valeurs architecturales et patrimoniales, bien que l'édifice soit religieux. Il y a une valeur muséale au site. Le crucifix de l'Assemblée nationale, imposé par Duplessis comme pied-de-nez à la séparation de l'Église et de l'État en France en 1905, a toute de même une valeur historique et sa place est dans un musée... ou dans une église.

Mais en ce qui concerne la continuité de cet héritage historique, faut-il rappeler que l'Église catholique a traditionnellement jouer le même rôle en Nouvelle-France que celui qu'on reproche aujourd'hui aux imams: celui de carcan de la femme. Bien que les gens sont conscients que le voile n'est pas étranger à la culture québécoise dû à la forte présence de congrégations religieuses (Montréal a été fondée par une curieuse alliance de fanatiques religieux et de marchands de fourrures, sans oublier les nombreux groupes religieux catholiques ont immigré au Québec après 1789), souvent ceux-ci se disent que c'était l'uniforme des religieuses appartenant à des organismes, alors que les musulmanes le porte sur une base individuelle sans lien avec une congrégation. Or, dans notre passé, le port du voile était généralisé à l'ensemble population féminine. Ce cours extrait dresse un portrait de nos antécédents moralistes au Québec:



« On ne s'étonne plus ensuite que cette société vive dans une atmosphère de morale rigoureuse. Sans en être le créateur (puisqu'elle a cours en l'Europe de son temps), le théoricien de cette morale est l'évêque Saint-Vallier, à la charnière des XVIIe et XVIIIe siècles, et son système de pensée va se prolonger par son Rituel et par son Catéchisme, jusqu'à l'époque de mes parents.

Morale qui régit tout le champ de la vie. Y compris d'abord la toilette, celle évidemment de la femme. On voit vos cheveux à l'église, madame, et ils sont frisés? écoutez l'évêque qui dénonce chez vous en 1682 et 1686 « la tête découverte, ou qui n'est couverte que de coiffes transparentes, et les cheveux frisés d'une manière indigne d'une personne chrétienne ». Mais, écrit-il encore, ce qui « nous perce l'âme de douleur », ce sont, dans l'église, ces « nudités scandaleuses de bras, d'épaules et de gorges, se contentant de les couvrir de toile transparente qui ne sert qu'à donner plus de lustre à ces nudités honteuses », « dont la vue fait périr une infinité de personnes, qui trouvent malheureusement dans ces objets scandaleux la cause de leurs péchés et leur damnation éternelle. »

Marcel Trudel, Mythes et réalités dans l'histoire du Québec, p.303-304



Je me demande finalement d'où vient tout ce côté émotif concernant le port du voile: est-ce qu'il s'agit d'une façon pour une collectivité, dans ce cas-ci québécoise, de résister à l'influence étrangère (musulmane dans la circonstance) ou est-ce un refus de voir une certaine part des ténébres au sein de cette collectivité québécoise, le hidjab renvoyant à une partie beaucoup moins reluisante de notre passé?