Saturday, February 5, 2011

Abolir les Forces armées canadiennes?



La question se pose.

Certains politiciens voient la guerre
un peu trop comme un jeu.
Présentement, le principal problème des forces armées canadiennes est l’absence de clarté au niveau du mandat premier de ce groupe : parfois, le rôle des militaires est d’agir comme Casques bleus dans les missions de paix de l’ONU, à être des boy-scouts dans des tâches essentiellement logistiques; à d’autres moments, on confie aux soldats un rôle plus agressif, voire carrément impérialiste, comme c’est le cas présentement avec les interventions en Afghanistan et, historiquement, des différents coups de main  que le Canada a donné à l’Angleterre. Une troisième voie consisterait à définir l’armée canadienne comme un groupe dont le mandat est spécifiquement d’appuyer la population en temps de crise (e.g. : verglas), ce qui ferait de celle-ci un ensemble complémentaire aux forces policières qui être facilement et rapidement déployé lors de situations contingentes. Évidemment, il y aussi des économies substantielles à réaliser dans le cas échéant où on abolirait tout simplement les forces armées, le coût du matériel militaire dépassant largement le budget octroyé par les Conservateurs aux musées (ce qui est curieux pour des conservateurs). Devant ces choix, les Québécois doivent se demander vers quelle direction aller.


1. Une armée pour la paix

Fighting for peace is like screwing for virginity
(George Carlin)


L'enfer est pavé de bonnes intentions
Si les missions de paix de l’ONU, telles que proposées par Lester B. Pearson, ont eu dans le passé un effet bénéfique, notamment dans le cas de la crise de Chypre, il faut néanmoins souligner qu’on s’est depuis distancé des idéaux de Mo Tzu, qui déployait des troupes pour préserver la paix, en utilisant le terme «mission de paix» pour justifier les invasions canadiennes en Afghanistan (et dorer la pilule…). Aujourd’hui, le terme «peacekeeping» n’est qu’une façon d’édulcorer les atrocités réelles de la guerre, ce qui finalement invalide le rôle de pacificateur de l’armée. L’enfer est pavé de bonnes intentions, et du rêve de Lester B. Pearson, il ne reste que ce qui est devenu un outil de propagande pour faciliter l’invasion de pays étrangers.


2. Une armée pour la guerre


Blood for Oil


Défendre nos valeurs... financières.
L’intervention en Afghanistan a par moment été justifiée non pas par une tentative des puissances occidentales de s’accaparer des réserves pétrolières se situant dans les cours arrières des géants démographiques et puissances émergentes que sont l’Inde et la Chine, mais par une volonté de «défendre nos valeurs», un leitmotiv qui est une véritable coquille vide servant à appuyer l’impéralisme de l’Occident en Asie centrale. Outre que financières, quelles sont ces valeurs? On ne le spécifie jamais, à part sous forme de sophismes typiques du présent parti au pouvoir (e.g. : «Vous êtes soit pour la guerre en Afghanistan, ou pour les Talibans qui tuent des fillettes dans des écoles» comme si aucune autre position, plus réaliste et plus nuancée, serait possible). Cette «guerre froide» pour les ressources énergétiques, ainsi que les tactiques plus agressives employées par les troupes canadiennes, offrent un portrait qui contraste avec l’image boy-scout que les citoyens Canadiens et les Québécois se font de leur armée et de leurs politiques étrangères.

Certaines idées circulent aussi sur la nécessité du Canada a accroître la taille de son armée afin de donner au pays de la «fierté», et ainsi ne pas projeter l'image d'une «république de bananes», mais cette volonté de puissance se fait à quel coût? Pour satisfaire l'ego de quelques uns, devrait-on transférer des fonds qui sont utiles à la santé, aux infrastructures et à l'éducation pour financer l'industrie de la guerre? Outre le coût économique, il y a aussi des vies humaines en jeu: le déploiement de troupes implique de réelles personnes prêtent à se sacrifier, et celles-ci ne devraient pas être traitées comme des petits soldats de plomb qu'on déplace tels des pions sur l'échiquier pour simplement satisfaire les caprices et l'orgueil des dirigeants politiques, aveuglés par l'idéologie conservatrice et la folie de la démesure. Si vous voulez vous sentir fiers, allez encourager une équipe sportive. Si vous devez surcompenser la faiblesse de votre anatomie, achetez-vous une Corvette.




Le sophisme de la vitre cassée

La vitre cassée est le titre du chapitre I de Ce qu'on voit et ce qu'on ne voit pas. Bastiat part d'une histoire, celle du fils de «Jacques Bonhomme» qui casse un carreau de vitre, et de la réaction des badauds :

«À quelque chose malheur est bon. De tels accidents font aller l'industrie. Il faut que tout le monde vive. Que deviendraient les vitriers, si l'on ne cassait jamais de vitre?»

Bastiat reconnaît que le coût de réparation de la vitre (six francs de l'époque) bénéficie bien directement à l'industrie vitrière («ce qui se voit»), mais il s'oppose à la conclusion qu'il en résulte un bénéfice pour l'industrie tout entière, car cela néglige les autres usages qui auraient pu être faits de ces six francs («ce qui ne se voit pas»). Par exemple, si la vitre n'avait pas été brisée, Jacques Bonhomme aurait pu consacrer le même argent à l'achat d'une paire de chaussures, et « aurait eu tout à la fois la jouissance d'une paire de souliers et celle d'une vitre.»

Il en conclut que «la société perd la valeur des objets inutilement détruits», ce qu'il résume par : «destruction n'est pas profit.»

Applications

Ce sophisme s'applique à des idées intuitives courantes comme par exemple les guerres, font marcher l'économie. On montre une activité visible liée a la consommation ou l'activité humaine, mais cette activité aurait pu être utilisée à autre chose qu'à la restauration de ce qui est détruit.





Ice, Ice, Baby


Il faut privilégier la diplomatie avec nos voisins.
En ce qui concerne l’impératif de défendre ses frontières, il faut noter que le Canada, face à ses voisins immédiats – la Russie et les Etats-Unis – offre peu de possibilités d’une résistance durable contre une invasion étrangère : avec 34 millions d’habitants, les possibilités de recrutement sont ridicules comparées aux deux voisins qui disposent d'arsenaux nucléaires. Au mieux, l’armée canadienne peut rectifier par la force des armes les frontières en cas d’incident avec un pays modeste comme le Danemark, ce troisième voisin, un peu méconnu, qui rivalise avec le Canada pour l’accès à l’Arctique via sa «filière» qu’est le Groënland. Mais est-ce que ça vaut la peine de sacrifier des vies pour quelques arpents de neige, tout ça à cause de querelles avec un pays dont les principales exportations sont des caricatures controversées?


Pays et régions du pôle nord: Populations en 2010 
(nombre approximatif d'habitants; données provenant de Wikipedia)
 
Canada                                  34 millions
Danemark                                5 millions
Groënland                           0.05 millions
Islande                                  0.3 millions
États-Unis                            308 millions
Norvège                               4.8 millions
Nunavut                              0.03 millions
Québec                                 7.9 millions
Russie                                  141 millions
Union Européenne (UE)       500 millions



3. Une force de sécurité civile


Sans nécessairement sacrifier les externalités positives (retombées) attribuables à la défense nationale, le Canada à l'instar du Japon de l'après-guerre, pourrait démanteler son armée et, par la suite, élargir le rôle des forces policières, en attribuant certaines ressources cruciales comme les camions, des avions cargo (les Hercules), les navires de la garde côtière, les hélicoptères, ainsi que des troupes qui peuvent être mobilisées de façon expéditive en cas de désastre naturel (e.g. : l’inondation de la Rivière Rouge au Manitoba) ou humanitaire, c’est-à-dire un véritable retour aux missions de paix (e.g. : Haïti), sans l’hypocrisie conservatrice. Ceci signifierait la fin de l’armée canadienne et des expéditions coloniales à l’étranger, les dépenses inutiles en F-18 et en sous-marins – ces derniers sont d’ailleurs plus dangereux pour les troupes que l’ennemi, comme on l’a vu avec le Chicoutimi. Simplement, même sans armée, le Canada et le Québec, avec une «police fédérale» qui a un rôle qui dépasse celui de l’actuelle GRC, conserveraient d’importants leviers pour faire une adéquate gestion de crise.


4. L’abolition de l’armée


Tout simplement.


Le Costa Rica l'a déjà fait, permettant à ce pays de connaître un essor économique comparativement aux «républiques de bananes» qui le voisinent en pouvant réaffecter ailleurs le budget normalement alloué à la défense nationale. De plus, l'absence d'une l'armée a limité la possibilité d'un coup d'État, favorisant ainsi la  stabilité du pays et la démocratie.


Ici, une réaffectation de budgets octroyés pour la défense nationale (ainsi que les ressources naturelles et la main-d’œuvre pertinentes), pourrait servir à des programmes d’infrastructure, aux services, ou à la lutte au déficit, ce qui améliorait la qualité de vie des citoyens sans hypothéquer l’avenir, dans un cas ou l’autre. Évidemment, il est quand même utile d’avoir une force pouvant être facilement déployée en cas de crise (e.g. : pluies diluviennes au Saguenay), ce qui me laisse perplexe face à une abolition complète de l’armée, mais ouvert à ce qu’on change radicalement la forme et la fonction de celle-ci.


CONCLUSION


«La Guerre est une affaire trop sérieuse 
pour être abandonnée aux généraux


Personnellement, je préfère que les Forces armées canadiennes effectuent une transition afin que celles-ci deviennent une véritable force de sécurité civile (l'option 3), ce qui permettrait de conserver les avantages liés à la défense nationale sans avoir les inconvénients des activités néocoloniales dans lesquels le Parti libéral du Canada (PLC) et le Parti conservateur (PC) nous ont entraînés.

Mais en bout de ligne, c'est aux citoyens à se réveiller et à refuser la situation actuelle du Canada,  véritable laquet de la politique étrangère américaine, en cessant de donner le pouvoir à des politiciens qu'y prennent la guerre un peu trop comme un jeu.



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Ce texte a été inspiré de l'article De la non nécessité d'une armée d'Alexandre Charest
http://www.generationdidees.ca/idees/de-la-non-necessite-dune-armee/

Images:

Casque bleu http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Evstafiev-bosnia-sarajevo-un-holds-head.jpg
Actique  http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Arctica_surface.jpg
Soldat américain
http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:American_and_Afghan_military_police_visit_a_remote_village.jpg