Sunday, April 15, 2012

Voir rouge

Je ne regarde pas TVA et la plupart du temps, j'évite de consommer tout produit lié de près ou de loin à Québécor, et ce n'est pas évident vue que l'entreprise, comme Cthulhu, étend ses tentacules partout. Par contre, la semaine dernière alors que je passais au resto - je prenais un shish taouk, question de vérifier les délires de Richard Martineau selon lesquels on peut devenir musulman en mangeant de la bouffe «à l'ail» - et, écran géant oblige, j'ai eu le droit à une entrevue télévisée du canal LCN (La cosa nostra?) avec des représentants de la cause étudiante.


Quelle mauvaise expérience.


Non, pas pour les étudiants, qui défendaient très bien leur point. Bon, j'ai un parti pris, c'est vrai, et j'appuie le gel des frais de scolarité pour des raisons macroéconomiques (la formation aide au développement qualitatif de la main-d'oeuvre, donc à la croissance à long terme du PIB) et microéconomiques (je suis moi-même aux études en gestion). Ce qui était agaçant, c'est la manière que Julie Marcoux encadrait le débat. Pour elle, et j'assume que l'animatrice ne faisait que suivre la ligne éditoriale de la mafia médiatique de PKP, le Québec se divise apparemment en deux camps mutuellement exclusifs: les honnêtes travailleurs qui paient des impôts et les étudiants protestaires.


Le petit problème, c'est que d'abord, des travailleurs malhonnêtes existent. Demandez à Vincent Lacroix. Ils ne paient pas tous leurs impôts, ni nécessairement leur juste part, surtout quand ils ont des revenus élevés. D'autre part, être étudiant et être travailleur ne sont pas deux catégories distinctes: bon nombre d'universitaires et de cégépiens occupent des emplois, alors que de nombreux travailleurs - comme moi - effectuent le chemin inverse en étudiant à l'université à temps partiel. Chez les démagogues, on a souvent tendance à nous présenter des étudiants « Tanguy » de 18-20 ans, qui vivent chez leurs parents, flânent sur des terrasses à boire de la sangria et qui collectionnent les ipods (tout en occultant que des rectrices qui quittent avec des primes de 703 500$ peuvent fournir en sangria toute une légion). Mais la nouvelle réalité est la suivante: il y a de plus en plus d'étudiants dans la trentaine, certains ayant déjà des enfants, qui travaillent présentement et prennent quelques cours en espérant améliorer leur sort. 


Comme je l'ai écris en janvier en reprenant les idées de Noam Chomsky pour dénoncer le débat Duhaime-Lisée comme étant une imposture d'un affrontement gauche-droite, les médias manipulent souvent l'opinion publique en choisissant la façon d'encadrer les débats et évacuant les possibilités de nuances, afin d'obtenir une réaction «pour» ou «contre» des téléspectateurs, au lieu d'une réflexion. À mon avis, ce genre de pratique est bien pire que d'annoncer le décès de «Kim Jong Deux», un simple dérapage accidentel.


Manifestement, mon médiocre monde médiatique « m'informe », martèle maintes marchandables médisances manichéennes mêlées, me ment, me manipule malgré moi, m'amène mépris, m'indigne même. Maudit! Mais mes maux mobilisent mes mots, m'écrivent mon mémo, mon message m'extériorisant mon mécontentement.


Ce midi-là, j'ai bien aimé le shish taouk, mais pas le plat de pieuvre qui est venu en accompagnement.