Sunday, April 1, 2012

Des leçons de Deadwood





Al: (Sits, lets out a sigh) Why ain’t you up and running again?

Merrick: I’m in despair. The physical damage is repairable, but the psychic wound may be permanent.

Al: (After a pause.) You ever been beaten, Merrick?

Merrick: (Rolls his eyes) Once, when I thought I had the smallpox, Doc Cochran slapped me in the face –

 (Al slaps him.)

Merrick: Ah! (He stares at Al, touching his cheek — he leans forward) Stop it, Al.
Al: Are you dead?

Merrick: Well, (touches cheek) I’m in pain, but no, I’m obviously not dead.

Al: And obviously you didn’t fucking die when the Doc slapped you.

Merrick: No.

Al: So including last night, that’s three fucking damage incidents that didn’t kill you. Pain or damage don’t end the world, or despair, or fuckin’ beatings. The world ends when you’re dead. Until then, you got more punishment in store. Stand it like a man — and give some back.





Depuis plusieurs années, le gouvernement Charest, pour faire diversion sur l'échec de ses réformes en santé, vante à qui veut l'entendre les mérites du Plan Nord. Un projet d'avenir... basé sur des ressources épuisables, sur une industrie du secteur primaire (donc aucun avantage lié à la valeur ajoutée et aucune retombée provenant des activités de transformation) et sur les investissements étrangers, encadrés par des lois minières douteuses. Le tout se déroulant sur des territoires appartenant aux Autochtones. Peu importe l'échec de Gagnon, aujourd'hui ville fantôme, la quasi-fermeture de Murdochville, et la dénonciation du Plan Nord par Jacques Parizeau, pour le PLQ, la réalité n'est pas une contrainte. Si on joue à l'avocat du diable et qu'on se dit que le Plan Nord sera un succès, on peut comparer avec des précédents historiques pour prévoir le résultat. Un exemple: la ville de Barkerville en Colombie-Britannique, qui suite à un boom minier au 19e siècle su attirer 5000 personnes... avant de devenir un village fantôme au 20e siècle, pour finalement être reconverti à centre historique. C'est sympa la nostalgie de l'ancien temps, mais si Jean Charest veut suivre l'exemple de Barkerville dans le développement durable du Québec, peut-être qu'il devrait sauter une étape, celle du développement minier, et simplement investir des sommes pour soutenir financièrement le Village québécois d'antan de Drummondville.


Un autre exemple qui vient à l'esprit est celui de la ville de Deadwood dans le Dakota du Sud. Avant que l'excellente série de HBO circule sur les ondes et en DVD, je doute que peu de gens étaient au courant que la ville de Deadwood existait. Cette localité, qui a déjà compté plus de 5000 habitants, en a aujourd'hui à peine 1300. Il semble y avoir une certaine tendance en ce qui concerne les villes minières: elles poussent rapidement, mais semblent ne pas pouvoir offrir une croissance constante à long terme, et même déclinent. L'expression « feu de paille » me vient à l'esprit. En plus de permettre d'apporter une certaine critique au Plan Nord, le cas de Deadwood démontre aussi l'échec d'une initiative libertarienne visant à former une communauté à l'extérieur d'un cadre gouvernemental, un délire qui continue encore aujourd'hui avec des projets de villes flottantes en eau internationale (seasteading) malgré le fiasco de la République de Minerva et des cas de fraudes, comme celui concernant la principauté de New Utopia et le Dominion de Melchizedek. Mais bon, si des libertariens veulent quitter le Québec, loin de moi le désir de les en empêcher. Je les invite à aller en Somalie (où d'ailleurs le projet de Principauté de Freedonia a été un désastre surt toute la ligne), à défaut qu'ils puissent changer de planète.


Évitez de croire aux mythes.
Si on reviens au cas de Deadwood, on reconnaît que deux types de pressions peuvent amener un groupe d'individus à tisser des liens et former un gouvernement: celles provenant de l'extérieur, surtout quand une communauté plus puissante est à côté (e.g.: le gouvernement américain), et celles occasionnées par des problèmes internes, notamment en ce qui concerne la sécurité publique. Quand il s'agit des rêveries du Far West folklorique, l'expérience de Deadwood jette parfois une douche froide à ceux qui croient qu'une société formée purement d'individus « volontaristes » pourraient arriver à fonctionner. Tôt ou tard, peu importe le niveau d'endoctrinement à la sauce Ayn Rand qu'une personne puisse avoir, la réalité fini par la rattrapper. Cette époque « plus simple », où l'être humain était libre, indépendant et autonome, n'a vraisemblablement jamais existé, sauf dans l'imaginaire néolibéral.


Propriété privée... et privés de propriété


L'histoire de la ville de Deadwood commence dans les années 1870s, au lendemain de la Guerre de sécession (Civil War ou « Guerre civile ») dans le territoire des Black Hills, terre reconnue comme étant la propriété des Autochtones de la nation Lakota (Sioux) selon le traité de Fort Laramie. Le point de départ est crucial pour constater que le droit à la propriété, concept sacré pour les gens de la droite, ne semble pas s'appliquer également à tous, surtout quand cette propriété convoitée est dans les mains des Amérindiens.  Les prospecteurs qui s'installèrent au campement de Deadwood après la découverte de gisements d'or étaient des squatters, des occupants illégaux, qui se sont appropriés les terres d'autrui au moyen d'un système de claims sans réelle valeur légale. Évidemment, plutôt que de voir la réalité, les révisionnistes de la droite aime faire passer ces territoires comme étant à l'origine une terra nullius, une vision des choses qui n'est pas sans rappeler l'attitude hautaine et colonialiste des défenseurs du Plan Nord, pour qui les Autochtones ne sont pas des partenaires avec lesquels il faut d'abord bâtir une entente, mais une complication à contourner lorsque le gouvernement Charest défend les intérêts des gens qu'il représente réellement, les compagnies minières.


À l'époque, les Lakotas auraient été en droit de chasser les prospecteurs du territoire des Black Hills. Ils auraient eu un casus belli contre les squatters, surtout que ces derniers, en vivant à l'extérieur des frontières des États-Unis d'Amérique, renonçaient à la protection gouvernemental. Toutefois, au moment où cette colonisation illégale a eu lieu, les Lakotas et les Yankees étaient dans une période de (bref) retour au calme: la bataille de Little Bighorn s'était terminé avec la défaite du Général Custer et le massacre de Wounded Knee n'avait pas encore eu lieu. Ouvrir les hostilités avec les colons illégaux, auxquels se seraient identifiés les citoyens états-uniens, aurait probablement ramener les troupes américaines en sol autochtone. L'autre problème en est un de chiffres: quand surviennent 5000 prospecteurs à Deadwood, quasiment du jour au lendemain (1874-1876), il est difficile pour les Lakotas d'endiguer le flot provenant de cette ruée vers l'or. En bout de ligne, avec la logique bismarckienne de cette période historique, occuper un territoire permettra aux colons américains d'en revendiquer la possession et ainsi évincer les Autochtones de leurs propres terres. On est loin du portrait présenté dans les (mauvais) films Western, où une petite famille de cultivateurs qui s'installent sur un homestead légalement acquis est soudainement encerclée par une horde de « sauvages »... dans le cas de Deadwood, l'inverse est vrai: c'est la famille autochtone qui s'est retrouvée entourée des prospecteurs illégaux, pas tous des enfants de choeur. Pour le Québec, une croissance significative de population dans le nord pourrait amener des communautés autochtones à devenir des « Odanaks » enclavés par des établissements allochtones, c'est-à-devenir des minorités dans leurs propres territoires (bien que pour l'instant, je doute que les villes minières aient ce potentiel de croissance démographique à long terme).


Un autre aspect auquel il faut tenir est celui de la propriété de la terre s'étend aussi dans le sous-sol de ce territoire. Si les prospecteurs minent l'or à Deadwood, les redevances qu'ils devaient payer étaient envers les Lakotas. Donc, non seulement les squatters occupent géographiquement un espace appartenant aux Autochtones, mais ils soutirent à ceux-ci d'importants revenus fiscaux, ce qui rend la ruée vers l'or de Deadwood doublement illégale. Si on revient au Québec, ce n'est pas être cynique de présumer qu'avec la désuète loi sur les mines, les Québécois n'auront pas leur juste part de redevances. Et les Autochtones encore moins. (Évidemment, au Québec, on est plus porté à réagir quand il s'agit de l'intrusion des compagnies dans sa cour arrière, comme c'est le cas avec le débat concernant l'exploitation des gaz de schiste, que de se préocupper du sort des Premières Nations, bien que l'indignation dans le second dossier se fait de plus en plus ressentir. Il y a peut-être espoir d'un changement de mentalités).


Tout compte fait, la nostalgie néolibérale du capitalisme du XIXème omet curieusement de spécifier que la clé de voûte de leur idéologie - la propriété - n'a aucunement respectée par les États-Uniens lors de la colonisation de l'Ouest. Et pour éviter toute dissonance cognitive, on a présenté des films mensongers pendant des décennies à public qui voulaient bien y croire.


Et que dirait Ayn Rand?


"Now, I don't care to discuss the alleged complaints American Indians have against this country. I believe, with good reason, the most unsympathetic Hollywood portrayal of Indians and what they did to the white man. They had no right to a country merely because they were born here and then acted like savages. The white man did not conquer this country. And you're a racist if you object, because it means you believe that certain men are entitled to something because of their race. You believe that if someone is born in a magnificent country and doesn't know what to do with it, he still has a property right to it. He does not. Since the Indians did not have the concept of property or property rights--they didn't have a settled society, they had predominantly nomadic tribal "cultures"--they didn't have rights to the land, and there was no reason for anyone to grant them rights that they had not conceived of and were not using. It's wrong to attack a country that respects (or even tries to respect) individual rights. If you do, you're an aggressor and are morally wrong. But if a "country" does not protect rights--if a group of tribesmen are the slaves of their tribal chief--why should you respect the "rights" that they don't have or respect? The same is true for a dictatorship. The citizens in it have individual rights, but the country has no rights and so anyone has the right to invade it, because rights are not recognized in that country; and no individual or country can have its cake and eat it too--that is, you can't claim one should respect the "rights" of Indians, when they had no concept of rights and no respect for rights. But let's suppose they were all beautifully innocent savages--which they certainly were not. What were they fighting for, in opposing the white man on this continent? For their wish to continue a primitive existence; for their "right" to keep part of the earth untouched--to keep everybody out so they could live like animals or cavemen. Any European who brought with him an element of civilization had the right to take over this continent, and it's great that some of them did. The racist Indians today--those who condemn America--do not respect individual rights."


 

Pur délire, qui a le comble de faire d'attribuer le racisme de l'opinion d'Ayn Rand aux Autochtones eux-mêmes, tout en niant les titres de propriété obtenus et reconnus par les différents traités du gouvernement américain, dont celui de Fort Laramie mentionné plus tôt, ainsi que par la Cour suprême en 1980 (United States v. Sioux Nation of Indians).


Faire sa propre loi?


Pour les tenors de l'utopie néolibéral, une ville comme Deadwood a été un wet dream. Peu importe la question fondamentale de la propriété, qui semble s'appliquer différemment selon la couleur de peau d'un individu, la ville était un endroit où un entrepreneur minier pouvait travailler sans aucune intervention du gouvernement et garder pour lui-même le totalité du fruit de ses labeurs. Libre à lui (ou à elle, quand on pense à Calamity Jane) de se faire justice avec un revolver Colt. Pas d'impôts, pas de redevances, pas de réglementations, le territoire occupé par les squatters se trouvant à ce moment dans une zone grise entre les territoires peuplés par les Lakotas et les territoires gouvernés directement par les Américains. 


Pas de taxes... du moins au début.


Nothing is certain but death and taxes.


Tôt ou tard, un campement de 5000 personnes nécessite de certaines règles pour pouvoir adéquatement, et des institutions pour imposer celles-ci. Des règles d'hygiène, par exemple, auraient évité l'épidémie de variole de 1876. Des règlements de construction, un plan d'urbanisme et un service de prévention des incendies auraient évité l'incendie de 1879 qui détruisit plus de 300 maisons à Deadwood, une perte à la fois humaine et économique. Une utopie libertarienne, constituée d'adolescents attardés ne vivant que dans le présent, s'effondrerait vraisemblement en quelques années sans les mécanismes essentiels apporté par l'État et ses institutions publiques. Les structures de l'État, mêmes mininales, améliorent la longévité d'un marché. Toutefois, ces institutions ne sont pas des oeuvres de charité et quelqu'un doit payer. Si certains besoins individuels peuvent être assumé selon le principe « utilisateur-payeur » et payés au moment où ils sont satisfaits, d'autres besoins sont collectifs et le résultat de mesures préventives, comme c'est le cas avec la salubrité, la sécurité publique et la gestion des risques d'incendie. Donc, du chaos de l'utopie libertarienne, ou bien il émerge nécessairement un gouvernement (même s'il est minarchiste) pour gérer les besoins collectifs, ou l'utopie fini par s'effondrer sous le poids de sa propre médiocrité. Pour finir les services de base et assurer la continuité des marchés, l'État doit se financer, ce qui se fait soit par le biais de taxes (revenus obtenus indirectement auprès des citoyens), ou en développant de manière interventionniste ses propres sources de revenus (e.g.: en nationalisant une mine d'or). Bref, les pressions internes de la communauté amèneront les gens de Deadwood à former un gouvernement et à abandonner l'idéal libertarien des premières heures du campement.


Outre ses mécanismes internes, tout organisme, qu'il soit biologique ou social, doit faire face à l'environnement externe. Si la question des Lakotas est rapidement évacuée par le campement de Deadwood vue la pure force du nombre des prospecteurs, ces derniers se retrouvent eux-mêmes en minorité quand il s'agit des gouvernements déjà établis (et reconnus comme étant légitimes par les États-Unis d'Amérique), que ce soit celui de Yankton, capitale du Territoire du Dakota, ou celui d'Helena dans le Territoire du Montana (deux entités politiques qui allaient se transformer en états, pour lesquels les frontières étaient encore floues). Si initialement l'annexion de Deadwood aux États-Unis est perçu comme un risque par les gens du campement, ceux-ci réalise que cette possibilité devient un événement inévitable auquel il faut se préparer. 

 
La question du libre marché

[à compléter]




La place des femmes autochtones


Le secteur minier est surtout un monde d’hommes qui n’est pas reconnu pour son ouverture d’esprit. Car il est bien là le noeud du problème créé par un boom minier dans une région éloignée habitée majoritairement d’autochtones. Le fly-in/fly-out n’apporte pas que des prix élevés et une rareté des logements disponibles, accroissant les inégalités dans les régions, mais aussi une arrivée disproportionnée d’hommes blancs venus du Sud pour plusieurs semaines, apportant souvent dans leurs bagages alcool, drogue et stéréotypes négatifs.

Bien que les données manquent pour bien caractériser le phénomène, Femmes autochtones du Québec constate qu’il y a là un cocktail explosif qui a pour conséquence l’augmentation de la prostitution aux alentours des chantiers, et dont les femmes autochtones sont bien souvent les premières victimes.

La représentation que se font les hommes « blancs » des femmes autochtones est encore bien souvent celle de la femme facile dont on peut disposer facilement, et en toute impunité. Tel que le soulignent les CALACS, les Centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel, la précarité économique que subissent les femmes autochtones font qu’elles sont surreprésentées en ce qui concerne la prostitution de rue, en comparaison des femmes allochtones.


Aurélie Arnaud, Plan Nord - Où sont les femmes autochtones? , Le Devoir, 2 mai 2012



[à compléter]