La crise de confiance du public à l’égard de la classe politique (qui est d'ailleurs un terme à remettre en question) se remarque depuis plusieurs années, un phénomène qui est manifeste non seulement par le biais des sondages d’opinion, mais aussi par le déclin du taux de participation aux élections, quelles soient fédérales, provinciales, ou pire, municipales. On ne vote pas à ces élections, pourtant gratuites, mais on paie pour sélectionner des candidats à Loft Story… Curieux.
En quoi est-ce un problème?
Cette perte de confiance envers les politiciens est une situation que l’on doit corriger dans la mesure où chacun souhaite vivre sainement dans une démocratie représentative parce que l’apathie actuelle de l’électorat réduit le pouvoir qu’à celui-ci sur son propre avenir, délegant ce pouvoir à une minorité dont les intérêts divergent fortement de ceux de l’ensemble de la population.
«Ce qui frappe le plus les analystes, c’est le fossé grandissant entre les «initiés» et le reste de la population canadienne. Leur système de valeurs est à l’opposé de celui des autres Canadiens, dit Benoït Gauthier. Ils privilégient la compétitivité, la performance, la productivité pendant que les autres parlent de justice sociale. Même si leurs calculs sont réalistes – pour la réduction du déficit, par exemple -, il collent mal à la réalité sociale du pays et donnent à bien des gens l’impression qu’en haut lieu, on ne s’occupe pas d’eux. »
Extrait de S. Halpern « On n’a plus la classe qu’on avait !», L’Actualité, 15 octobre 1995, p.68-69 (tiré de Chebat, Filiatrault, Laroche, Le comportement du consommateur, édition Gaëtan Morin, 2005, p.371- 372)
Contre l’apathie de l’électorat et cette perte de pouvoir de la population sur sa propre destinée, il faut trouver des solutions rationelles et systémiques pour améliorer la qualité de la démocratie.
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MIEUX COMPRENDRE L’ÉLECTEUR
Plutôt que d’aborder la question de la crise de confiance du public envers les politiciens en lançant aléatoirement des suggestions diverses ayant entre elles un mince fil conducteur, il est préférable de procéder de manière plus méthodique pour éviter l’égarement et le «pelletage de nuages». On peut, par exemple, se doter d’une grille d’analyse basée sur la théorie V.I.E. de Victor Vroom portant sur la motivation . Essentiellement, pour que le citoyen soit motiver à participer aux élections il faut que celui-ci puisse:
1. Croire que le résultat (récompense) est souhaitable
2. Croire que son action (vote) soit instrumental à l’obtention du résultat
3. Croire, avant tout, qu’il est possible d’atteindre le résultat
1. CROIRE QUE LE RÉSULTAT EST SOUHAITABLE
Un problème rencontré est le manque de compétences de plusieurs candidats qui se présentent aux élections, une caractéristique notamment visible en 2007, lorsque l’ADQ est devenue, brièvement, l’opposition officielle: c’est le cas-type d’une PME qui n’avait pas bien planifier sa croissance, résultant d’un lot de néophytes dont le mandat fut sans lendemain. Par compétences en politique, il faut entendre qu’il ne s’agit pas d’attirer davantage des leaders charismatiques (qui haussent le ton pour cacher leur manque d’idées) qui débattent au sujet de la couleur de la margarine et des bulletins chiffrés, mais des gens ayant une bonne connaissance des rouages de l’État et un projet de société, c’est-à-dire une vision d’une stratégie globale, à long terme, pour le Québec. Avec des candidats peu intéressants pour l’électeur moyen, il n’est pas surprenant que ce dernier soit peu réactif lors du lancement de la campagne électoral.
Il faut dire que la présence de politiciens de carrière (issus du népotisme et autres formes de clientèlisme) au sein de ce que certains nomment la classe politique fait partie du problème, parce que ceux-ci cherchent essentiellement à se maintenir au pouvoir en suivant par simple opportunisme les tendances actuelles, plutôt qu’à défendre un projet et des convictions. Ces carriéristes, ayant peu d’expérience en ce qui concerne le milieu extérieur à la politique, contribuent faiblement au développement de nouvelles idées (il ne faut pas confondre les candidats ayant des idées avec ceux qui sont idéologues…) et sont en partie responsables de cette mystérieuse maladie qu’est la langue de bois. Ils souhaitent, peut-être, grâce à quelques 2 minutes de gloire qui meublent leurs c.v., finir comme commentateur ou lobbyiste. Comparativement, les politiciens ayant une approche plus vocationnelle ont généralement connus auparavant une carrière à l’extérieur du monde politique (e.g.: René Lévesque en tant que journaliste) et ne se lancent pas en politique pour s’auto-promouvoir (sans être complètement altruistes), mais pour faire avancer des idées : Jacques Parizeau, dans le secteur privé, aurait fait davantage d’argent qu’il n’en a fait en tant que premier ministre; mais l’objectif de Parizeau, de toute évidence, était de réaliser un projet de société, la souveraineté, et on doit reconnaître la force de sa conviction à défaut d'être d'accord avec son objectif.
Il faut élire moins d'avocats ratés. |
Évidemment, on ne peut pas avoir de contrôle direct sur le type de candidat qu’un parti présente. Toutefois, on pourrait réformer le système électoral de façon à ce que le vote blanc («aucun de ceux qui se présentent !») soit reconnu et comptabilisé comme un vote valide. Déjà, l’électorat pourrait plus facilement signaler son insatisfaction à l’égard de la piètre qualité du choix des candidats, ce qui ferait (espérons-le!) réagir les partis politiques en nivelant vers le haut sa sélection.
L'Assemblée Nationale du Québec (2011), dominée par le PQ (bleu) et le PLQ (rouge) |
2. CROIRE QUE LE VOTE DONNE DES RÉSULTATS
Malgré la panoplie de partis qui se présentent aux élections, on constate que, généralement, le bipartisme prévaut. Comme on l’a déjà mentionné, le scrutin uninominal à un tour en est le principal responsable. Plus simplement, ce type de scrutin donne le mandat au député qui obtient le plus de vote : si un candidat du Parti libéral du Québec accumule 40% des voix dans un comté, et que l’ADQ et le PQ obtiennent respectivement 30% chacun, bien le PLQ l’emportera malgré que 60% de la population locale ait voté contre ce dernier; on est loin de l’idéal du 50%+1. Cette absurdité au sein d’un système qui se dit démocratique a comme conséquence de décourager les électeurs à opter pour des partis marginaux afin d’éviter de «gaspiller» leurs votes. D’autres citoyens voteront stratégiquement contre un candidat, plutôt d’appuyer celui qui correspond réellement à son choix. Finalement, il reste ceux qui se découragent et cessent de voter, ce qui donnent les résultats déclinants de participation aux élections. Pire, le redécoupage de la carte électorale (gerrymandering) permet au parti au pouvoir de diluer à sa guise le vote dans les comtés d’une manière qui lui est avantageuse. Un scrutin proportionnel corrigerait les absurdités du système actuel, et permettrait de donner au vote un caractère instrumental aux aspirations de l’électeur.
Il faut que chaque vote compte.
Il faut que chaque vote compte.
On reproche au système proportionnel son instabilité, mais comme disait Benjamin Franklin : « Those Who Sacrifice Liberty For Security Deserve Neither.» On est partisan de la démocratie, ou bien on ne l’est pas. Depuis plusieurs années, les citoyens ont manifesté un intérêt pour des formes de gouvernement qui sont alternatives au bipartisme rouge/bleu actuel, notamment avec la présence de gouvernements minoritaires au niveau fédéral et (brièvement) provincial. Le scrutin proportionnel serait une évolution logique de ces gouvernements minoritaires, dont les partis seraient amener à mettre de l’eau dans leur vin en cherchant, par compromis, à communiquer des idées et à bâtir des coalitions, plutôt que de perpétuer les politique actuelles de l’hégémonie partisane à tout prix. Une conséquence prévisible du scrutin proportionnel serait la disparition des députés dans les comtés, mais il ne serait pas impossible qu’une région puisse constituer un parti local (e.g. : le Bloc Beauceron, le Parti des Bois-Francs, l’Alliance Abitibienne). Tout comme il serait possible pour certaines catégories de personnes, souvent délaissées, d’avoir une présence parlementaire (e.g. : le Parti des Retraitées et des Retraités du Québec, centrés sur les droits des aînés).
Il faut abolir la monarchie. |
3. CROIRE QUE C’EST POSSIBLE
Ce dernier aspect de la motivation de l’électeur est en bonne partie intrinsèque, mais on peut tout de même bâtir les conditions gagnantes d’une saine démocratie en apportant, par le biais des médias, une meilleure qualité de l’information aux électeurs : rien de moins constructif qu’un journaliste qui annonce hâtivement que les gens ne veulent pas d’élections. De plus, dans le domaine de l’éducation, le gouvernement devrait promouvoir le concept de citoyenneté avec des cours appropriés qui, peuvent notamment remplacer les cours controversés d’Éthique et culture religieuse (ECR). Mieux informés, les gens comprendraient le système politique, l’importance de voter, et les enjeux électoraux, augmentant ainsi (potentiellement) le taux de participation aux élections et la légitimité des gouvernements que la population appointent à titre de représentants.
CONCLUSION
En somme, 4 pistes proposées ici, seules ou combinées, sont envisageables pour créer des incitatifs qui amélioreraient la confiance des électeurs à l’égard du système politique et (éventuellement) des politiciens:
1. le vote blanc
2. le scrutin proportionnel
4. un meilleur appui public à l’éducation à la citoyenneté
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