Tuesday, May 31, 2011

William, dégage !

On a autre chose à faire avec les deniers de l'État que de subventionner les vacances des riches. Surtout qu'on nous répètent sans cesse à droite qu'il faut couper «dans le gras» et simultanément réduire les impôts.


Et puis, recevoir la reine en visite aux frais des contribuables, c'est un geste d'ordre diplomatique et protocolaire à l'égard d'un dirigeant étranger. Recevoir le prince Charles, son héritier, sème le doute. Recevoir l'héritier de l'héritier d'un souverain étranger, ça sent le patronage tiers-mondiste.



Sunday, May 29, 2011

Les grandes chansons: Amazing Grace



John Newton (1725-1807)
Amazing Grace. Quand il est question de cornemuse écossaise (ou de funérailles), c'est la chanson qui vient à l'esprit. Si la mélancholique mélodie est inspirante, le texte de la chanson lui-même vaut le détour, tout comme le contexte dans lequel il a été écrit.  Écrite par John Newton (1725-1807), qui pendant longtemps a été capitaine d'un navire négrier, acheminant comme «marchandise» vers l'Amérique des esclaves, dont de nombreux ne survivront pas le voyage. Puis lors d'une tempête particulièrement féroce, John Newton remis en complètement en question ce commerce ignoble, y renonça et devint par la suite un leader dans la lutte abolitionniste; il composa Amazing Grace afin de raconter son parcours de vie, de cette expérience qui le transforma, de dire qu'il était possible de changer. Bien que j'aime peu ou pas la religion, je dois concéder que le thème de la rédemption en est un intéressant et a une valeur qui transcende les simples querelles idéologiques.


De nombreux gens se sont inspirés de l'exemple de John Newton et de ses idées abolitionnistes, notamment William Wilberforce, et obtinrent en 1833, à la suite de longues luttes, débats, pétitions et campagnes de boycottage, l'interdiction du commerce des esclaves sous la forme du Slavery Abolition Act. Quelques décennies après son décès, John Newton avait gagné.

Le pari de John Newton, William Wilberforce et tous les autres abolitionnistes n'en était pas un facile, parce que promouvoir le changement dans une société ne l'est jamais: nombre de commerçants et de prophètes  de malheur disaient que l'abolition  est noble, mais que son application ruinerait l'économie britannique. Les abolitionniste pour eux étaient des gens «bien-pensants», mais sans compréhension «réelle» de la façon que l'économie fonctionne.

De nos jours, si le commerce des esclaves est disparu (du moins dans le cadre de la sphère légale, légitime et officielle... il y aura toujours des criminels contre lesquels il faut lutter), il reste néanmoins d'autres enjeux importants pour qui se battre valent la peine. Je pourrais donner l'exemple l'idée de la bourse du carbone, qui aiderait non seulement à diminuer significativement les émissions de gaz à effet de serre, mais donnerait des incitatifs économiqes permettant de recompenser les entreprises les plus performantes au niveau environnemental. Mais, bon, évidemment, les forces conservatrices diront que les écologistes sont des idéalistes qui ne comprennent pas réellement comment fonctionne l'économie, et que ce genre de mesure ruinerait l'économie... Toujours le même discours la part des réactionnaires, toujours le même disque... Et si on les écoutait, rien ne changerait pour le mieux. Heureusement, on peut être autrement qu'eux.


Amazing grace, how sweet the sound,
That saved a wretch like me!
I once was lost but now am found,
Was blind, but now, I see.

'Twas grace that taught my heart to fear,
And grace, my fears relieved.
How precious did that grace appear
The hour I first believed.

Through many dangers, toils and snares
I have already come.
'T'is grace that brought me safe thus far,
And grace will lead me home.

The Lord has promised good to me,
His word my hope secures;
He will my shield and portion be,
As long as life endures.

Yes, when this flesh and heart shall fail,
And mortal life shall cease,
I shall possess, within the veil,
A life of joy and peace.

The earth shall soon dissolve like snow,
The sun forbear to shine;
But God, who called me here below,
Will be forever mine. 

Le syndrome du larbin

Saturday, May 28, 2011

Comprendre le raisonnement larbin 2

Dans le texte précédent, Comprendre le raisonnement larbin 1, j'ai donné un exemple d'une fable, Les animaux malades de la peste, qui explique assez bien comment fonctionne la manière de réfléchir d'un larbin quand il s'agit de relations avec l'autorité et avec ses semblables: pour eux, il s'agit de se placer au service du plus fort pour légitimer la position de celui-ci et pour l'aider à écraser les faibles, en vue d'une récompense. Le comportement larbin se manifeste aussi dans une panoplie de dossiers, notamment celui des changements climatiques, et prévisiblement, quand le Réseau Larbin du Québec (RLQ) est confronté à la réalité de ces changements, il préfère faire l'autruche, ignorer ce qui se passe grâce aux oeillières de la partisanerie conservatrice et un lot d'antiscience en faisant la promotion d'une idée négationniste qu'est le climato-scepticisme. Si on puise encore dans la littérature jeunesse, on se rend compte que le conte Les habits neufs de l'empereur de Hans Christian Andersen résume assez bien comment un Establishment peut s'adonner à toutes sortes de surenchères irrationnelles, avec l'approbation de flatteurs, lèches-bottes et de sycophantes.

D'autre part, une autre histoire de la politique québécoise qui suit la même trame que Les habits neufs de l'empereur est le projet de construction d'un colisée dans la ville de Québec servant à accueillir une équipe de hockey invisible... Le tout pour le bénéfice de deux interessés, le premier étant un gars qui s'offusque quand on le traite de voyou, le second étant un maire, plus vendeur de chars qu'homme d'État,  qui cherche à satisfaire son ego aux dépens d'une fiscalité responsable, et dont l'effet qui porte son nom est  largement surestimé. Présentement, le mono-député de Québec Solidaire, Amir Khadir, a l'audace de dire que l'empereur est nu en soulignant qu'il y a anguille sous roche si le projet du colisée doit être protéger de toutes contestations par une loi spéciale. Ça sent le patronage et, pire, c'est une attaque direct sur l'état de droit. Pendant ce temps, tout le lot des autres partis provinciaux, notamment le Parti Québécois (qui déçoit encore), s'acharnent à nier la «nudité» du projet.

On peut aussi dire que le départ en juin de trois joueurs importants du Parti Québécois, Pierre Curzi, Lisette Lapointe et Louise Beaudoin, est un autre exemple où cette fable à un équivalent dans le monde concret, cette fois-ci avec Pauline Marois dans le rôle de la «reine», les députés dissidents ayant celui de l'enfant qui signale une vérité évidente que personne ne veut voir, et tout le reste du PQ, fidèlement moutruches (un mélange de mouton et d'autruche, avec l'accent mis sur le «mou») sont les sujets qui conservent leurs oeillières, et le projet privé d'Agnès Maltais étant le «costume invisible». 

La bêtise étant humaine, on n'a pas terminé de compter les exemples similaires à ce conte...



Les habits neufs de l'empereur
(Hans Christian Andersen)


Il y a de longues années vivait un empereur qui aimait par-dessus tout les beaux habits neufs; il dépensait tout son argent pour être bien habillé. Il ne s’intéressait nullement à ses soldats, ni à la comédie, ni à ses promenades en voiture dans les bois, si ce n’était pour faire parade de ses habits neufs. Il en avait un pour chaque heure du jour et, comme on dit d’un roi: «Il est au conseil», on disait de lui: «L’empereur est dans sa garde-robe.»

La vie s’écoulait joyeuse dans la grande ville où il habitait; beaucoup d’étrangers la visitaient. Un jour arrivèrent deux escrocs, se faisant passer pour tisserands et se vantant de savoir tisser l’étoffe la plus splendide que l’on puisse imaginer.

Non seulement les couleurs et les dessins en étaient exceptionnellement beaux, mais encore, les vêtements cousus dans ces étoffes avaient l’étrange vertu d’être invisibles pour tous ceux qui étaient incapables dans leur emploi, ou plus simplement irrémédiablement des sots. «Ce seraient de précieux habits, pensa l’empereur, en les portant je connaîtrais aussitôt les hommes incapables de mon empire, et je distinguerais les intelligents des imbéciles. Cette étoffe, il faut au plus vite la faire tisser.»

Il donna d’avance une grosse somme d’argent aux deux escrocs pour qu’ils se mettent à l’ouvrage. Ils installèrent bien deux métiers à tisser et firent semblant de travailler, mais ils n’avaient absolument aucun fil sur le métier.

Ils s’empressèrent de réclamer les plus beaux fils de soie, les fils d’or les plus éclatants, ils les mettaient dans leur sac à eux et continuaient à travailler sur des métiers vides jusque dans la nuit. J’aimerais savoir où ils en sont de leur étoffe, se disait l’empereur, mais il se sentait très mal à l’aise à l’idée qu’elle était invisible aux sots et aux incapables.

Il pensait bien n’avoir rien à craindre pour lui-même, mais il décida d’envoyer d’abord quelqu’un pour voir ce qu’il en était. Tous les habitants de la ville étaient au courant de la vertu miraculeuse de l’étoffe et tous étaient impatients de voir combien leurs voisins étaient incapables ou sots.

Je vais envoyer mon vieux et honnête ministre, pensa l’empereur. C’est lui qui jugera de l’effet produit par l’étoffe, il est d’une grande intelligence et personne ne remplit mieux sa fonction que lui. Alors le vieux ministre honnête se rendit dans l’atelier où les deux menteurs travaillaient sur les deux métiers vides. Mon Dieu! pensa le vieux ministre en écarquillant les yeux, je ne vois rien du tout! Mais il se garda bien de le dire. Les deux autres le prièrent d’avoir la bonté de s’approcher et lui demandèrent si ce n’était pas là un beau dessin, de ravissantes couleurs.

Ils montraient le métier vide et le pauvre vieux ministre ouvrait des yeux de plus en plus grands, mais il ne voyait toujours rien puisqu’il n’y avait rien. «Grands dieux! se disait-il, serais-je un sot? Je ne l’aurais jamais cru et il faut que personne ne le sache! Remplirais-je mal mes fonctions? Non, il ne faut surtout pas que je dise que je ne vois pas cette étoffe.» Eh bien! vous ne dites rien? dit l’un des artisans. Oh! c’est vraiment ravissant, tout ce qu’il y a de plus joli, dit le vieux ministre en admirant à travers ses lunettes. Ce dessin! … ces couleurs! …

Oui, je dirai à l’empereur que cela me plaît infiniment. Ah! nous en sommes contents. Les deux tisserands disaient le nom des couleurs, détaillaient les beautés du dessin. Le ministre écoutait de toutes ses oreilles pour pouvoir répéter chaque mot à l’empereur quand il serait rentré, et c’est bien ce qu’il fit. Les escrocs réclamèrent alors encore de l’or et encore des soies et de l’or filé. Ils mettaient tout dans leurs poches, pas un fil sur le métier, où cependant ils continuaient à faire semblant de travailler.

Quelque temps après, l’empereur envoya un autre fonctionnaire important pour voir où on en était du tissage et si l’étoffe serait bientôt prête. Il arriva à cet homme la même chose qu’au ministre, il avait beau regarder, comme il n’y avait que des métiers vides, il ne voyait rien. N’est-ce pas là une belle pièce d’étoffe? disaient les deux escrocs, et ils recommençaient leurs explications. «Je ne suis pas bête, pensait le fonctionnaire, c’est donc que je ne conviens pas à ma haute fonction. C’est assez bizarre, mais il ne faut pas que cela se sache.»

Il loua donc le tissu qu’il ne voyait pas et les assura de la joie que lui causait la vue de ces belles couleurs, de ce ravissant dessin. C’est tout ce qu’il y a de plus beau, dit-il à l’empereur. Tous les gens de la ville parlaient du merveilleux tissu. Enfin, l’empereur voulut voir par lui-même, tandis que l’étoffe était encore sur le métier.

Avec une grande suite de courtisans triés sur le volet, parmi lesquels les deux vieux excellents fonctionnaires qui y étaient déjà allés, il se rendit auprès des deux rusés compères qui tissaient de toutes leurs forces - sans le moindre fil de soie. N’est-ce pas magnifique, s’écriaient les deux vieux fonctionnaires, que Votre Majesté admire ce dessin, ces teintes. Ils montraient du doigt le métier vide, s’imaginant que les autres voyaient quelque chose.

«Comment! pensa l’empereur, je ne vois rien! Mais c’est épouvantable! Suis-je un sot? Ne suis-je pas fait pour être empereur? Ce serait terrible! Oh! de toute beauté, disait-il en même temps, vous avez ma plus haute approbation.» Il faisait de la tête un signe de satisfaction et contemplait le métier vide. Il ne voulait pas dire qu’il ne voyait rien. Toute sa suite regardait et regardait sans rien voir de plus que les autres, mais ils disaient comme l’empereur: «Oh! de toute beauté!» Et ils lui conseillèrent d’étrenner l’habit taillé dans cette étoffe splendide à l’occasion de la grande procession qui devait avoir lieu bientôt. Magnifique! Ravissant! Parfait! Ces mots volaient de bouche en bouche, tous se disaient enchantés.

L’empereur décora chacun des deux escrocs de la croix de chevalier pour mettre à leur boutonnière et leur octroya le titre de gentilshommes tisserands. Toute la nuit qui précéda le jour de la procession, les escrocs restèrent à travailler à la lueur de seize chandelles. Toute la ville pouvait ainsi se rendre compte de la peine qu’ils se donnaient pour terminer les habits neufs de l’empereur. Ils faisaient semblant d’enlever l’étoffe de sur le métier, ils taillaient en l’air avec de grands ciseaux, ils cousaient sans aiguille et sans fil, et à la fin ils s’écrièrent:

Voyez, l’habit est terminé! L’empereur vint lui-même avec ses courtisans les plus haut placés. Les deux menteurs levaient un bras en l’air comme s’ils tenaient quelque chose: Voici le pantalon, voici l’habit! voilà le manteau! et ainsi de suite. C’est léger comme une toile d’araignée, on croirait n’avoir rien sur le corps, c’est là le grand avantage de l’étoffe. Oui oui, dirent les courtisans de la suite, mais ils ne voyaient rien, puisqu’il n’y avait rien.

L’empereur enleva tous ses beaux vêtements et les escrocs firent les gestes de lui en mettre. Dieu ! comme cela va bien! Comme c’est bien pris, disait chacun. Quel dessin, quelles couleurs, voilà des vêtements luxueux. Les chambellans qui devaient porter la traîne du manteau de cour tâtonnaient de leurs mains le parquet et les élevaient ensuite comme s’ils ramassaient cette traîne. C’est ainsi que l’empereur marchait devant la procession sous le magnifique dais, et tous ses sujets s’écriaient:

Dieu! que le nouvel habit de l’empereur est admirable. Personne ne voulait avouer qu’il ne voyait rien, puisque cela aurait montré qu’il était incapable dans son emploi, ou simplement un sot. Jamais un habit neuf de l’empereur n’avait connu un tel succès. Mais il n’a pas d’habit du tout! cria un petit enfant dans la foule. Grands dieux ! entendez, c’est la voix de l’innocence, dit son père. Et chacun de chuchoter de l’un à l’autre:

Il n’a pas d’habit du tout … Il n’a pas d’habit du tout ! cria à la fin le peuple entier. L’empereur frissonna, car il lui semblait bien que tout son peuple avait raison, mais il pensait en même temps qu’il fallait tenir bon jusqu’à la fin de la procession. Il se redressa encore plus fièrement, et les chambellans continuèrent à porter le manteau de cour et la traîne qui n’existait pas.


Comprendre le raisonnement larbin 1

 
Un jour passant devant une vitrine d'une librairie, j'ai aperçu rapidement un énorme livre, les Fables de Jean de La Fontaine (1621-1695). Le bouquin se vendait au prix de 20$ et comme je suis un grand fan des gravures de Gustave Doré, j'ai trouvé que c'est une aubaine. Et qui sait, le recueil pourra peut-être me servir quand j'aurai des enfants et des petits-enfants, lors des jours de pluie comme celui-ci, quand l'internet fait défaut et le PlayStation ou le Nintendo tombe en panne.

Puis en feuilletant occasionnellement cet oeuvre dans les semaines qui suivirent, je me suis rappelé à quel point que ces fables inspirées de celles d'Ésope étaient loin d'être des comptines pour bambins, mais une intéressante critique de la société. Certains aspects de cette société changent avec les générations et les siècles, mais dans l'ensemble la nature humaine reste la même, pour le meilleur et pour le pire. Dans le cas du pire, il y a évidemment le larbin, celui qui prend toujours le côté du plus fort, surtout contre ses semblables, dans le but d'avancer sa médiocre personne d'un échelon en rabaissant les autres.  Bref, ce qu'au Québec on appelle le Réseau «Libarté». Plutôt que d'écrire en détail ce qu'est le comportement de larbin, je crois que la fable suivante, Les Animaux malades de la peste, en fait un très bon résumé. Chose curieuse, je me suis souvenu de cette fable parce qu'à l'école secondaire, en guise de punition quand on n'était pas sage (souvent mon cas...), on nous obligeait à recopier différents textes, dont celui-ci faisait partie de la «rotation habituelle».



Les Animaux malades de la peste

Un mal qui répand la terreur,
Mal que le Ciel en sa fureur
Inventa pour punir les crimes de la terre,
La Peste (puisqu'il faut l'appeler par son nom)
Capable d'enrichir en un jour l'Achéron,
Faisait aux animaux la guerre.
Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés :
On n'en voyait point d'occupés
A chercher le soutien d'une mourante vie ;
Nul mets n'excitait leur envie ;
Ni Loups ni Renards n'épiaient
La douce et l'innocente proie.
Les Tourterelles se fuyaient :
Plus d'amour, partant plus de joie.
Le Lion tint conseil, et dit : Mes chers amis,
Je crois que le Ciel a permis
Pour nos péchés cette infortune ;
Que le plus coupable de nous
Se sacrifie aux traits du céleste courroux,
Peut-être il obtiendra la guérison commune.
L'histoire nous apprend qu'en de tels accidents
On fait de pareils dévouements :
Ne nous flattons donc point ; voyons sans indulgence
L'état de notre conscience.
Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons
J'ai dévoré force moutons.
Que m'avaient-ils fait ? Nulle offense :
Même il m'est arrivé quelquefois de manger
Le Berger.
Je me dévouerai donc, s'il le faut ; mais je pense
Qu'il est bon que chacun s'accuse ainsi que moi :
Car on doit souhaiter selon toute justice
Que le plus coupable périsse.
- Sire, dit le Renard, vous êtes trop bon Roi ;
Vos scrupules font voir trop de délicatesse ;
Et bien, manger moutons, canaille, sotte espèce,
Est-ce un péché ? Non, non. Vous leur fîtes Seigneur
En les croquant beaucoup d'honneur.
Et quant au Berger l'on peut dire
Qu'il était digne de tous maux,
Etant de ces gens-là qui sur les animaux
Se font un chimérique empire.
Ainsi dit le Renard, et flatteurs d'applaudir.
On n'osa trop approfondir
Du Tigre, ni de l'Ours, ni des autres puissances,
Les moins pardonnables offenses.
Tous les gens querelleurs, jusqu'aux simples mâtins,
Au dire de chacun, étaient de petits saints.
L'Ane vint à son tour et dit : J'ai souvenance
Qu'en un pré de Moines passant,
La faim, l'occasion, l'herbe tendre, et je pense
Quelque diable aussi me poussant,
Je tondis de ce pré la largeur de ma langue.
Je n'en avais nul droit, puisqu'il faut parler net.
A ces mots on cria haro sur le baudet.
Un Loup quelque peu clerc prouva par sa harangue
Qu'il fallait dévouer ce maudit animal,
Ce pelé, ce galeux, d'où venait tout leur mal.
Sa peccadille fut jugée un cas pendable.
Manger l'herbe d'autrui ! quel crime abominable !
Rien que la mort n'était capable
D'expier son forfait : on le lui fit bien voir.
Selon que vous serez puissant ou misérable,
Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.


Les grands discours: The Inaugural Address of John F. Kennedy

20 janvier 1961


Un autre discours que j'ai entendu quand j'étais gamin, bien des années après la mort de John F. Kennedy. Si à ce moment je ne pouvais saisir ce qui était dit dans son ensemble vu que je ne parlais pas anglais, il était toutefois indéniable que ce président avait une très grande habileté d'orateur, et j'ai ressenti que son assassinat, et celle de son frère, ont été de grandes pertes pour l'humanité. Et bien que j'apprécie peu la religion, il faut remettre le discours dans le contexte de son époque. On peut aussi considérer que JFK fait référence à une entité dans une forme de ceremonial deism et un appel à un idéalisme qui propose quelque chose de plus grand que ses propres petites ambitions personnelle. Le fameux «ask not what your country can do for you; ask what you can do for your country» est beaucoup plus inspirant que le «me, myself and I» que la société québécoise actuelle nous propose.


Vice President Johnson, Mr. Speaker, Mr. Chief Justice, President Eisenhower, Vice President Nixon, President Truman, reverend clergy, fellow citizens:

We observe today not a victory of party, but a celebration of freedom -- symbolizing an end, as well as a beginning -- signifying renewal, as well as change. For I have sworn before you and Almighty God the same solemn oath our forebears prescribed nearly a century and three-quarters ago.

The world is very different now. For man holds in his mortal hands the power to abolish all forms of human poverty and all forms of human life. And yet the same revolutionary beliefs for which our forebears fought are still at issue around the globe -- the belief that the rights of man come not from the generosity of the state, but from the hand of God.

We dare not forget today that we are the heirs of that first revolution. Let the word go forth from this time and place, to friend and foe alike, that the torch has been passed to a new generation of Americans -- born in this century, tempered by war, disciplined by a hard and bitter peace, proud of our ancient heritage, and unwilling to witness or permit the slow undoing of those human rights to which this nation has always been committed, and to which we are committed today at home and around the world.

Let every nation know, whether it wishes us well or ill, that we shall pay any price, bear any burden, meet any hardship, support any friend, oppose any foe, to assure the survival and the success of liberty.

This much we pledge -- and more.

To those old allies whose cultural and spiritual origins we share, we pledge the loyalty of faithful friends. United there is little we cannot do in a host of cooperative ventures. Divided there is little we can do -- for we dare not meet a powerful challenge at odds and split asunder.

To those new states whom we welcome to the ranks of the free, we pledge our word that one form of colonial control shall not have passed away merely to be replaced by a far more iron tyranny. We shall not always expect to find them supporting our view. But we shall always hope to find them strongly supporting their own freedom -- and to remember that, in the past, those who foolishly sought power by riding the back of the tiger ended up inside.

To those people in the huts and villages of half the globe struggling to break the bonds of mass misery, we pledge our best efforts to help them help themselves, for whatever period is required -- not because the Communists may be doing it, not because we seek their votes, but because it is right. If a free society cannot help the many who are poor, it cannot save the few who are rich.

To our sister republics south of our border, we offer a special pledge: to convert our good words into good deeds, in a new alliance for progress, to assist free men and free governments in casting off the chains of poverty. But this peaceful revolution of hope cannot become the prey of hostile powers. Let all our neighbors know that we shall join with them to oppose aggression or subversion anywhere in the Americas. And let every other power know that this hemisphere intends to remain the master of its own house.

To that world assembly of sovereign states, the United Nations, our last best hope in an age where the instruments of war have far outpaced the instruments of peace, we renew our pledge of support -- to prevent it from becoming merely a forum for invective, to strengthen its shield of the new and the weak, and to enlarge the area in which its writ may run.


Finally, to those nations who would make themselves our adversary, we offer not a pledge but a request: that both sides begin anew the quest for peace, before the dark powers of destruction unleashed by science engulf all humanity in planned or accidental self-destruction.

We dare not tempt them with weakness. For only when our arms are sufficient beyond doubt can we be certain beyond doubt that they will never be employed.

But neither can two great and powerful groups of nations take comfort from our present course -- both sides overburdened by the cost of modern weapons, both rightly alarmed by the steady spread of the deadly atom, yet both racing to alter that uncertain balance of terror that stays the hand of mankind's final war.

So let us begin anew -- remembering on both sides that civility is not a sign of weakness, and sincerity is always subject to proof. Let us never negotiate out of fear, but let us never fear to negotiate.

Let both sides explore what problems unite us instead of belaboring those problems which divide us.

Let both sides, for the first time, formulate serious and precise proposals for the inspection and control of arms, and bring the absolute power to destroy other nations under the absolute control of all nations.

Let both sides seek to invoke the wonders of science instead of its terrors. Together let us explore the stars, conquer the deserts, eradicate disease, tap the ocean depths, and encourage the arts and commerce.

Let both sides unite to heed, in all corners of the earth, the command of Isaiah -- to "undo the heavy burdens, and [to] let the oppressed go free."

And, if a beachhead of cooperation may push back the jungle of suspicion, let both sides join in creating a new endeavor -- not a new balance of power, but a new world of law -- where the strong are just, and the weak secure, and the peace preserved.

All this will not be finished in the first one hundred days. Nor will it be finished in the first one thousand days; nor in the life of this Administration; nor even perhaps in our lifetime on this planet. But let us begin.

In your hands, my fellow citizens, more than mine, will rest the final success or failure of our course. Since this country was founded, each generation of Americans has been summoned to give testimony to its national loyalty. The graves of young Americans who answered the call to service surround the globe.

Now the trumpet summons us again -- not as a call to bear arms, though arms we need -- not as a call to battle, though embattled we are -- but a call to bear the burden of a long twilight struggle, year in and year out, "rejoicing in hope; patient in tribulation,"² a struggle against the common enemies of man: tyranny, poverty, disease, and war itself.

Can we forge against these enemies a grand and global alliance, North and South, East and West, that can assure a more fruitful life for all mankind? Will you join in that historic effort?


In the long history of the world, only a few generations have been granted the role of defending freedom in its hour of maximum danger. I do not shrink from this responsibility -- I welcome it. I do not believe that any of us would exchange places with any other people or any other generation. The energy, the faith, the devotion which we bring to this endeavor will light our country and all who serve it. And the glow from that fire can truly light the world.

And so, my fellow Americans, ask not what your country can do for you; ask what you can do for your country.

My fellow citizens of the world, ask not what America will do for you, but what together we can do for the freedom of man.

Finally, whether you are citizens of America or citizens of the world, ask of us here the same high standards of strength and sacrifice which we ask of you. With a good conscience our only sure reward, with history the final judge of our deeds, let us go forth to lead the land we love, asking His blessing and His help, but knowing that here on earth God's work must truly be our own.



Thursday, May 26, 2011

Les grands discours: The Farewell Address of Dwight Eisenhower

(17 janvier, 1961)



Un discours qui a fait de nombreux échos, notamment auprès des conspiracy theorists (partisans des théories du complot), en grande partie parce qu'une figure crédible, le président (et général) Dwight Eisenhower, se permet d'identifier un phénomène de convergence d'intérêts dans le milieu des affaires, de la politique, de l'armée et de l'industrie de l'armement qu'il baptise le complexe militaro-industriel. Évidemment, il ne faut pas verser dans la paranoïa de la «grande menace illuminati», mais tout de même s'inquiéter des effets de la convergence au sein de l'industrie de la défense militaire et l'entrave qu'est cette converge à l'atteinte d'une paix mondiale.

Malgré mes divergences d'opinion concernant la place de la religion dans la société - je prône la liberté de conscience et une laïcité de l'État et l'espace public, de manière à ce qu'aucune religion  (ou doctrine totalitaire) puisse dominer la société dans son ensemble et persécuter les dissidents - pour le reste, je suis d'accord avec les différentes idées lancées par Eisenhower.




Good evening, my fellow Americans: First, I should like to express my gratitude to the radio and television networks for the opportunity they have given me over the years to bring reports and messages to our nation. My special thanks go to them for the opportunity of addressing you this evening.

Three days from now, after a half century of service of our country, I shall lay down the responsibilities of office as, in traditional and solemn ceremony, the authority of the Presidency is vested in my successor.

This evening I come to you with a message of leave-taking and farewell, and to share a few final thoughts with you, my countrymen.

Like every other citizen, I wish the new President, and all who will labor with him, Godspeed. I pray that the coming years will be blessed with peace and prosperity for all.

Our people expect their President and the Congress to find essential agreement on questions of great moment, the wise resolution of which will better shape the future of the nation.

My own relations with Congress, which began on a remote and tenuous basis when, long ago, a member of the Senate appointed me to West Point, have since ranged to the intimate during the war and immediate post-war period, and finally to the mutually interdependent during these past eight years.

In this final relationship, the Congress and the Administration have, on most vital issues, cooperated well, to serve the nation well rather than mere partisanship, and so have assured that the business of the nation should go forward. So my official relationship with Congress ends in a feeling on my part, of gratitude that we have been able to do so much together.

We now stand ten years past the midpoint of a century that has witnessed four major wars among great nations. Three of these involved our own country. Despite these holocausts America is today the strongest, the most influential and most productive nation in the world. Understandably proud of this pre-eminence, we yet realize that America's leadership and prestige depend, not merely upon our unmatched material progress, riches and military strength, but on how we use our power in the interests of world peace and human betterment.

Throughout America's adventure in free government, such basic purposes have been to keep the peace; to foster progress in human achievement, and to enhance liberty, dignity and integrity among peoples and among nations.

To strive for less would be unworthy of a free and religious people.

Any failure traceable to arrogance or our lack of comprehension or readiness to sacrifice would inflict upon us a grievous hurt, both at home and abroad.

Progress toward these noble goals is persistently threatened by the conflict now engulfing the world. It commands our whole attention, absorbs our very beings. We face a hostile ideology global in scope, atheistic in character, ruthless in purpose, and insidious in method. Unhappily the danger it poses promises to be of indefinite duration. To meet it successfully, there is called for, not so much the emotional and transitory sacrifices of crisis, but rather those which enable us to carry forward steadily, surely, and without complaint the burdens of a prolonged and complex struggle – with liberty the stake. Only thus shall we remain, despite every provocation, on our charted course toward permanent peace and human betterment.

Crises there will continue to be. In meeting them, whether foreign or domestic, great or small, there is a recurring temptation to feel that some spectacular and costly action could become the miraculous solution to all current difficulties. A huge increase in the newer elements of our defenses; development of unrealistic programs to cure every ill in agriculture; a dramatic expansion in basic and applied research – these and many other possibilities, each possibly promising in itself, may be suggested as the only way to the road we wish to travel.

But each proposal must be weighed in light of a broader consideration; the need to maintain balance in and among national programs – balance between the private and the public economy, balance between the cost and hoped for advantages – balance between the clearly necessary and the comfortably desirable; balance between our essential requirements as a nation and the duties imposed by the nation upon the individual; balance between the actions of the moment and the national welfare of the future. Good judgment seeks balance and progress; lack of it eventually finds imbalance and frustration.

The record of many decades stands as proof that our people and their Government have, in the main, understood these truths and have responded to them well in the face of threat and stress.

But threats, new in kind or degree, constantly arise.

Of these, I mention two only.

A vital element in keeping the peace is our military establishment. Our arms must be mighty, ready for instant action, so that no potential aggressor may be tempted to risk his own destruction.

Our military organization today bears little relation to that known by any of my predecessors in peacetime, or indeed by the fighting men of World War II or Korea.

Until the latest of our world conflicts, the United States had no armaments industry. American makers of plowshares could, with time and as required, make swords as well. But now we can no longer risk emergency improvisation of national defense; we have been compelled to create a permanent armaments industry of vast proportions. Added to this, three and a half million men and women are directly engaged in the defense establishment. We annually spend on military security more than the net income of all United States corporations.

This conjunction of an immense military establishment and a large arms industry is new in the American experience. The total influence – economic, political, even spiritual – is felt in every city, every Statehouse, every office of the Federal government. We recognize the imperative need for this development. Yet we must not fail to comprehend its grave implications. Our toil, resources and livelihood are all involved; so is the very structure of our society.

In the councils of government, we must guard against the acquisition of unwarranted influence, whether sought or unsought, by the military-industrial complex. The potential for the disastrous rise of misplaced power exists and will persist.

We must never let the weight of this combination endanger our liberties or democratic processes. We should take nothing for granted. Only an alert and knowledgeable citizenry can compel the proper meshing of the huge industrial and military machinery of defense with our peaceful methods and goals, so that security and liberty may prosper together.

Akin to, and largely responsible for the sweeping changes in our industrial-military posture, has been the technological revolution during recent decades.

In this revolution, research has become central, it also becomes more formalized, complex, and costly. A steadily increasing share is conducted for, by, or at the direction of, the Federal government.

Today, the solitary inventor, tinkering in his shop, has been overshadowed by task forces of scientists in laboratories and testing fields. In the same fashion, the free university, historically the fountainhead of free ideas and scientific discovery, has experienced a revolution in the conduct of research. Partly because of the huge costs involved, a government contract becomes virtually a substitute for intellectual curiosity. For every old blackboard there are now hundreds of new electronic computers.

The prospect of domination of the nation's scholars by Federal employment, project allocations, and the power of money is ever present – and is gravely to be regarded.

Yet, in holding scientific research and discovery in respect, as we should, we must also be alert to the equal and opposite danger that public policy could itself become the captive of a scientific-technological elite.

It is the task of statesmanship to mold, to balance, and to integrate these and other forces, new and old, within the principles of our democratic system – ever aiming toward the supreme goals of our free society.

Another factor in maintaining balance involves the element of time. As we peer into society's future, we – you and I, and our government – must avoid the impulse to live only for today, plundering for, for our own ease and convenience, the precious resources of tomorrow. We cannot mortgage the material assets of our grandchildren without asking the loss also of their political and spiritual heritage. We want democracy to survive for all generations to come, not to become the insolvent phantom of tomorrow.

Down the long lane of the history yet to be written America knows that this world of ours, ever growing smaller, must avoid becoming a community of dreadful fear and hate, and be, instead, a proud confederation of mutual trust and respect.

Such a confederation must be one of equals. The weakest must come to the conference table with the same confidence as do we, protected as we are by our moral, economic, and military strength. That table, though scarred by many past frustrations, cannot be abandoned for the certain agony of the battlefield.

Disarmament, with mutual honor and confidence, is a continuing imperative. Together we must learn how to compose differences, not with arms, but with intellect and decent purpose. Because this need is so sharp and apparent I confess that I lay down my official responsibilities in this field with a definite sense of disappointment. As one who has witnessed the horror and the lingering sadness of war – as one who knows that another war could utterly destroy this civilization which has been so slowly and painfully built over thousands of years – I wish I could say tonight that a lasting peace is in sight.

Happily, I can say that war has been avoided. Steady progress toward our ultimate goal has been made. But, so much remains to be done. As a private citizen, I shall never cease to do what little I can to help the world advance along that road.

So – in this my last good night to you as your President – I thank you for the many opportunities you have given me for public service in war and peace. I trust that in that service you find some things worthy; as for the rest of it, I know you will find ways to improve performance in the future.

You and I – my fellow citizens – need to be strong in our faith that all nations, under God, will reach the goal of peace with justice. May we be ever unswerving in devotion to principle, confident but humble with power, diligent in pursuit of the Nations' great goals.

To all the peoples of the world, I once more give expression to America's prayerful and continuing aspiration:

We pray that peoples of all faiths, all races, all nations, may have their great human needs satisfied; that those now denied opportunity shall come to enjoy it to the full; that all who yearn for freedom may experience its spiritual blessings; that those who have freedom will understand, also, its heavy responsibilities; that all who are insensitive to the needs of others will learn charity; that the scourges of poverty, disease and ignorance will be made to disappear from the earth, and that, in the goodness of time, all peoples will come to live together in a peace guaranteed by the binding force of mutual respect and love.

Now, on Friday noon, I am to become a private citizen. I am proud to do so. I look forward to it.

Thank you, and good night. 

Wednesday, May 25, 2011

Les grandes chansons: Le déserteur

par Boris Vian (1953)

Une chanson que j'ai eu la chance de lire quand j'étais gamin et que j'ai trouvé très inspirante.


Monsieur le Président
Je vous fais une lettre
Que vous lirez peut-être
Si vous avez le temps
Je viens de recevoir
Mes papiers militaires
Pour partir à la guerre
Avant mercredi soir

Monsieur le Président
Je ne veux pas la faire
Je ne suis pas sur terre
Pour tuer des pauvres gens

C'est pas pour vous fâcher
II faut que je vous dise
Ma décision est prise
Je m'en vais déserter.

Depuis que je suis né
J'ai vu mourir mon père
J'ai vu partir mes frères
Et pleurer mes enfants
Ma mère a tant souffert
Qu'elle est dedans sa tombe
Et se moque des bombes
Et se moque des vers
Quand j'étais prisonnier
On m'a volé ma femme
On m'a volé mon âme
Et tout mon cher passé
Demain de bon matin
Je fermerai ma porte
Au nez des années mortes
J'irai sur les chemins

Je mendierai ma vie
Sur les routes de France
De Bretagne en Provence
Et je dirai aux gens

Refusez d'obéir
Refusez de la faire
N'allez pas à la guerre
Refusez de partir

S'il faut donner son sang
Allez donner le vôtre
Vous êtes bon apôtre
Monsieur le Président

Si vous me poursuivez
Prévenez vos gendarmes
Que je n'aurai pas d'armes
Et qu'ils pourront tirer


Abolir 70, 80 et 90 !

Une idée simple, courte et un peu farfelue:
abolir 70, 80 et 90!


Évidemment, pas les nombres eux-mêmes, puisque le système en base 10 cesserait de bien fonctionner. Simplement, la façon d'écrire et de dire ces nombres:

70 = soixante-dix = 60+10
80 = quatre-vingts = 4*20
90 = quatre-vingts-dix = (4*20)+10

Devrait-on dire quinze-vingts pour indiquer 300?
Ne riez pas, on l'a déjà fait. [1]

À la place, on n'a qu'à dire septante (70), octante (80) et nonante (90). Un même suffixe utilisé pour toutes les dizaines sauf pour les trois premières (10, 20, 30) avant lequel on ne fait que varier le préfixe. C'est simple. On le fait déjà en Belgique, et possiblement en RDC. En anglais, on dit bien seventy, eighty, ninety, et en allemand le même système revient avec siebzig, achtzig et neunzig. La vieille façon de prononcer les nombres pourraient rester comme archaïsme, pour embellir la palette lexicale des poètes, ou simplement pour faire «plus rebelle», vu qu'en «interdisant» ces nombres, ils deviennent attrayants: on aura peut-être droit à de la Labatt Quatre-vingts-dix.

Bon, j'avoue que le sujet n'est pas prioritaire ou urgent, mais pour toutes les fois que j'entend dire que «la langue française, c'est important», bien il faudrait s'interroger par moment sur la logique et l'efficacité de cette langue comme outil d'expression et de communication, pas seulement agir en réactionnaire face à une menace d'assimilation étrangère, mais avoir le plaisir de vivre en parlant cette langue. 


_____________
[1] http://fr.wikipedia.org/wiki/H%C3%B4pital_des_Quinze-Vingts
Image (domaine public): http://en.wikipedia.org/wiki/File:EgyptphoneKeypad.jpg

paru originalement chez Génération d'idées (GEDI)

Monday, May 23, 2011

Nemo me impune lacessit

Gadsen Flag
Je ne suis pas devenu membre du Tea Party de Sarah Palin et de Glenn Beck, ni de sa version bas de gamme québécoise qu'est le Réseau «Libarté» Québec avec son «monstre à deux têtes», Duhaime et Marcotte. Que dieu (ou une autre entité imaginaire de votre choix) m'en préserve! Par contre, ce que je remarque depuis quelques années, c'est qu'on subverti continuellement des symboles historiques, on les dénature, on les vide de leurs sens, jusqu'à ce que ceux-ci finissent par signifier exactement le contraire de ce qu'ils étaitent supposés représenter.


Le virage à 180 degrés du Gadsen Flag

Concept initial de Franklin
Prenons l'exemple du Gadsen Flag (drapeau de Gadsen), symbole du mouvement ultra-conservateur du Tea Party, qui s'auto-proclame libertarien. Originalement conçu par le colonel Christopher Gadsen en 1775 (d'après une idée de Benjamin Franklin), ce drapeau se voulait un symbole de ralliement pour les intérêts continentaux (les Treize colonies n'étant pas encore conscientes d'être des Américains comme on l'envisage aujourd'hui) contre ceux de la métropole anglaise, dont le parlement et la couronne étaient largement influencés par la grande multinationale de l'époque, la Compagnie des Indes Orientales (East India Company). Un des symboles de la Révolution américaine, le Gadsen Flag sera intimement lié à la lutte des Continentaux contre l'arbitraire de l'État, contrôlé par le parlement britannique, auxquels les colonies ne peuvent envoyer de réprensentants élus, et par le dément George III. Chose intéressante, le camp insurgé se désignait lui-même comme étant des Patriotes, des Whigs (libéraux) ou bien des Révolutionnaires, alors qu'ils étaient opposés par d'autres coloniaux portant l'appellation de Loyalistes ou de Tories (conservateurs). Dans la même lignée, le Boston Tea Party était une révolte patriote contre la Couronne britannique, le parlement métropolitiain et les intérêts de la East India Company, une multinationale qui tire les ficelles. 200 ans plus tard, ces symboles se retrouvent complètement dénaturés: les protestaires sont des conservateurs plutôt que des libéraux (en fait, les libéraux et progressistes servent de boucs-émissaires), ils luttent contre le gouvernement élu par leur propre concitoyens, le tout pour servir les nouvelles incarnations de la East India Company, que ce soit Koch industries, Halliburton ou Carlyle Group. C'est le monde à l'envers. Le concept du Gadsen Flag et du Boston Tea Party ont été complètement pervertis par l'Establishment, qui les utilise comme «corde sensible» pour rallier les larbins qui les servent et duper les gens qui comprennent le poids de ces symboles, sans complètement en saisir l'essence.

Liberté?


Mais ce n'est pas tout: le Tea Party fait des petits au Québec. On a eu le droit au Réseau Liberté-Québec, un mouvement astroturf qui par la magie de la schizophrénie compte 800 membres, mais l'appui de 4000 comptes Facebook. Sachant que les Québécois sont à la fois tièdes à l'égard d'un patriotisme canadien, et voulant éviter les symboles souverainistes, ce groupe s'est approprié le mot «liberté», un peu comme une autre clique avant eux avaient tenté de monopoliser le terme «lucide»(de la démagogie permettant de discréditer tout opposant qui se proclamerait «anti-lucide» aux yeux d'un auditeur peu informé). Mais bon, je donne déjà assez de publicité à ce groupe, qui n'attire à ses sommets que 400 personnes, ce qui  est moins que la plupart des bals de finissants... Se pourrait-il que certains médias offrent à ce groupe une tribune largement disproportionnée, qu'on nous offre une information biaisée? Qu'à force de marteler le même message aux personnes prises dans la «bulle Québécor», que les gens finisse par acquiescer que le RLQ est un réel mouvement d'envergure, devenant un «fait social» au même titre que la sorcellerie ou la religion (c'est la même chose...) quand une masse significative de gens hystériques y croient? Le bout de la m... est que dans ce réseau, on retrouve un monarchiste chrétien, Roy Eappen, qui défend les intérêts des héritiers de George III, ce qui est finalement tout le contraire de ce que voulait faire le Boston Tea Party.


Les échos de Jericho


Allied States of America (série Jerich
C'est en écoutant en rafale l'excellente (et trop courte...) série télévisée Jericho que j'ai compris un peu mieux ce qui se passe. Évidemment, je ne suis pas devenu adepte des théories du complot (conspiracy theory): il n'est pas nécessaire qu'une cabale d'Illuminati dirige secrètement le monde quand les mécanismes économiques (mis en place parce qu'ils étaient les plus simples à conceptualiser, bien que souvent défaillants) peuvent créer d'eux-mêmes des milliers de gammicks, de cartels et d'intérêts convergents. Et les 23 attentats nucléaires perpétré dans cette série par un groupe terroriste commandité relèvent (espérons-le) complètement de la fiction, tout comme le scénario selon lequel les États-Unis deviennent une dystopie dans laquelle l'Amérique est divisée entre ce qui reste de l'ancien gouvernement (centré autour de la ville Columbus en Ohio), la nouvelle république du Texas et le gouvernement auto-proclamé des Allied States of America (dont la capitale est Cheyenne, Wyoming), largement influencée, voire carrément infiltré, par la  firme multinationale (fictive) Jennings & Rall. Néanmoins, dans la série Jericho, un élément qui ressort lors de l'épisode final est une discussion entre le protagoniste Jake Green et son grand-père, qui lui fait un bilan de ce qui est en train de se produire, c'est-à-dire une prise 2 de la Révolution américaine: une partie de l'Amérique est sous le joug d'un gouvernement autoritaire que sont les ASA (les «Britanniques»), que ce gouvernement est largement influencé par les intérêts de la firme Jennings & Rall (la «East India Company») et de sa filiale de contractants militaires Ravenwood (les «mercenaires hessiens»). Maintenant, si on change le nom de Jennings & Rall pour Halliburton, celui de Ravenwood par Blackwater Worldwide / Xe, on obtient de cette série un portrait des États-Unis qui, bien caricatural, est inquiétant.


La pieuvre


Si on retourne au Québec et qu'on sort du cadre de la fiction post-apocalyptique exagérée, on remarque la situation suivante: l'influence tentaculaire de firmes comme Power Corporation  (dénoncée récemment par Québec Leaks) et Québécor au sein du gouvernement québécois, un peu comme Jennings & Rall tire les ficelles de celui des ASA. Ça rappelle  aussi la Clique du Château et le Family Compact.  Certes, les syndicats ont une influence dans cette province, mais elle est moindre comparée à  ce qu'on peut appeler collectivement pieuvre ou Establishment, à laquelle se rallient, ouvertement ou non d'autres groupes, comme l'IEDM et le RLQ, des partis politiques comme l'ADQ et le Parti Conservateur du Canada, mais aussi des éléments des autres partis politiques déjà bien établis. Mais plutôt que de ratisser large et de parler d'une «cabale» qui dirige le gouvernement Charest depuis les coulisses et de verser hâtivement dans le conspiracy theory, on devrait simplement d'intérêts convergents.  Un exemple de cette convergence d'intérêts des plus nantis est le débat actuel concernant la construction d'un colisée à Québec, destiné à accueillir une équipe d'hockey imaginaire et à enrichir PKP de Québecor alors que depuis des années, on appelle le public à consentir à des mesures d'austérité et d'accepter le principe «utilisateur-payeur», notamment dans des domaines cruciaux comme la santé et l'éducation, on trouve tout de même les moyens de financer un éléphant blanc dans la ville de Québec avec l'argent des contribuables, sans processus consultatif auprès de la population.


«Qu’est-ce qu’ils disent déjà les Américain? Ah oui: no taxation without representation. C’est un principe inaliénable aux États-Unis. À Québec, c’est plutôt: paye tes taxes pis ferme ta gueule.» 

Vincent Marissal, Les Empereurs de Québec



Comme le souligne Vincent Marissal dans son article, on est en train de passer sous silence toute tentative de contester le projet, question de faire passer les intérêts de Gary Bettman  et de Pierre-Karl Péladeau,  des gens qui ne sont pas élus, avant ceux de la population.

Revenons à Jericho. Revenons à la Révolution américaine. Québecor, c'est Jennings & Rall, c'est le East India Company. L'arbitraire de l'Assemblée nationale, c'est celui des ASA, du parlement britannique. Le Réseau Larbin du Québec regroupe l'équivalent de ce que sont les Tories et Loyalistes au sein des Treize colonies durant la Révolution américaine, et ceux qui les opposent sont les Patriotes qui veulent émanciper l'ensemble de la population, promouvoir des idées progressistes, certaines aussi «radicales» que le gouvernement devrait représenter les intérêts de la population qui exerce un droit de vote, que les institutions publiques devraient être laïques, ce qui sous-entend clairement que le christianisme ne devrait pas y avoir de statut privilégié.


«Bas les pattes!»


Et maintenant pour le Gadsen Flag...

Je le reprend des mains de ceux qui ont trahi sa signification.


Je lui redonne son sens original, celui de la défense d'une population du continent de l'Amérique du Nord contre les ambitions combinées d'une monarchie britannique malsaine, d'un parlement bidon et des intérêts financiers qui tirent les ficelles.

Je reprend le Boston Tea Party des mains de ceux qui servent maintenant les intérêts des nouvelles incarnations du East India Company.

Je reprend le mot liberté des réactionnaires larbins qui l'étouffent en clamant la promouvoir.

Au Québec et aux États-Unis, nous connaissons les mêmes luttes pour faire avancer la société, émanciper la population et promouvoir des valeurs progressistes. Tous deux nous avons des Patriotes qui ont combattu l'arbitraire de l'Establishment.


Reste à finir le travail.
Qu'on se débarrasse des héritiers de Victoria.
Qu'on fasse du Québec une république.

En attendant, bonne journée des Patriotes!




_______

Images (domaine public)

Gadsen flag: http://en.wikipedia.org/wiki/File:Gadsden_flag.svg
Join, or die: http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Benjamin_Franklin_-_Join_or_Die.jpg
Drapeau des Allied States of America (ASA) de la série Jericho:  http://www.realody.com/
Pieuvre: http://fonzibrain.wordpress.com/2010/01/
Drapeau des Patriotes:
http://en.wikipedia.org/wiki/File:Flag_of_the_Patriote_movement_%28Lower_Canada%29.svg

Sunday, May 22, 2011

Les grands discours: Les géants

par Loco Locass (2008)


En cette fin de semaine des Patriotes, je ne pourrai dire mieux:

Nous sommes issus d’un sol immense, qui nous a tissés métissés
Rebus de brins de laine tressés très serré
Sans couture au sein d’une ceinture fléchée
Comme quelque queue clinquante de comète effilochée
Et si l’on suit le fil de notre texte il
Mène à la sortie du labyrinthe de Pan
Qui nous éreinte depuis qu’ils ont mis nos torts dedans
Ils ont conquis nos territoires, pillé notre histoire et volé notre mémoire
Avec leurs thèses de fous, ils nous ont dit: Taisez-vous!
Vous ne valez pas 10 sous
Vous n’êtes pas vous, vous êtes nous
Vous êtes dissous
Notre substrat vous subsume et la comparaison vous consume»
Faux! Nous venons d’avant
Nous sommes antérieurs
Nous sommes des créateurs, pas des créatures, pas des caricatures
Notre maison n’a pas de cloisons
Mais quatre saisons
Acclimatés au climat
Et faisant fi du frimas
Nous avons parcouru par ses artères tout un continent titan
Notre espèce aspire à l’espace et son empreinte est partout
Tapie dans la toponymie
Gravée dans le granit, égrainée sur la grève
Arc-boutée dans les arches de nos dingues digues dignes de la muraille de Chine
Dans les champs essouchés sous la lune
Et les racines d’un hêtre qui ne peut plus plier
C’est une histoire riche qui n’est sur aucune affiche
Et qu’on a laissée en friche
Dans nos caboches, ce n’est que roches et fardoches
Cosmogonie à l’agonie
Dans le tome fantôme du grimoire d’une mémoire moisie
Sur nos épaules on porte pourtant le pack-sac d’un passé épatant
Mais allons-nous mourir en nains quand nous sommes nés géants?
Sitôt venus au Nouveau Monde
On a dompté les hivers et fabriqué de la terre
On avait la tête à la fête et le coeur au labeur
Opiniâtres, on n’a jamais laissé mourir le feu dans l’âtre
Car nous avons la tête à Papineau
La longue langue agile de Da Costa
Le coeur-corsaire de d’Iberville
Qui envoie en nos veines
Le pur-sang mêlé-mêlé de Riel et des Premières Nations
Nous avons l’aviron de Radisson, la vigueur de la Vérendrye
Les jarrets de Jolliet et tous les talents de l’intendant Talon
En somme, nous sommes des surhommes uniques
Générés par le génie génétique de l’Europe et de l’Amérique
Inéluctablement, nous voguons vers le néant
Mais allons-nous mourir en nains quand nous sommes nés géants?

Opaque, il faut qu’enfin notre épopée éclate
C’est sans équivoque, cette Histoire est pleine et craque
Loco Locass la provoque de son verbe épique: les eaux sont crevées
Et tombent en trombes et forment une flaque, que dis-je, une flaque
C’est comme un lac à nos pieds
Le col se dilate
Le sol s’écarquille
Pour laisser monter un corps en forme d’ogive
C’est le chaos qui «paaaaaasse» dans le chas d’une aiguille
C’est un cri qu’on pousse, un coeur qui pulse
Celui d’un peuple qu’on accueille ou qui frappe un écueil
Dans l’oeil du cyclone, chaque seconde en vaut quatre
Nous rapproche d’un miracle
C’est un spectacle sans entracte
Mais gare à l’arrêt cardiaque
Entre la mort et la vie
L’arrivée d’un homme comme lors d’un référendum
Un peuple oscille entre le rien et tout ce qui brille
Je pose des mots garrots gare au flot hémorragique
Ô ma rage gicle par tous les pores de mon coeur spongieux
Sur ce son long jeu conjure ma mortelle nature
Et nous disons que la parole est une sage-femme
Qui tire des limbes un monde à naître
Fort de cette maïeutique aux forceps
Le poète nomme enfin celui dont il voit poindre la tête:


QUÉBEC !

Friday, May 20, 2011

Leçon de capitalisme pour les Conservateurs: le sénat et le libre marché

On le sait, le Parti Conservateur du Canada (PCC) compte parmi ses rangs de fervents adeptes du libre marché, hostiles à l'intervention de l'État au-delà du rôle prescrit de gendarme. Pourtant avec les élections de 2011, on pourrait croire autrement. Si les élections sont  comparables à un marché, que les candidats constituent dans celui-ci les «firmes» qui effectuent l'offre et que les électeurs sont les «clients» représentant la demande, alors on peut dire que Larry Smith et Josée Verner ont été évincés par les règles de ce marché, n'ayant pas été capables de suscité assez de demande pour siéger au gouvernement. Or, la nomination subséquente (et très hâtive) de ces deux candidats rejetés à des postes de sénateurs ne constituent non seulement une trahison de l'idéal démocratique qu'on se fait croire d'avoir au Canada (on est encore une monarchie constitutionnelle, rappelons-le), mais la présence de Larry Smith et de Josée Verner au sénat constitue une intervention de l'État dans le «marché» politique, provoquant notamment comme défaillance celle de maintenir sur ce marché des produits inutiles et non désirés par la population québécoise. Harper verserait-il dans le communisme? Le PCC serait-il devenu le Parti Communiste Chinois en moins d'un mois de majorité parlementaire?

Si on ne peut élire les sénateurs par suffrage universel pour ramener les règles de l'offre et de la demande, alors il faudrait penser à abolir le sénat comme le Québec au niveau provincial avec sa Chambre haute. Si on conserve le sénat, il faudrait le «privatiser»  en permettant à la «clientèle» que sont  les électeurs de voter pour les candidats de leur choix, comme à la Chambre des communes, et la «main invisible» du scrutin se chargera que tous soient bien représentés.

Bref, Harper est trop «gauchiste» à mon goût !

:P

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Image (domaine public)

Adam Smith: http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:AdamSmith.jpg