Friday, August 12, 2011

Québec: la culture nationale, l'immigration et la mondialisation


En cette période de mondialisation de l'économie et de migrations des peuples, les différences nationales ont tendance à se dissoudre dans le melting-pot du American Way of Life, de la zone Euro, et les autres alliances régionales. Les fédérations sont l'avenir! Toutefois, même si des frontières disparaissent grâce aux nouvelles technologies de l'information (TIC) et aux traités de libre-échange, et que le monde des affaires parle généralement anglais quand il fait du business, on aurait tort de reléguer les différences culturelles au simple rang «d'interférences dans la communication» et de confirmer trop tôt le décès des nationalismes (même en cette période de marasme chez les forces souverainistes, cynisme probablement dû à la faible qualité du leadership de Marois...). En effet, l'américanisation entraîne parfois aussi un vent d'anti-américanisme, comme si en poussant trop dans une direction on provoquerait un retour de balancier. Parfois, l'érosion de l'identité nationale, réelle ou perçue, provoque plus que du simples mécontentements, comme l'attestent les regrettables événements en Norvège, symptome d'un danger plus grand que pose la montée de l'extrême-droite en Europe et dans le reste de l'Occident, avec le Tea Party et le parti des Vrais Finlandais. Et le Québec n'est pas à l'abri de ce genre de catastrophe idéologique: prenez un discours de Éric Duhaime, substituer «juif» par «musulman», et vous obtenez une copie-conforme d'Adrien Arcand. (Le RLQ est un terreau fertile pour des idées de Chemises brunes.)





Les gens disent vouloir du changement, comme ça semble être le leitmotiv de toutes les élections, mais apparemment, ne veulent pas être brusqués. Question d'insécurité et de manque de confiance en soi, qui amènent de personnes apeurées à commettre toutes sortes de bêtises. Dans le contexte de la mondialisation, il y a au moins quatre pièges relatifs à la culture nationale qu'on peut relever: le premier est de réifier la culture, c'est-à-dire d'assumer que celle-ci est une chose concrète, immuable, comme si être Québécois était un concept avec des frontières fixes et clairement définies et que l'aspiration d'une nation serait de se cloner perpétuellement; le second est la négation des différences nationales au profit d'une culture d'entreprise déracinée, aseptisée, standardisée selon le One Best Way of Doing Things et «macdonaldisée», ou simplement, ce qu'on pourrait aussi appeler le syndrome «Elvis Gratton»; le troisième piège est la fâcheuse tendance à hiérarchiser les cultures entre elles, en versant dans l'ethnocentrisme en assumant que la façon de faire de sa propre culture est supérieure aux autres; et le quatrième est d'aller trop loin dans le relativisme culturel en permettant au nom de la liberté d'expression des comportements qui ne sont pas conformes à des valeurs progressistes, notamment le racisme, le sexisme et les autres formes de discriminations.


Comme une entreprise idéale, une culture nationale devrait être simultanément flexible avec son environnement externe, capable de s'adapter aux changements et d'intégrer les influences étrangères positives (notamment les transferts technologiques et académiques), et posséder une certaine rigidité dans son environnement interne, une rigidité qui serait fixée par plusieurs balises et valeurs communes (pour éviter de faire du n'importe quoi, n'importe quand sous un vernis d'approche contingente), sans nécessairement être un carcan qui empêche tout changement. Il faut donc être à la fois fier de ses origines sans être chauvin, être ouvert aux nouvelles idées sans avoir un esprit de colonisé qui accepte n'importe quoi, et vouloir faire rayonner sa culture par désir de contribuer à la grande «discussion» entre peuples plutôt que de s'imposer par arrogance et par impérialisme. Un équilibre parfois difficile à atteindre, parce que les gens confondent souvent leur propre identité avec leurs appartenances culturelles, comme le souligne Amin Maalouf, l'orgueil et les complexes d'infériorité de certains pouvant être la cause de biens de maux. Et comme cet auteur fait remarquer, une société n'est ni une page déjà écrite à laquelle on ne peut rien changer, ni une page blanche où l'immigrant peut faire n'importe quoi sans prendre en considération la culture de sa société d'accueil: une collectivité, c'est une page en train d'être écrite, ce qui veut dire que les nouveaux éléments qui se rajoutent doivent être pris en considération et non être ignorés par la marginalisation, tout comme ces éléments nouveaux doivent s'intégrer pour faire du sens par rapport à ce qui est venu avant, question d'assurer une certaine continuité dans le récit.