Sunday, July 31, 2011

Tetris urbain: maximiser l'utilisation de l'espace public

Hochelaga-Maisonneuve, 31 juillet 2011


Chaque jour en allant prendre un café je passe devant une cour d'école primaire qui a la particularité d'être occupée en tant que terrain de jeux durant quelques heures où les élèves prennent des pauses durant la semaine, et puis qui a ensuite l'aspect – la majorité du temps – d'une immense surface bétonnée vide sans vie. On paie des taxes pour essentiellement maintenir du vide bétonnée.

Pourtant il est possible de faire pousser quelque chose sur de l'asphalte.

Il me semble qu'il y aurait moyen d'optimiser l'utilisation de la cour d'école, notamment durant les fins de semaines, avec des initiatives peu ou pas coûteuses qui peuvent graduellement s'emboîter les unes sur les autres pour éventuellement faire de cet espace vide un point de focalisation dans la revitalisation du quartier. Ces idées ne sont pas nouvelles, mais simplement je trouve ça vaut que la peine de les rassembler ensemble. De toutes manière, ces idées ne semblent pas être suffisamment répandues.

Il faudrait plus de centre-vies que de centre-villes.


* * *


un terrain souvent vacant
Étape 1: La vente de garage communautaire

Plutôt que d'avoir de manière sporadique et désorganisée des ventes de garage un peu partout dans le quartier, il serait possible de simplement de centraliser ces kiosques à un seul point de vente, la cour d'école. Certes, pour le vendeur, ça demande un peu plus d'effort pour transporter les marchandises jusqu'au nouveau lieu, mais avec plusieurs ventes de garage dans un même lieu, le site s'improvise alors en marché aux puces communautaire, offrant davantage de produits aux clients, ce qui est plus susceptible de les attirer. Pour un(e) jeune qui veut se démarrer un kiosque de limonade ou de vente de bijoux artisanaux, ce lieu de rencontre communautaire dans sa cour d'école devient un meilleur point de départ que ne le serait le coin de sa rue; en plus, il est mieux encadré.

Le stationnement du personnel pourrait servir aux clients et aux vendeurs, vu que les enseignants et la direction n'en ont pas besoin la fin de semaine parce qu'il n'y a pas de cours.

Aussi, considérant que les système scolaire québécois est un peu épuisé en partie à cause de la faible implication des parents et de la communauté dans la recherche de mieux-être des élèves, la vente de garage communautaire a au moins le mérite de placer physiquement les parents et les gens du quartier sur le site de l'école. Tout grand voyage commence par un simple pas.


Étape 2: Troc-tes-trucs

Si dans les communautés anglophones, le phénomène d'échange de biens usagés (swap meet) est davantage connu, le Québec connaît déjà plusieurs de ces initiatives grâce à l'organisme Troc-tes-trucs [1]. Il me semble que ça ne relève pas de la sorcellerie de vouloir greffer une activité de troc en même temps qu'une vente de garage, vue que la majorité des gens peuvent marcher et mâcher de la gomme en même temps.



Infrastructure sous-utilisée
Étape 3: Le panier bio

En transformant la cour d'école en point de vente (de manière constante) à chaque fin de semaine, il devient plus simple pour des organismes comme Oasis bio express [2] ou Fermier de famille d'Équiterre [3] d'effectuer des livraisons de paniers de légumes biologiques à prix modique. Déjà, trois points de chute pour Fermier de famille existent dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, un au Marché Maisonneuve (superbe endroit), un autre sur le coin de la rue Sicard et Sainte-Catherine et un tierce dans le coin de la rue Rouville et de Saint-Germain. Il suffirait donc d'intégrer ces activités déjà existantes dans une utilisation plus intensive des cours d'écoles, ce qui demande que de légères modifications. Un coup parti, ce n'est pas très difficile d'installer un kiosque d'Équiterre (ou d'un autre groupe communautaire) sur lieu du marché aux puces communautaire s'il y a une foule suffisante pour le justifier, kiosque permettant de recruter d'autres participants au programme Fermier de famille, ce qui permet à long terme de tisser des liens économiques entre le développement rural et urbain.


Étape 4: Mon école complètement cirque

Avec un clown comme maire, par surprenant que le festival Montréal Complètement cirque [4] connaisse beaucoup de succès.

Mauvaise blague à part, il me semble que si une cour d'école est visitée par une foule durant la fin de semaine qu'il soit possible que les élèves puissent profiter de la présence de cet auditoire improvisé pour faire démonstrations de leurs talents: chant, humour, jonglerie, musique, etc. Pour l'école, il suffirait de réorienter un peu le contenu de leurs programmes pour que durant la semaine les élèves se préparent à faire une prestation: les cours d'éducation physique peuvent certainement servir à enseigner la jonglerie [5]; les cours de français peuvent servir à la rédaction de poèmes pouvant être lus devant la foule; les élèves «tannants» auraient l'occasion de s'improviser humouristes; et les activités de chorale et les cours de musique peuvent facilement s'intégrer sans trop de changements.

Ceci permettrait de donner aux jeunes un sens d'appartenance à leur école, qui irait donc au-delà du simple parcours académique. Pour les parents, ce serait l'occasion de voir de manière hebdomadaire le cheminement des élèves et de tisser davantage de liens avec l'école et avec les autres parents.


Étape 5: Copier la recette ailleurs

Si en quelques années, ce genre de convergence de projets de revitalisation de quartier a du succès, il sera certainement copier par les autres. Et c'est tant mieux.


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Pour revenir à mon point de départ, il y a dans cet espace bétonné qu'est la cour d'école, des occasions de développement communautaire et économique qui ne sont pas exploitées. Et au Québec, ce ne sont pas les espaces vacants en béton qui manquent.

Culturellement, le Québec a le fardeau d'une mentalité de «suiveux», héritée de l'Église catholique et de sa tradition absolutiste (et non du syndicalisme, comme se plaisent à dire certains «drétteux» à travers leur chapeau...), qui nous a habitué à attendre l'initiative de la part des autorités, plutôt que la prendre nous-mêmes – un autre obstacle à surmonter, mais qui n'est pas insurmontable avec un peu de volonté et quelques bons exemples de succès.

Un autre problème du Québec, c'est que sur le plan politique, il y a d'un côté, il y a une droite capitaliste qui ne voit pas dans ce genre de projet de convergence communautaire la possibilité d'accroître le PIB vus que les biens échangés ne sont pas neufs, donc pas comptabilisés dans le calcul de cet indice économique (un indice, qui dans le fond, sert surtout à comparer le output industriel des pays s'ils devaient se faire la guerre...) et que les activités artistiques des élèves ne génèrent pas de revenus, alors de l'autre bord, on a une certaine gauche qui veut tout changer le système avec des idées top-down marxistes ou de type Zeitgeist, mais qui n'accomplit pas grand-chose (heureusement, car l'économie planifiée serait un désastre autant qu'un marché libre à 100%). Entre Charybde et Scylla, il est possible de prendre les meilleurs aspect de la gauche (préoccupations humanitaires et écologiques) et de la droite (entrepreneuriat et recherche d'efficience), de construire un projet simple sur lequel d'autres activités peuvent graduellement s'emboîter comme des blocs Lego.

Jouer à Tetris avec l'espace urbain ne changera peut-être pas le monde, mais c'est un début pour à la fois rentabiliser les lieux publics et pour solidifier le tissu social d'un quartier.






Sources:

[1] Troc-tes-trucs: http://www.troctestrucs.qc.ca/
[2] Oasis bio express: http://oasisbioexpress.ca/
[3] Équiterre – Fermier de famille: http://www.equiterre.org/solution/fermier-de-famille
[4] Montréal Complètement cirque: http://www.montrealcompletementcirque.com/
[5] Les Arts du cirque à l'école primaire: http://artsducirque.canalblog.com/

Thursday, July 21, 2011

Clausewitz, Harper et Wapikoni


L'été dernier, poussé par mon intérêt pour la stratégie (le résultat de mes études en gestion et probablement du fait que j'ai été élevé sur des bases militaires), j'ai lu de l'oeuvre de Carl von Clausewitz (de qui je parle souvent...), De la guerre. La version abrégée, évidemment, car si les réflexions de Clausewitz sont souvent brillantes, la manière dont elles sont écrites laissent par moment à désirer, sans compter que le texte est traduit de l'allemand, ce qui laisse place à beaucoup de «lost in translation». Et bien que ce soit un ouvrage qui traite de la guerre telle qu'elle était pratiquée au XIXe siècle, De la guerre est aussi une excellente ressource pour comprendre bon nombre de phénomènes actuels, militaires autant que civils, surtout dans les domaines liés à l'accès à l'information en temps. Trois concepts sont d'ailleurs à retenir: le fog of war («brouillard informationnel» ou asymétrie de l'information), la friction (la panoplie d'impondérables qui empêchent tout plan d'être réalisé exactement comme il était prévu) et l'Auftragstaktik (la tactique «basée sur les missions» qui délègue aux gens sur le terrain une plus grande autonomie afin pouvoir réagr plus rapidement aux changements survenant dans un environnement dynamique). Pour n'importe qui sachant lire entre les lignes, qui est un peu créatif et a recours à la synectique (association d'idées différentes), les concepts de Clausewitz sont facilement applicables en gestion, en politique, en marketing, en sociologie et en économie. À l'instar de celles de Sun Tzu (L'Art de la guerre), les réflexions de Clausewitz relatives à l'accès et au contrôle de l'information sont indémodables, et tout gestionnaire devrait se familiariser avec celles-ci.

D'autres idées de Clausewitz sont aussi très intéressantes pour comprendre des phénomènes dans le contexte socio-économique actuel au Québec et au Canada. Par exemple, la lutte contre la criminalité peut être considérée une guerre proprement dite. C'est certainement l'attitude qu'on semble observer chez Stephen Harper et ses Conservateurs, qui pronent une approche répressive («tough on crime»), des sentences exemplaires et un financement accru du milieu carcéral. 

Contre le crime, la meilleure défense, c'est l'attaque! Non?

Mais qu'en est-il vraiment?

Pour Carl von Clausewitz, la stratégie défensive est supérieure à l'offensive. Simplement, quand un pays agit comme envahisseur, il peut initialement réussir plusieurs coups d'éclat et écraser l'adversaire chez lui, mais à long terme, la résistance locale qui s'organise et l'impatience d'une population qui souhaite le retour à la maison des troupes (les militaires ont des familles, rappelons-le) usent l'armée victorieuse. Comme on l'a remarqué avec les revers au Viet Nam, en Iraq et en Afghanistan, il est facile de gagner la guerre, mais pour gagner la paix, c'est tout un autre défi.

Dans un second temps, une armée qui adopte une stratégie défensive devrait idéalement, si on se base sur Clausewitz, avoir recours à des tactiques offensives. Par exemple, dans le cas d'une résistance à une invasion étrangère, un pays pourrait: (1) fortifier ses positions à l'intérieur de ses frontières et y attendre l'ennemi; (2) attendre l'ennemi à la frontière pour l'empêcher d'entrer; ou (3) envahir le pays ennemi de manière préventive. Dans l'option 1, si l'armée qui se défend a l'avantage du terrain et l'appui de la population locale, il reste que le théâtre des affrontements se situe sur son territoire, ce qui signifie qu'il encaisse tous les dégâts collatéraux. Avec l'option 2, ces dégâts collatéraux sont partagés entre les deux belligérents. Finalement, avec l'option 3, plus aggressive, l'armée qui veut empêcher une invasion fait subir aux forces rivales les dégâts collatéraux chez celles-ci, et en plus l'adversaire doit abandonner ses plans d'invasion pour réorganiser une contre-offensive permettant de libérer le territoire perdu (ce qui lui coûte l'initiative). Le troisième choix est donc nettement plus avantageux que les deux autres, surtout en matière de dégâts collatéraux.


Revenons à la lutte contre la criminalité.

Dans cette guerre, le champ de bataille, c'est le temps.

On peut agir de manière répressive, comme le suggèrent les Conservateurs, en punissant sévèrement les criminels après qu'ils aient commis des délits. C'est l'équivalent d'attendre l'armée adverse chez soi. C'est une approche réactive, qui donne à l'adversaire l'initiative. La société qui choisit cette option accepte de subir les dégâts collatéraux (la perte de la paix sociale).

On peut aussi agir pendant que le délit est commis («attendre l'ennemi à la frontière»), mais bien fûté celui qui pourrait savoir d'avance où le prochain crime aurait lieu afin d'y envoyer un policier pour prendre le malfrat la main dans le sac. Même les méthodes présentées dans Minority Report ne sont pas sans failles et, surtout, relève de la science-fiction (et malgré la présence de créationnistes dans les rangs des Conservateurs, je ne crois pas qu'ils sont si déconnectés de la réalité que ça... du moins je l'espère!).

Si on revient à la troisième option, celle basée sur l'approche proactive, on peut attaquer les criminels avant qu'ils commettent des délits. Bien que le recours à la divination soit exclu, il faut toutefois remarquer qu'il est possible statistiquement de repérer au sein d'une collectivité les segments de population pouvant être à risque d'adopter un comportement criminel. La pauvreté et la marginalité de certains groupes sociaux sont des facteurs qui contribuent à ce que ceux-ci deviennent des «criminels d'opportunité» (thème que j'ai déjà abordé en partie dans le texte Charité bien ordonnée: État, fiscalité et justice sociale). Au Québec et au Canada, les Autochtones constituent un groupe marginalisé plus susceptible d'être incarcéré que d'autres [1]:


There are 13,000 federal offenders in custody and a similar number out in the community on some form of conditional release. These statistics include aboriginal offenders. In 2007/2008, according to Statistics Canada, aboriginal adults accounted for 22 per cent of admissions to sentenced custody while representing only 3 per cent of the Canadian population. More than one in five new admissions to federal corrections is now a person of aboriginal descent. Among women offenders, the overrepresentation is even more dramatic – one in three federally sentenced women is aboriginal.” 
 


Évidemment, même si la lutte contre la criminalité doit être envisagée comme une guerre, les gestes posés pour livrer cette bataille ne doivent pas être nécessairement violents. À titre d'exemple, l'organisme Wapikoni Mobile, qui développe l'industrie cinématographique chez les Autochtones et donne à ceux-ci une voix pouvant s'exprimer, est un exemple d'effort «aggressif» contre la marginalisation qui, faut-il le rappeler, est une des cause de la criminalité. Or, les récentes coupures au financement de Wapikoni Mobile par le gouvernement Harper montre que le parti au pouvoir va dans le sens contraire de l'approche qui serait la plus avantageuse (méthode préventive, approche proactive) pour s'enliser dans une stratégie offensive (méthode répressive) combinée à une tactique défensive (approche réactive), un peu comme les Américains l'ont fait en envahissant l'Iraq pour par la suite se cloîtrer dans le «zone verte» (green zone) entre deux répressions bien édulcorées par les médias, ou le Canada en Afghanistan...


* * *


Bref, on constate qu'il y a des mythes encore tenaces entourant le conservatisme: «les Tories savent mieux gérer la sécurité nationale et l'armée», alors qu'ils n'ont apparemment pas lu Clausewitz; «ils maîtrisent mieux la lutte contre la criminalité parce qu'ils sont plus sévères», même si leur approche réactive ne fait que partiellement ramasser des pots cassés et, surtout, stimuler le développement de l'industrie carcérale, profitable aux amis du parti; «ils ont le sens des priorités, qu'ils savent bien gérer le budget à grands coups d'austérité qui coupent dans le gras», malgré qu'ils ont paradoxalement payé avec l'argent des contribuable le voyage de noces de l'héritier de l'héritier de la souveraine d'un pays étranger, une dépense farfelue complètement inutile pour des gens qui ont les moyens de se payer ce déplacement; «les Conservateurs sont de bons chrétiens», même s'ils appuient des guerres, ce qui va dans le sens contraire des enseignements du Christ («Celui qui vit par le glaive périra par le glaive») et certains pensent à ramener la peine de mort, même si le fondateur de leur religion a été victime de ce genre de sentence suite à une erreur judiciaire; «la droite n'est pas étatique comme la gauche», bien que le gouvernement Harper tente d'exercer un fort contrôle de l'information via la création en secret de son propre centre médiatique [2], où les journalistes seraient mieux «encadrés» par l'État pour qu'ils répètent fidèlement la ligne de parti; etc. Si la partisanerie conservatrice à un niveau d'intransigeance sans précédent montre le rôle important de l'idéologie politique chez les Conservateurs, la constance dans l'application des principes de cette idéologie, elle, montre plusieurs fissures. La façade pharisienne cache un despotisme lourdeau qui ne vise que l'objectif d'accroître le pouvoir et la fortune du parti et de sa clientèle, en toute indifférence du mieux-être de l'ensemble de la société.

Le Parti conservateur, par l'absurdité du système électoral uninominal à un tour, est maintenant majoritaire même s'il n'a été élu qu'avec 39.9% des voix, ce qui est définitivement sous la majorité absolue du 50%+1 d'une réelle démocratie. Sous la tyrannie de cette minorité, attendez-vous à d'autres surprises désagréables, justifiées par une idéologie creuse.


On est 60.1%, il faut s'organiser.



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[1] Émile Therien, The Shame of Aborigenal Incarceration

[2] Harper to create government-run media center: report

Tuesday, July 19, 2011

Idée: babillard commun d'événements autochtones au Québec

Suite au succès des deux pétitions en ligne retrouvés sur Facebook (Boycott Eska Water et Contre les publicités racistes d'Eska) contre la campagne publicitaire douteuse d'Eska, ainsi que l'attention générée dans l'ensemble des médias conventionnels du Québec (et même dans le reste du Canada), il est devenu évident que le recours aux réseaux sociaux peuvent donner des résultats intéressants, surtout quand il s'agit de relier de nombreuses communautés autochtones, souvent séparées par la géographie, et de pouvoir travailler ensemble vers le même but.

Les médias sociaux peuvent être utiles ailleurs. Par exemple, les organismes communautaires autochtones doivent souvent s'occuper par eux-mêmes de la promotion de leurs événements, sans nécessairement avoir l'expertise en publicité, ou même les budgets; certaines se contentent d'utiliser le courriel et de se créer une liste d'envois de quelques centaines de personnes.

Quand on tente de desservir l'ensemble des populations autochtones en agissant chacun de son côté, on obtient le résultat ci-dessous:




Si on centralise les efforts en mandatant un intermédiaire commun, les efforts nécessaires pour rejoindre ces populations autochtones est réduit, comme on le voit avec le second tableau:




Il serait avantageux pour les différents organismes autochtones du Québec de créer un seul babillard commun sur lequel toutes les activités seraient répertoriées. Au lieu d'avoir 10 organismes ayant chacun une liste d'envoi de 500 personnes, un seul organisme pourrait bénéficier d'une visibilité auprès de 5000 personnes avec les listes d'envois combinées. Le principe est similaire au publi-sac: au lieu d'avoir 10 magasins qui paient 10 livreurs pour livrer 10 types de circulaires, ces magasins se cotisent pour un sac commun et paient un seul livreur; bien que le service du babillard commun serait gratuit pour les organismes autochtones, ceux-ci économisent tout de même du temps et de l'effort, tout en pouvant rejoindre une plus grande quantité de gens.


Déjà, le projet est modestement amorcé avec la page Facebook suivante:



Cette page, idéalement, serait le point de départ pour développer éventuellement un site plus élaboré, une base de donnée où les événements seraient gérées selon les dates, lieux, nature des activités.

Avec suffisamment de popularité et l'appui d'organismes qui participent et parrainent le site pour lui donner une crédibilité auprès des communautés autochtones (e.g. APTN, Terres en Vues), il serait par la suite possible d'aller chercher des commanditaires pour assurer le fonctionnement du site et peut-être verser des bourses à des organismes qui se démarquent dans l'action communautaire.

Avantages d'un babillard commun de diffusion:

  1. Économies d'échelle (e.g.: plusieurs organismes se partageant les mêmes infrastructures et les coûts);
  2. Une plus grande variété pour le public visé (e.g.: un calendrier d'événements commun partagé par plusieurs organismes);
  3. Une amélioration du service auprès du public par la spécialisation des tâches (e.g.: chaque organisme peut se spécialiser selon sa vocation, au lieu de faire «un peu de tout» inégalement: certains sont bons pour faire de la promotion, d'autres pour produire du contenu, et il y a des avantages à la spécialisation);
  4. Les plus petis organismes bénéficient d'une plus grande visibilité et du prestige d'être associé avec des organismes mieux établis; 
  5. Les plus grands organismes bénéficient d'une image améliorée et d'une meilleure réputation, les deux étant le résultat de l'aide qu'ils apportent aux plus petits organismes.

Tuesday, July 12, 2011

Commerce éthique 2: La certification Janus?


Comme je l'ai abordé dans un texte précédent (La loi de l'offre et de la demande: une remise en question), un des défauts du libre marché est que, en raison du phénomène de l'asymétrie de l'information, le client ne possède pas nécessairement toutes les informations pertinentes en temps réel nécessaires pour faire un choix éclairé, comme lorsqu'on achète une voiture usagée et que le vendeur dissimule certaines faiblesses d'une voiture qui normalement réviserait le prix de la voiture à la baisse. Des fois, ce choix laisse un goût amer, comme le fait d'acheter une bière Coors aide à financer en partie le droite américaine... Parfois, ce choix n'est moralement acceptable quand il s'agit de populariser le nom d'un Nazi (comme j'ai abordé dans le texte Commerce éthique: Bannir Hugo Boss). D'autres fois, le client peut être victime de pratiques commerciales carrément frauduleuse, comme l'atteste la récente condamnation de Bell Canada pour ses facturations douteuses. S'il existe des étiquettes pour encourager l'achat de produits vendus par des entreprises qui ont des comportements éthiques, verts et équitables, il me semble qu'il devrait aussi y avoir des étiquettes servant de punition aux firmes qui ont des comportements douteux. Si la certification équitable crée de la valeur pour un produit, une étiquette de désapprobation pourrait être développée pour en enlever, ce qui créerait des incitatifs économiques pour que les entreprises se comportent de manière plus éthique.

Une façon de condamner les entreprises qui ont des comportements inaceptables pourrait passer par la création d'une «certification Janus», du nom de la divinité romaine à deux visages gardienne de la paix [1], un peu comme on met des avertissements relatifs aux allergies alimentaires sur divers produits.


Si acheter c'est voter, on devrait être capable de savoir pour qui on vote quand on fait ses achats.



Prenez par exemple le cas de la firme Unilever: d'une part, cette entreprise se démarque par une campagne publicitaire de sa filiale Dove qui réhabilite les corps des femmes «ordinaires» contre les pressions à la minceur des médias de masse, tout en s'inscrivant dans la même tendance mainstream avec sa filiale Axe et en prenant part à ses pressions en étant propriétaire des produits diètes Slim Fast.

Comment Unilever peut-elle prétendre être la solution avec Dove tout en faisant partie du problème en jouant sur les autres tableaux avec ses autres filiales? Il y a de l'hypocrisie dans tout ça, et ce n'est pas certain qu'un consommateur, quand il achète un produit, connaisse de manière exhaustive toutes les ramifications de la multinationale à laquelle il donne son dollar.


QUELQUES MARQUES D'UNILEVER:


Axe, Becel, Ben & Jerry's, Best Foods, Bertolli, Biotex, Bovril, Breyers, Brisk, Brut, Clear, Close-up, Degree, Dove, Finesse, Fudgsicle, Gallo, Hellmanm's, I can't Believe it's Not Butter, Imperial Margarine, Impulse, Klondike, Knorr, Lever 2000, Lipton, Lynx, Lux, Maille, Marmite, Nexxus, Noxzema, Pears, Q-Tips, Radox, Ragù, Salon Selectives, Suave, Sunlignt, Thermasilk, TRESemmé, Vaseline, VO5...

et encore bien d'autres!


Une certification «Janus» sur l'ensemble de tous les produits Unilever permettrait au client de savoir qu'il risque d'acheter un item chez une entreprise qui n'a pas un comportement éthique, sans à avoir à faire une étude de tous les actifs d'une firme à chaque fois qu'il fait un achat trivial.

Autre exemple, la firme Altria possédait avant la scission de 2007 plusieurs marques importantes étant très présentes dans le panier d'épicerie de la plupart des gens, comme General Foods et Kraft. Le hic, ce que Altria possédait en même temps le fabricant de cigarettes Philip Morris: si j'achetais du Kraft Dinner, j'encourageait indirectement l'industrie du tabac, parce que l'entreprise au sommet est toujours libre d'utiliser les profits à son gré pour aider les activités de n'importe qu'elle de ses filiales, comme en finançant un lobby pour défendre les publicités de cigarettes. Bien que ce n'est pas criminel en tant que tel, cette situation me cause problème quand je pense les profits extraits de l'achat de mon épicerie ont pu servir à des marchands de poison. Il aurait été plus simple d'avoir une étiquette de désapprobation, posée sur l'emballage pour avertir le client potentiel, que d'avoir à retenir la liste de produits suivants pour éviter de donner un seul sou aux activités de Philip Morris:


QUELQUES PRODUITS DE KRAFT FOODS:


Capri Sun, Cheez Whiz, Chips Ahoy!, Christie, Claussen, Cool Whip, Country Time, Cracker Barrel, General Foods International, Grey Poupon, Handi-Snacks, Jell-O, Knox, Kraft Singles, Maxwell House, Minute Rice, Miracle Whip, Nabisco, Nabob, Oreo, Oscar Mayer, Post Cereal, P'tit Québec, Premium, Shake 'n Bake, SnackWell's, Stove Top stuffing, Tang, Toblerone, Triscuit, Vegemite, Velveeta, etc.


Condamner Unilever ou Altria ne fera pas nécessairement l'unanimité et ce n'est pas précisément sur le destin de ces deux firmes problématiques que je souhaitent lancer le débat sur la manière d'accroître la transparence dans le commerce et l'imputabilité chez les entreprises fautives. Il serait plutôt question d'établir selon quels critères et selon la nature de quels gestes une entreprise pourrait être condamnée à porter l'étiquette Janus et qui imposerait ce genre de sanction (e.g.: Office de la protection du consommateur? Équiterre?).

L'autre problème, c'est que le commerce est un milieu dynamique, où fusions, acquisitions, scissions et faillites transforment quotidiennement le paysage économique. Savoir qui possède quoi au moment précis de l'achat complique un peu faire ses courses. Devrait-on trainer un exemplaire de Les Affaires en plus de la circulaire IGA quand on fait son épicerie?


On trouve de tout, sauf un ami.

Pour l'instant, la méthode basée sur l'organisation de groupes d'intérêts pour chaque cause ne fait que rajouté de l'information supplémentaire que le consommateur doit retenir: on s'y perd ! Bien que le boycott organisé par les membres des Premières Nations et leurs sympathisants contre les publicités racistes de la firme Eska, par exemple, ait donné des résultats concrets comme le désaveu et le retrait de ces publicités par l'entreprise, ainsi que des excuses données aux gens offensés, il reste que de vouloir adopter un comportement éthique en tant que consommateur nécessite parfois tellement d'informations que pour les obtenir, il faudrait en faire un emploi en temps partiel... D'où l'idée d'une étiquette unique, la certification Janus, utilisée à la fois comme avertissement aux clients et comme punition aux entreprises fautives.

Il y a aussi dans les questions posées par l'aspect éthique des achats la possibilité de ne rien faire, de ne pas s'impliquer, de se mettre des oeillières... et de se comporter en irresponsable.

En bout de ligne, ce choix entre l'inertie et l'implication chez un client, c'est celui entre être un sujet soumis bêtement à l'influence d'une autorité ou d'être un citoyen qui prend en main la destinée de sa collectivité, un achat à la fois. C'est aussi la différence entre la possibilité de vivre dans un monde subit comme un mouton et celle de vivre dans un monde compris comme un humain.

Évidemment, personne ne peut réussir tout du premier coup, ni même espérer avoir une note de 100% en commerce éthique. Mais au moins, le point de départ serait pour une personne de se demander, une fois de temps en temps dans son quotidien, où va l'argent lorsqu'il est encaissé par l'entreprise qui offre le produit.

Si en marketing, un produit est la promesse de la satisfaction d'un besoin, et que les clients parviennent à considérer davantage comme faisant parties de leurs besoins ceux de la transparence des firmes, des pratiques commerciales éthiques de celles-ci et de l'imputabilité des entreprises fautives, peut-être qu'on arrivera à long terme à améliorer dans l'ensemble notre qualité de vie. Du moins ce qui est certain, c'est que l'alternative de se croiser les bras et de jouer à l'autruche ne contribuera aucunement au mieux-être de la société.


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Image (domaine public):



Wednesday, July 6, 2011

POUR L’INTÉGRATION DES PREMIÈRES NATIONS DANS UNE APPROCHE MULTILATÉRALE DU DÉVELOPPEMENT D’UN MODÈLE INTERCULTUREL QUÉBÉCOIS

 
«On dit au Québec que le pâté chinois est un mets bien de «chez nous», alors que la plupart des ingrédients qui le composent ne le sont pas. Dans le steak-blé-d’inde-patates se cache une histoire d’échanges culturelles. D’abord, les pommes de terre proviennent d’Amérique du Sud: elles ont été ramenées en Europe par les Conquistadors espagnols en tant que rations dans les navires; de ces mêmes navires, certains ont échoués sur les côtes d’Irlande après l’invasion ratée de l’Invicible Armada en Angleterre – et ce sont les Irlandais, après le début de l’exode vers Amérique du Nord, qui ont amené la pomme de terre au Québec. Le maïs était inconnu des colons français, qui l’obtinrent en commerçant avec les Autochtones d’ici. S’il y avait du gibier au Québec, le bœuf domestique par contre est une importation française. Finalement, le ketchup qui recouvre le tout provient originalement de l’Inde – où il était à base de champignons – et fut amener ici dans les rations des troupes britanniques; les tomates qui allaient devenir l’élément clé du ketchup, elles, proviennent du Mexique.»


Sans échanges culturels, 
on ne mangerait probablement que du navet.


La différence, c’est ce qui rend la vie intéressante.


La démographie de la province du Québec connaît présentement une période de transition concernant sa composition ethnique, qui devient progressivement de plus en plus diverse. C’est une période de remise en question des valeurs prédominantes de la société, où certains Québécois dits «de souche» (connaissant un faible taux de natalité) ressentent un certain malaise, avec l’arrivée accrue des nouveaux arrivants. Certains versent dans l’utilitarisme (l’argument du «plus grand bien pour le plus grand nombre») ou dans le nativisme (l’argument «on était là les premiers!») pour légitimer l’institutionnalisation de certains éléments culturels (comme la langue française), parfois aux dépens des minorités culturelles. Les «nativistes» oublient peut-être que bien avant l’arrivée de Jacques Cartier, plusieurs collectivités étaient déjà solidement installés en ce territoire depuis des siècles. Étrange pour une province dont la devise est Je me souviens.

Malgré les nombreuses difficultés rencontrées, cette période de remise en question a contribué au développement d’un modèle de société au Québec dit interculturel, dans lequel la diversité de la population est régie par des valeurs fondamentales et une culture commune qui s’additionne aux particularités spécifiques des différentes communautés, par opposition au modèle multiculturel canadien («mosaïque des peuples»), où chaque communauté culturelle maintien indépendamment son mode de vie, en conformité avec un cadre juridique commun, tout en communicant minimalement avec le reste de la société – ce qui équivaut à vivre en vase clos et amène à long terme des dérapages comme le communautarisme en Europe et une méfiance mutuelle basée sur l’ignorance. De plus, certains associent – à tort – les échanges culturels au péril de l’assimilation: par exemple, quand les premiers Français installés au Québec ont obtenu des Amérindiens le processus de la fabrication du sirop d’érable, aucun des groupes impliqués dans l’échange interculturel n’a perdu son identité, et au aujourd’hui, la cabane à sucre est une tradition «bien québécoise», tout comme l’épluchette de maïs, la raquette, etc. En bout de ligne, les échanges interculturels bénéficient à tous. Il est donc préférable, au Québec, de bâtir sur nos ressemblances plutôt de de s’isoler les uns aux autres. Et, surtout, d’apprendre à apprécier nos différences.

Parce que le modèle interculturel est plus favorable à long terme au développement de l’harmonie sociale au Québec et à l’accroissement des échanges interculturels auxquels tous bénéficient, les Premières Nations pourraient aussi bénéficier d’une meilleure intégration sociale et économique grâce à ce modèle. Toutefois, on remarque dans la construction d’un modèle interculturel québécois une sous-représentation des préoccupations spécifiques aux Premières Nations, considérés comme étant un cas à part. Comme le rapporte le journal Le Devoir (11 juin 2008):


L’absence des valeurs autochtones

L’association Femmes autochtones du Québec est déçue de constater que le rapport de la commission Bouchard-Taylor et les chefs des partis politiques québécois ne reconnaissent pas la place de la culture, des valeurs et des langues autochtones au Québec. […] Le concept d’accommodements raisonnables ne s’applique évidemment pas aux peuples autochtones. C’est entre autres pour cette raison que les commissaires ont choisi d’écarter de leur mandat cette question. […] Cependant, lorsqu’il s’agit d’analyser l’interculturalisme, la discrimination et l’identité au sein de la société québécoise, il est essentiel de reconnaître la place des problématiques autochtones dans le débat.


Parce que je considère que les Autochtones sont au centre de mes préoccupations, j’affirme: oui à un Québec interculturel, mais à condition que les Premières Nations y trouvent une place convenable où elles peuvent survivre et prospérer. Bâtir un Québec intercuturel, c’est trouver un terrain d’entente commun, et non de fixer la culture québécoise dite «de souche» comme étant la norme à laquelle toutes les autres communautés culturelles doivent se conformer et éventuellement s’assimiler.

L’intégration des Premières Nations au projet d’un Québec interculturel est un dossier complexe, pouvant même provoquer des débats houleux. D’un côté, à titre collectif, les Premières Nations forment historiquement la société d’accueil initiale du Québec: les Québécois dits «de souche» sont des descendants des colons français – eux-mêmes des immigrants! On pourrait alors légitimer les revendications autochtones par le même principe de «nativisme» mentionné antérieurement, mais ceci rendrait stériles toutes futures discussions. À la différence des communautés culturelles issues de l’immigration, récente ou autre, les Premières Nations ne bénéficient de patrie ancestrale (homeland) à l’extérieur du Québec: les Québécois d’origine pakistanaise ou française peuvent toujours se fier à ce que le Pakistan et la France préservent respectivement leurs cultures sur d’autres continents; ce n’est pas le cas pour les Autochtones en Amérique du Nord. La culture des Abénakis est menacée d’une réelle disparition à l’échelle mondiale. L’absence d’un homeland extérieur à l’Amérique, où les Premières Nations auraient un poids démographique suffisant pour perpétuer leurs cultures, justifie leurs revendications.

De l’autre côté, les Premières Nations forment sur le plan démographique un ensemble de minorités totalisant environ 80000 de membres, alors que la province du Québec compte 7 millions d’habitants; dans une logique d’une légitimité par le bénéfice pour le plus grand nombre, les Allochtones peuvent avoir gain de cause. On peut alors se demander: qui accomode qui?

Il serait simpliste de perpétuer un modèle de discussion bilatéral, dans lequel on assume d’abord que les Premières Nations appartiennent tous à une sorte de «monoculture amérindienne» définie par la méconnaissance, les préjugés et les stéréotypes véhiculés par la majorité de descendance française du Québec et les médias de masse: il y a une diversité dans la composition des Premières Nations (11 Nations), et déjà il y existe une dynamique interculturelle dans laquelle chaque groupe est conscient d’appartenir à un ensemble collectif, sans que ceci occasionne la négation de son identité propre. Les Allocthones devraient davantage prendre cette diversité en considération. L’intégration des Premières Nations au projet interculturel du Québec devrait aussi être en continuité avec la dynamique qui prévaut en ce moment (cumulation de différentes identités), et des efforts devraient être faits pour que le projet en question ne soit pas perçu comme une tentative d’assimilation des Autochtones à la majorité.

À ceci se rajoute la question de cette majorité allocthtone avec laquelle les Premières Nations discutent du projet d’avenir du Québec. On la définie hâtivement comme un bloc homogène composé de Québécois dits «de souche» parce que ce groupe y est majoritaire; toutefois, plusieurs voix distinctes émergent quand on prend la peine d’écouter, que ce soit celles des communautés culturelles formées des immigrants nouvellement arrivés, ou clles des collectivités plus anciennement établies (e.g.: Irlandais). De ce bloc perçu initialement comme étant homogène, on voit apparaître chez les Allochtones une diversité similaire à celle des Premières Nations.

D’autre part, la majorité allochtone avec laquelle les Premières Nations discutent est aussi hâtivement définie comme un bloc homogène composé de Québécois dits «de souche» parce que ce groupe y est majoritaire; toutefois, une panoplie de voix distinctes émergent quand on prend la peine d’écouter, que ce soit celles des communautés nouvellement arrivées (e.g.: Hispanophones), ou celles plus anciennement établies (e.g.: Irlandais). En raison de cette diversité, les discussions concernant le caractère interculturel du Québec devraient par cohérence sortir des modèles dualistes (entre Autochtones et Allochtones, et entre Québécois et immigrants) pour faire place à une approche plénière et multilatérale qui met en valeur la richesse de la différence en étant davantage inclusif envers celle-ci.

À cause de cette diversité, les discussions concernant le caractère interculturel du Québec devraient par cohérence sortir de ce modèle dualiste et bilatéral qui prévaut présentement dans les relations entre Autochtones et Allochtones, pour faire place à une approche multilatérale qui met en valeur la richesse de cette diversité, tout en permettant aux Premières Nations d’échanger avec les communautés culturelles directement, sans passer par l’intermédiaire de la majorité québécoise dite «pure laine».

En somme, en raison de la complexité de la problématique abordée dans le rôle des Autochtones concernant le développement du modèle interculturel québécois, il serait souhaitable pour corriger certaines failles de la Commission Bouchard-Taylor de démarrer un processus consultatif auprès de la population de la province du Québec – un lieu de rencontres et d’échanges entre les Québécois «de souche», les Autochtones et les communautés culturelles – sur d’échanges multilatéraux qui intègrent pleinement les Premières Nations.

Commerce éthique: Bannir Hugo Boss


Au Québec, on parle de plus en plus de commerce équitable, de marques biologiques, d'ISO, de qualité totale, d'achats locaux, et d'un lot de certifications vertes et éthiques qui sont parfois difficiles à distinguer entre elles. Par contre, ce qui n'est pas difficile à retracer, ce sont les origines malhonnêtes de la marque Hugo Boss.


Fait: Hugo Ferdinand Boss (1885-1948) est devenu membre du parti nazi en 1931.

Fait: Hugo Boss a aussi produit les uniformes de la SS, ainsi que ceux des Jeunesses hitlériennes.

Fait: Hugo Boss a eu recours au travail forcé, notamment parmi les prisonniers de guerre polonais et français.

Fait: Hugo Boss s'est fait enlevé son droit de vote par l'Allemagne à la fin de la Seconde guerre mondiale.



Le fameux uniforme noir des S.S. provient d'Hugo Boss
Voyant que ce personnage est un «anti-Schindler», pourquoi encore commercialiser, honteusement, son nom? Pourquoi perpétuer la mémoire de ce vulgaire war profiteer? À quand des souliers Air Göring ou des sous-vêtements Hitler (ça ferait certainement führer...)?

La plupart des gens ne sont tout simplement pas au courant et trouve simplement le mot “Boss” donne un style quelconque, sans trop s'interroger sur le type de racaille qu'est Hugo Ferdinand Boss. Mais je ne considère pas que l'ignorance soit une excuse valide pour justifier le port de ce genre de guenille.

Pour mettre un terme à cette pratique commerciale honteuse, je suggère tout simplement de bannir la marque Hugo Boss sur le territoire québécois.


Faire autrement serait un manque de bon goût.

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Image (domaine public)

Uniforme Hugo Boss de la SS:
http://en.wikipedia.org/wiki/File:Bundesarchiv_Bild_152-11-12,_Dachau,_Konzentrationslager,_Besuch_Himmlers.jpg

Saturday, July 2, 2011

Eaux troubles: Marketing & Eau embouteillée



IMPORTANT

Je vous prie de prendre connaissance du texte suivant émis par ESKA Water relativement à sa récente campagne publicitaire.

Please take note of the following information issued by ESKA Water concerning its most recent advertising campaign.


« À la lumière des préoccupations soulevées au cours des derniers jours, ESKA met immédiatement un terme à sa plus récente campagne publicitaire. L'ensemble des publicités télévisées, imprimées et autres représentations de la campagne publicitaire, seront retirées du marché le plus rapidement possible. De plus, ESKA désire offrir ses excuses à tout ceux et celles qui auraient pu interpréter la campagne et ses images comme étant irrespectueuses. Assurément, tel n'a jamais été leur intention. Au cours des prochains jours, des représentants de l'entreprise vont rencontrer les dirigeants locaux de la communauté afin de réitérer l'engagement de ESKA à travailler en partenariat avec eux en plus de s'assurer que les prochaines campagnes publicitaires seront le reflet de la grande qualité de notre marque, mais aussi des valeurs des gens de la communauté. »


Jim Delsnyder
Président et chef de la direction
Eaux Vives Water Inc. (ESKA)


"In light of concerns that have been expressed over the past few days, ESKA Water is bringing an immediate halt to its current advertising and marketing campaign. All television, print and collateral representations of the campaign will be removed from market as quickly as possible. In addition, ESKA Water wishes to apologize to all those who may have found the campaign and its images disrespectful. Certainly, that was never our intention. In the days to come company officials will be meeting with local community leaders to reinforce ESKA’s commitment to working in partnership and to ensure that future marketing efforts reflect both the strength of our premium brand and the values of those in the community.”


Jim Delsnyder
President and CEO
Eaux Vives Water Inc. (ESKA)

INFORMATION :


Gilles Corriveau
VICE PRÉSIDENT, ENJEUX ET STRATÉGIE
g.corriveau@enigma.ca









Message originalenement paru: 


Extrait de la campagne publicitaire raciste d'Eska
Récemment l'entreprise Eska a eu la «brillante idée» de promouvoir son eau embouteillée avec une campagne publicitaire plus que douteuse, mettant en vedette trois «guerriers Eskans», une tribu sauvage imaginaire chargée de protéger depuis 8000 ans la pureté proverbiale vendue par cet entreprise, un lot d'abrutis primitifs dont on nous dit que tous les efforts ont été pris pour éviter toute ressemblance avec une population autochtone réelle. Sauf que... comme l'eau est extraite du territoire ancestral de la nation bien réelle des Anishnabés (Algonquins), l'image du sauvage arriéré utilisée par Eska et le racisme de nombreux Québécois, ceux qui sont tout aussi arriérés que leurs préjugés à l'égard des Autochtones, est facile à faire: la publicité de cette firme ne fait que renforcer 400 ans de mauvaise presse que subissent les Premières Nations, d'abord condamnés comme bourreaux des saints martyrs canadiens dans l'histoire populaire vehiculée par le clergé catholique, comme antagonistes à éliminer du chemin du Progrès dans les films Western qui forgèrent l'imaginaire collectif occidental, comme terroristes durant la crise d'Oka par les politiciens et les médias de masse, d'être qualifiés d'imbéciles par le Doc Mailloux est ses vieilles théories désuètes qui lient le Q.I. et l'hérédité (des théories que j'ai déjà dénoncé dans l'article Des colporteurs de pseudo-science), et maintenant  il ne restait qu'à être pointés du doigt par les firmes de marketing et les embouteilleurs d'eau (preuve qu'on fini par pouvoir tout privatiser, y compris la discrimation), qui non seulement exploitent les ressources, mais doivent aussi exploiter l'image des gens à qui elles appartiennent légitimement.







Je pense que l'entreprise Eska vient de verser une goutte qui fait déborder le verre.



Eska ne fait que réutiliser le blackface.
Tout d'abord, le problème de cette campagne publicitaire n'en est pas un qui est spécifique aux Premières Nations, car si on regarde attentivement les personnages présentés par les publicités d'Eska, on remarque que les personnages ne sont pas des Autochtones, mais simplement de mauvais acteurs peinturés en sauvage, exactement de la même manière que les gens de race caucasienne se maquillaient en personnages de race négroïde pour «être drôles» en agissant en imbéciles pour un public raciste blanc, une pratique maintenant largement abandonnée qu'on appelle le blackface. Dans le cas de la représentation Autochtones, on pourrait parler de «redface», si on se permet ce terme qui est à la fois un néologisme et un anglicisme, faute d'avoir une meilleure expression dans le moment immédiat.


Voici un montage extrait du film Bamboozled de Spike Lee qui montre l'utilisation du blackface dans les médias:






Maintenant, comparez le avec ce vidéo qui fait un survol rapide sur les utilisations du redface dans divers publicités racistes à travers le temps:





C'est du pareil au même.

D'autres on eu la même réaction que moi.






Les publicités d'Eska relèvent du minstrel show (un gala raciste similaire aux spectacles de variétés, avec les préjugés en «bonis») plutôt que du bon goût; de ces spectacles autrefois populaires, on retient ceci lorsqu'il est question de la représentation des Premières Nations:


"Non-black stereotypes played a significant role in minstrelsy, and although still performed in blackface, were distinguished by their lack of black dialect. American Indians before the Civil War were usually depicted as innocent symbols of the pre-industrial world or as pitiable victims whose peaceful existence had been shattered by the encroachment of the white man. However, as the United States turned its attentions West, American Indians became savage, pagan obstacles to progress. These characters were formidable scalpers to be feared, not ridiculed; any humor in such scenarios usually derived from a black character trying to act like one of the frightful savages. One sketch began with white men and American Indians enjoying a communal meal in a frontier setting. As the American Indians became intoxicated, they grew more and more antagonistic, and the army ultimately had to intervene to prevent the massacre of the whites. Even favorably presented American Indian characters usually died tragically. The message conveyed was that such people had no place in American society."


En continuité avec les minstrels shows, Eska présente les Autochtones comme étant des personnages que l'on doit craindre, des sauvages violents. Et si l'idée de présenter des sauvages n'est pas assez nulle par elle-même, on rajoute à l'insulte l'idée du slogan particulièrement médiocre: «La pureté bien protégée», surtout quand on pense d'abord spécifiquement aux différentes législations utilisées contre les Amérindiens dans les pays d'Amérique du Nord (Blood quantum laws) pour réprimer leur identité, et puis de manière générale à l'ensemble de législations liées à la préservation d'un peuple, comme les lois de Nuremberg en Allemagne, la loi de l'immigration chinoise de 1923 au Canada et les Black Codes aux États-Unis. Que personne dans l'équipe de marketing n'ait fait le lien me surprend, que la firme Eska ait donné le feu vert à la campagne publicitaire honteuse et à ce slogan raciste me dépasse, mais que les responsables de la STM et le journal Métro (pour que nommer que ceux-ci...) puissent aussi souffrir du même manque de jugement ne me suscite que du dégoût.


L'indifférence de 40% de Québécois, selon le sondage d'opinoin populaire réalisé par TVA, m'amène à me demander pourquoi, après plus de 400 ans de coexistence entre les Autochtones et les descendants de colons français, les Premières Nations du Québec et du Labrador n'arrivent toujours pas à être respectées. Si le même genre de publicité ciblait les groupes afro-américains, l'indignation des Québécois seraient plus forte, notamment parce que cette minorité bénéficie du support de la Ligue de Noirs du Québec, alors que les Autochtones ont encore tendance malheureusement à trop se laisser marcher sur les pieds, ou du moins n'ont pas encore les mêmes ressources pouvant servir à un recours juridique.

Certains diront que «c'est de l'humour», un peu comme quand on représente un Québécois vivant comme un bûcheron. Chose à noter, la différence avec l'autodérision et le genre de «blague» qu'on véhicule, c'est que dans le premier cas, le Québécois rit de lui-même, alors que dans le second, ce même Québécois utilise un rapport de forces qui est disproportionné en sa faveur pour simplement humilier l'Autochtone. Comme j'ai déjà dit dans un texte précédent (L'état de droit et la démocratie participative) à propos d'un cas de discrimination raciste que subissent les Amérindiens et les Inuits au Québec et du rôle de l'«humour» dans ce processus:


Ceci est observable notamment chez les humouristes quand on entend «j’ai du sang indien… sur mon hood de char» (une blague d’Auschwitz, tant qu’à y être?) ou «si le Québec et le Canada se sépare, qui va garder les Indiens durant la fin de semaine?» (très infantilisant comme remarque!). L’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador (APNQL) devrait initier des poursuites contre ce genre de contenu haineux, et les Québécois devraient simplement s’indigner, au lieu de rire et d’applaudir. Et les humouristes ne sont que la pointe du iceberg de la discrimination envers les Autochtones au Québec: en Côte-Nord, il y a eu le cas de distribution de propagande haineuse par un groupuscule débile se désignant comme étant les Pionniers septiliens.

Les Québécois sont parfois xénophobes à l’égard des immigrants: ils ont une intolérance envers ce qui est nouveau, différent, qui s’érode graduellement: par exemple, l’antagonisme initial des Canadiens-français et des Irlandais s’est atténué avec le temps jusqu’à ce qu’on célèbre maintenant ensemble le 17 mars autour d’une bonne pinte de Guinness («everyone is Irish on Saint Patrick’s Day»). Dans le cas de leurs relations avec les Amérindiens et les Inuits, on peut parler carrément de comportement raciste (haine envers une minorité bien connue sur une période prolongée) chez certains, une approbation tacite de la part de la majorité, et un manque d’échanges culturels.


Et il y a tout le problème de la gestion de la ressource elle-même, quand on considère que la communauté algonquine de Kitcisakik n'a pas d'accès à l'eau potable et que ces Anishnabés sont considérés des «squatters» sur leurs propres terres ancestrales par le gouvernement d'origine étrangère qu'est celui du Canada, il y a quelque chose qui ne fonctionne vraiment pas. Alors c'est de rajouter de l'insulte à l'injure quand une firme comme Eska siphonne les ressources des Algonquins et en plus les insultent via ces publicités honteuses.

Comme on souhaite que les choses changent pour le mieux, le point de départ a été la création d'une pétition en ligne dans le média social Facebook, sous la forme de la page intitulée Contre les publicités racistes d'Eska. Vous pouvez aussi porter plainte aux Normes canadienne de la publicité (NCP). Ça prend deux minutes.

Autre que le retrait immédiat des publicités par Eska et les diffuseurs, il doit aussi y avoir des excuses de la part de ceux-ci données aux Premières Nations, ainsi que des sanctions de la part des autorités vu l'aspect dégradant de cette campagne publicitaire susceptible de renforcer des préjugés envers des populations déjà discriminées. Ces sanctions devraient servir à faire un exemple de cet entreprise afin d'éviter que d'autres suivre la même idée dans l'avenir.



AUTRES CONSIDÉRATIONS

Ce genre de publicité n'est pas le seul problème de l'industrie de l'eau embouteillée, comme le rapporte le texte suivant:



Structure du prix d'une bouteille d'eau


$0.10: Bouteille
$0.10: Marketing
$0.10: Étiquette, bouchon, emballage
$0.10: Transport, main-d'oeuvre, frais généraux et eau
$0.15: Marge de profit de l'embouteilleur
$0.15: Marge de profit du distributeur
$0.20: Marge de profit du détaillant


Eau pure ou pur marketing?

Selon une étude de la British Water Companies Association (BWCA) la vente d'eau en bouteille est l'une des plus grandes escroqueries de notre temps. Le litre d'eau que le consommateur britannique paie 1$ au supermarché coûte environ 700 fois plus que l'eau de la ville et il est prouvé qu'il n'y a pas de différence de qualité entre plusieurs eaux embouteillées et l'eau du robinet.

Pis encore, l'étude montre que la probabilité est 6 fois plus grande de trouver une quantité excessive de bactéries dans une bouteille d'eau que dans l'eau du robinet.

Pour satisfaire la demande en eau embouteillée, la Grande-Bretagne importe l'eau de pays aussi lointains que le Kenya et l'Inde – pays où la population locale manque d'eau. Une nouvelle marque d'eau apparaît sur le marché tous les 10 jours, et le commerce d'eau déverse annuellement 600,000 tonnes de bouteilles en plastique dans l'environnement.

Si vous consommez en moyenne 2,5 litres d'eau par jour et l'achetez au supermarché, préparez-vous à payez 75 000 $ durant votre vie pour étancher votre soif !

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Source: The Guardian Weekly, vol. 157, n.14, 5 octobre, 1997; Inc., mars 1986

Cet extrait est retrouvé dans le livre suivant:

D'ASTOUS et Jean-Paul SALLENAVE, Le Marketing en action: De l'idée à l'action, 3e édition, éditions Marie France, 2000, p.270


Images (domaine public):


Blackface: http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Minstrel_PosterBillyVanWare_edit.jpg