Who is John Galt?
Who cares !
Ayn Rand (1905-1982) |
Pour justifier la (supposée) véracité des idées d'Ayn Rand, certains vont rappeler que dans une économie de libre-marché, l'équilibre entre l'offre et la demande est atteint en raison du principe de l'utilité: chacun de agents économiques, le vendeur et l'acheteur, essaient de maximiser leur propre gain en obtenant pour lui-même l'écart positif le plus grand, ce qui génère simultanément la quantité maximale du surplus de consommateur et du surplus du producteur (voir tableau ci-dessous); ainsi, en étant égoïste, une personne aide (théoriquement) l'ensemble de la collectivité.
Non, mais que de générosité!
Dans la réalité, le libre-marché n'est pas la solution optimale pour toutes les types de transactions, vue que la nature des biens peut provoquer des résultats qui sont contraires à la maximisation du mieux-être économique dans une société lorsqu'ils sont échangés. Plutôt que de tomber dans les clichés en opposant des arguments émotifs et une «morale d'hippie» aux principes froids et calculateurs des économistes (encore un autre cliché...) pour dénoncer d'Ayn Rand, il faut utiliser les fondements mêmes de l'économie pour éviter de comparer des pommes et des oranges, ainsi que pour constater que les partisans du néolibéralisme se trompent même dans leurs propres mensonges.
LA NATURE DES BIENS ÉCHANGÉS DANS UNE ÉCONOMIE
Au lieu de puiser dans le Manifeste du parti communiste (Marx) des arguments pour réfuter Ayn Rand, on peut simplement consulter Principes de microéconomie (Mankiw et Pépin) et se rendre compte que les biens et les services dans une économie capitaliste peuvent être classifiés selon 2 critères:
- l'exclusion d'usage;
- la rivalité d'usage.
Par exclusion d'usage, on entend la possibilité d'exclure un consommateur des bénéfices provenant d'un bien. Par exemple, pour un feu d'artifice, on ne peut pratiquer l'exclusion d'usage vu qu'il est visible par tous; par contre, pour ce qui est le cas d'une barre de chocolat, achetée par une personne, on peut exercer une exclusion d'usage en choisissant d'en donner (ou non) à son voisin.
Par rivalité d'usage, on entend que chaque consommateur supplémentaire diminue la quantité de biens pour les autres. Chaque morceau de la barre de chocolat donné à un voisin diminue la part de celui qui en a fait l'achat: il y a rivalité d'usage. Cependant, dans le cas du feu d'artifice, il peut être vu par un spectateur supplémentaire sans que le bénéfice des autres spectateurs soit réduit.
ONE SIZE DOES NOT FIT ALL.
En fonction de la nature de biens échangés, les marchés devraient être constitués selon une approche contingente plutôt que l'application mur-à-mur d'une formule unique, tel le libre-marché. Comme on le constate avec le tableau ci-haut, il existe quatre catégories de biens et services pouvant être échangés selon les critères de la rivalité d'usage et de l'exclusion d'usage:
Les biens privés (exclusion d'usage et rivalité d'usage)
Avec les biens privés, «l'égoïsme éthique» ne tient pas compte du problème des externalités, quelles soient positives (e.g.: retombées technologiques dues à la recherche et au développement d'une firme à laquelle on accorde un brevet, une forme raisonnable de monopole, tout comme le sont les droits d'auteurs) ou négatives (e.g.: pollution d'une usine, qui cause des effets sur des gens qui ne sont ni les acheteurs, ni les vendeurs). Ces externalités peuvent provenir des activités de production de la firme (l'exemple de la pollution), mais aussi du consommateur (e.g.: la consommation d'alcool apporte des coûts sociaux en matière de sécurité publique pour lesquels les acheteurs de bière ne paient pas le plein prix et refilent la facture à l'ensemble de la société). Même si en théorie le libre-marché est idéal pour les biens privés et que l'utilité permet de maximiser le surplus total, en pratique le phénomène des externalités cause des problèmes qui nécessitent d'être réglés par l'État, d'abord en légiférant pour le bien des firmes (pour les brevets) et pour le bien de la société (pour la pollution), et en applicant des mesures fiscales qui servent d'incitatifs, que ce soit en offrant des déductions fiscales pour les dépenses d'une entreprise en recherche et développement (une façon de subventionner passivement, sans que le gouvernement dépense un sous) ou en imposant la pollution via une taxe sur le carbone (la logique est simple: on taxe ce qu'on ne veut pas et on subventionne ce qu'on veut).
Le monopole naturel (exclusion d'usage sans rivalité d'usage)
Si la concurrence aide le libre-marché à atteindre l'équilibre lorsqu'il s'agit des biens privés, ce n'est pas le cas pour tous les autres biens et services qui sont échangés. À titre d'exemple, on constate pour l'acheminement de l'électricité, du gaz naturel, de l'eau potable et de la cablo-distribution (monopole naturel) que la concurrence n'est pas utile, parce que chaque firme supplémentaire augmente les coûts de tous étant donné toute l'infrastructure additionnelle qu'on doit mettre en place pour servir un réseau de clients en parallèle au premier circuit déjà en place; dans ce genre de situation, une seule entreprise fait un meilleur travail que 10 qui enchevêtrent chacunes leurs réseaux de lignes à haute tension (dans le cas de l'électricité) comme une cacophonique toile d'araîgnée.
Si le monopole occasionne une défaillance (market failure) qu'est le pouvoir de marché, il demeure que certains services comme l'électricité sont essentiels. Pour équilibrer cette défaillance, la population doit avoir la mainmise sur ce secteur (via la nationalisation) pour protéger ses intérêts afin d'éviter de devenir un marché captif d'une firme privée ayant des pratiques douteuses, comme ce fut le cas pour les clients de Enron. Par contre dans d'autres situations, un monopole naturel comme l'est une équipe d'hockey dans une ville de taille modeste est une activité non-essentielle à la société parce que les dollars dépensés en divertissement par le population seront simplement redistribuer ailleurs en son absence (e.g.: restos, cinéma, etc.); dans un tel cas, l'équipe devrait être entièrement financée par le privé, tout comme son colisée, et le monopole exercé par une firme privée est parfaitement acceptable: laissons le marché décider. Bref, il s'agit de savoir appliquer l'approche contingente et d'avoir simplement des priorités.
- Les biens privés
- Les monopoles naturels
- Les ressources communes
- Les biens publics
Les biens privés (exclusion d'usage et rivalité d'usage)
Il faut tenir compte des externalités. |
Le monopole naturel (exclusion d'usage sans rivalité d'usage)
Certains monopoles sont efficients. |
Si le monopole occasionne une défaillance (market failure) qu'est le pouvoir de marché, il demeure que certains services comme l'électricité sont essentiels. Pour équilibrer cette défaillance, la population doit avoir la mainmise sur ce secteur (via la nationalisation) pour protéger ses intérêts afin d'éviter de devenir un marché captif d'une firme privée ayant des pratiques douteuses, comme ce fut le cas pour les clients de Enron. Par contre dans d'autres situations, un monopole naturel comme l'est une équipe d'hockey dans une ville de taille modeste est une activité non-essentielle à la société parce que les dollars dépensés en divertissement par le population seront simplement redistribuer ailleurs en son absence (e.g.: restos, cinéma, etc.); dans un tel cas, l'équipe devrait être entièrement financée par le privé, tout comme son colisée, et le monopole exercé par une firme privée est parfaitement acceptable: laissons le marché décider. Bref, il s'agit de savoir appliquer l'approche contingente et d'avoir simplement des priorités.
Les ressources communes (rivalité d'usage sans exclusion d'usage)
Il faut planifier à long terme. |
Les biens publics (sans exclusion d'usage et sans rivalité d'usage)
Échec de la méthode «utilisateur-payeur» |
CONCLUSION
L'idée d'Ayn Rand que chacun ne devrait veiller qu'à ses propres intérêts ne fonctionne pas puisque la totalité des biens échangés sur les marchés ne sont pas des biens privés et que même ceux-ci occasionnent défaillances de marché par le biais des externalités. Une fois qu'on constate que mécaniquement l'«égoïsme éthique» ne tient pas la route, on peut se permettre de rejeter émotionnellement le restant de la philosophie d'Ayn Rand comme étant immorale et constater que ces idées ne servent qu'à édulcorer les valeurs douteuses de gens «cheaps» et irresponsables. En bout de ligne, il faut éviter d'appliquer universellement une seule méthode et plutôt aborder chaque situation selon l'approche contingente. Afin d'éviter que cette approche finisse par signifier «faire n'importe quoi, n'importe comment», on doit l'encadrer de certaines balises comme les valeurs qu'une société souhaite consensuellement promouvoir, ainsi que les contraintes de base que sont les préoccupations humanitaires et environnementales, plus importantes que le simple égoïsme.
"...And folks, I think I can speak for everyone out there advocating following the advice of a 50 year old novel, set in an America that never existed; that when millions are losing jobs, losing homes, and losing hope; There's nothing more... important than putting yourself FIRST.
...and that's the Word:
Rand Illusion"
Stephen Colbert, The Colbert Report
Une critique additionnelle d'Ayn Rand est disponible au site suivant:
THE VICE OF SELFISHNESS: A critique of Ayn Rand’s Objectivism
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Surplus du consommateur http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Economic-surpluses_fr.svg
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