Wednesday, September 5, 2012

Élections 2012 au Québec


Inutile de dire que hier soir, comme je m'y attendais, j'ai perdu mes élections. Loin de moi l'idée d'appuyer un gouvernement libéral majoritaire avec Frisou à sa tête, encore pour un quatrième mandat. Il était temps que les choses changent, et c'est pour ça que j'ai donné mon appui à Jean-Martin Aussant et Option Nationale plutôt que voter pour la stagnation qu'est l'alternance entre le bleu et le rouge dans ce duopole qu'est la politique provinciale québécoise. Je ne le dirai jamais assez, mais pour que chaque vote compte, et pour éviter les vicissitudes du gerrymandering (découpage douteux des comtés pour avantager le parti qui est pouvoir). Toutes sortes de chroniqueurs émettent déjà depuis hier soir des opinions à qualité variable, mais plutôt que de laisser aux trois consortiums médiatiques ce que je dois penser, je vais poser moi-même cette réflexion sur les élections.


Une défaite salutaire pour les libéraux



Sans aucun doute, Jean Charest est le grand perdant de la soirée. Ivre de pouvoir, pour lui le quatrième mandat aura été comme la bière de trop dans une fête un peu trop arrosée: ça n'a pas passé. Les gens ont voter massivement pour le Parti Québécois, malgré que le comté du premier ministre sortant (ça fait du bien de l'écrire!) soit entouré d'une mer de circonscriptions rouges. Cassé! Mais bon, même si les poubelles sont sorties, il reste la question du renouvellement du Parti Libéral du Québec. Comme j'ai dit dans un texte précédent, Jean Charest, c'est le Raspoutine de son parti: enlever le bouc-émissaire qu'il est, et on voit rapidement que ça cloche au PLQ. Bien que ce soit un parti de centre-droite et fédéraliste, souvent historiquement impliqué dans des magouilles, que ce soit celles de l'époque de Taschereau ou de Godbout, et sous l'influence de la famille Desmarais, il faut tout de même admettre que ce parti n'est pas l'autre droite, plus radicale et extrémiste, que défendent Richard Martineau, Éric Duhaime et les autres jambons. La droite guidoune du Parti Libéral du Québec est tout de même préférable aux extrêmistes, comme le Parti Conservateur du Québec. Et le PLQ, c'est aussi l'ancien parti de Jean Lesage et celui de René Lévesque. Je pense que dans les dernières décennies, par peur du vote souverainiste et un peu par opportunisme, les libéraux se sont choisi de l'extérieur un chef connu, populaire, qui peut gagner des élections, plutôt que d'en produire un au sein de leurs rangs. Comme le monstre de Frankenstein, le PLQ s'est greffé une tête dirigeante. Le résultat aura été celui d'une créature bien forte, comme l'atteste 3 mandats consécutifs, mais un peu hors de contrôle. L'ancien premier ministre Charest, issu du parti progressiste conservateur, n'était pas un libéral proprement dit, et il a fait dévié son parti vers le néolibéralisme et des politiques par moments carrément fascistes. Il doit y avoir chez les libéraux une sérieuse période de remise en question pour que le parti retrouve ses anciennes racines, celle d'un mouvement politique de droite qui prône la liberté individuelle et l'entrepreneuriat, mais qui l'équilibre aussi avec les besoins collectifs, notamment en prenant des mesures comme la nationalisation de l'électricité. La défaite de Jean Charest est une victoire non seulement pour le peuple, mais c'est l'occasion rêvée pour que les libéraux puissent enfin faire le ménage dans leurs propres rangs et proposer au Québec un vrai projet de société, qu'on soit d'accord avec celui-ci ou non, plutôt que de vendre à rabais le bien commun et paupériser sa propre population.



La vague Fruit Loops n'aura pas lieu


Jeune parti aux vieilles idées, la Coalition Avenir Québec (CAQ) n'aura pas réussit à s'imposer comme celui du changement auprès des Québécois. L'horrible logo n'a pas rayonné comme kaléidoscope à travers toute la province. La CAQ n'a pas formé l'opposition officielle comme l'ADQ avait réussit en 2007, mais malheureusement se trouve beaucoup plus avantagé même avec moins de députés parce que ce parti détient la balance du pouvoir. Pour des raisons pragmatiques de financement de campagne électorale, bien que la CAQ prétend qu'elle ne fera pas coalition avec le nouveau gouvernement péquiste, ce qui est curieux pour un parti qui s'appelle coalition, il y aura une dose de realpolitik dans les relations entre le deuxième parti d'opposition et le PQ. Évidemment, quand la CAQ est le fruit d'un ego trip d'un ancien péquiste frustré et que la première ministre était sa rivale, on peut s'attendre à ce que le ton hausse une fois de temps en temps. Il y aurait aussi possibilité d'une autre coalition, celle des caquistes et des libéraux, mais à l'heure actuelle le PLQ n'a pas de chef élu à l'Assemblée Nationale, donc ne peut offrir aucun remplacement pour Pauline Marois (et les libéraux n'accepteront pas Legault comme premier ministre).

Le but de la CAQ dans le prochain mandat est de prouver qu'il n'est pas la saveur du mois, que ce parti est là pour rester, qu'il représente une réelle option politique pour l'électorat qui penche à droite, qu'il peut faire ce que l'ancienne ADQ visait. Comme le parti n'est que le produit d'un marketing douteux, créé par une approche top-down et non constitué à partir de la base par le peuple lui-même, il faudra temps et efforts pour que de vrais militants remplacent ceux qui ont eu des cartes de membres gratuites (parmi lesquels figurent deux chats). Ce parti n'est que le fruit de l'opportunisme, je souhaite que la CAQ échoue, que l'amateurisme de l'organisation apparaissent au grand jour, que l'électorat se désintéresse de François Legault et que la CAQ soit reléguée au rang de curiosité historique, au même titre que l'ADQ et le Crédit Social. Dans les prochaines années, faute du scrutin actuel, un grand bal entre le PQ et le PLQ sera orchestré pour que chacun de ses partis traditionnels puissent récupérer une bonne partie de l'électorat de la CAQ, alors que les troupes de François Legault devront constamment louvoyer entre les deux.


Deux, c'est mieux


Pour la plupart des partis, finir la soirée avec deux députés élus serait synonyme de débâcle, alors que pour Québec Solidaire, se fut ressenti comme un triomphe. QS est un parti peu connu, pour lesquels les gens ne votent pas, et parce que peu de gens votent pour ce parti, il n'est pas très présents dans les médias... ce qui forme un cercle vicieux. Pour percer le mur de l'impasse, il faut se faire connaître, avoir des représentants à l'Assemblée Nationale. Et c'est certain que deux, c'est peu, mais pour eux, c'est double. Françoise David a bien sûr bénéficié d'un certain effet suite à son passage au débat des chefs, et j'espère qu'elle maximisera dans le prochain mandat sa visibilité accrue. Québec Solidaire pourra enfin montrer qu'il est autre chose que Amir Khadir. Je suis tout de même un peu déçu que le parti n'a pas réussit à aller chercher suffisamment de votes pour détenir la balance du pouvoir auprès du Parti Québécois et que les efforts de Manon Massé n'ont pas été récompensés.


Le nouveau gouvernement



Je ne ferai pas de 180 degrés en disant que j'apprécie maintenant le nouveau gouvernement péquiste et sa reine, Pauline Ière. Mais il faut regarder certains éléments positifs: le plafond de verre dont sont victimes les femmes vient d'être soulever un peu avec l'arrivée du première femme à la tête du Québec. Dorénavant, le poste le plus élevé du gouvernement provincial est accessible aux incompétents autant qu'aux incompétentes, la société québécois ayant surmonté ses vieux préjugés sexistes. Je n'aime pas Pauline Marois, je crois qu'elle est opportuniste, qu'elle manque de vision et de constance dans ses convictions, mais j'avoue que j'ai quand même un certain plaisir de voir que son gouvernement ait chassé les libéraux après 3 mandats de corruption et conservatisme déguisé.

Je suis aussi très déçu de la fin de la soirée électorale, où un anglophone a commis l'impensable en devenant un terroriste: qu'on déteste Jean Charest ou Pauline Marois, ça va, mais l'assassinat politique en démocratie est complètement inacceptable, tout comme l'est le terrorisme. Certains auront dit que la faute revient à Pauline Marois, qu'elle a fait du wedge politics pour attiser la haine, mais je trouve ce genre de commentaire complètement idiot. Au mieux, ça revient à l'enfantillage de "c'est elle qui a commencé", au pire, c'est comme si on déresponsabilisait un violeur et comme blâmait sa victime.

Autre geste inacceptable et irresponsable, c'est celui de la désinformation comme on le voit dans l'extrait suivant:




Il y a tout de même de limites à mentir aux gens, d'accuser sans fondements le mouvement étudiant. Lapierre et Dumont, deux morons. TVA sombre toujours plus bas comme organe de propagande de la droite. Le réseau devrait être poursuivi pour diffamation.

Mais bon, comme j'aurai la possibilité de critiquer le gouvernement péquiste pendant les prochaines années, je préfère conclure sur une note positive en saluant Pauline, l'humaine, en espérant qu'elle puisse se remettre rapidement de la pire soirée de sa vie, qui fut paradoxalement la meilleure. Mais surtout, je veux souligner que le héros Denis Blanchette, 48 ans, a laissé sa vie pour empêcher que le 4 devienne un deuxième jour de tragédie en septembre.


Le départ


Pour terminer, je suis un peu déçu de la performance d'Option Nationale, qui peut être expliquée en partie par l'origine récente du parti et son absence de visibilité dans le débat des chefs. Aussi, la promotion du parti est difficile quand la souveraineté est le projet de deux autres partis (bien qu'ils ne s'engagent autant). J'étais réaliste, tout de même, et je ne m'attendais pas à des résultats fulgurants. Tout de même, l'absence de Jean-Martin Aussant à l'Assemblée Nationale laisse un grand vide. Mais je reste optimiste. Il faut prendre du mot départ un autre sens que celui d'abandonner, de quitter: ce mot signifie aussi commencement, le début d'un parcours. Option Nationale a terminé le premier kilomètre de son marathon et la route est encore longue avant de crier victoire. Présentement, bien que la force du parti est son talent avec le nouveau mode de campagne 2.0 (alors que les autres partis sont absents, versent dans la tendance d'il y a 3 mois ou font des "tweeds"), les vieilles méthodes et les médias conventionnels fonctionnent encore très bien et les vieux partis savent en tirer profit. Mais à long terme, la société se transforme, des jeunes deviennent de nouveaux électeurs alors que les aînés apprennent de plus en plus à utiliser l'internet. Si un caillou (celui qu'on a enlevé de son soulier...) placé début d'un ruisseau pour changer le cours d'un fleuve, les réseaux constitués par Option Nationale maintenant seront utiles à mesure que le web prendra de plus en plus de place.    


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Bref, on a un gouvernement péquiste minoritaire pour encore 6 mois, le prochain budget va pencher davantage à droite, le PLQ est à refaire, François David commence à faire sa place, et les jours de la CAQ sont peut-être comptés.