Monday, May 23, 2011

Nemo me impune lacessit

Gadsen Flag
Je ne suis pas devenu membre du Tea Party de Sarah Palin et de Glenn Beck, ni de sa version bas de gamme québécoise qu'est le Réseau «Libarté» Québec avec son «monstre à deux têtes», Duhaime et Marcotte. Que dieu (ou une autre entité imaginaire de votre choix) m'en préserve! Par contre, ce que je remarque depuis quelques années, c'est qu'on subverti continuellement des symboles historiques, on les dénature, on les vide de leurs sens, jusqu'à ce que ceux-ci finissent par signifier exactement le contraire de ce qu'ils étaitent supposés représenter.


Le virage à 180 degrés du Gadsen Flag

Concept initial de Franklin
Prenons l'exemple du Gadsen Flag (drapeau de Gadsen), symbole du mouvement ultra-conservateur du Tea Party, qui s'auto-proclame libertarien. Originalement conçu par le colonel Christopher Gadsen en 1775 (d'après une idée de Benjamin Franklin), ce drapeau se voulait un symbole de ralliement pour les intérêts continentaux (les Treize colonies n'étant pas encore conscientes d'être des Américains comme on l'envisage aujourd'hui) contre ceux de la métropole anglaise, dont le parlement et la couronne étaient largement influencés par la grande multinationale de l'époque, la Compagnie des Indes Orientales (East India Company). Un des symboles de la Révolution américaine, le Gadsen Flag sera intimement lié à la lutte des Continentaux contre l'arbitraire de l'État, contrôlé par le parlement britannique, auxquels les colonies ne peuvent envoyer de réprensentants élus, et par le dément George III. Chose intéressante, le camp insurgé se désignait lui-même comme étant des Patriotes, des Whigs (libéraux) ou bien des Révolutionnaires, alors qu'ils étaient opposés par d'autres coloniaux portant l'appellation de Loyalistes ou de Tories (conservateurs). Dans la même lignée, le Boston Tea Party était une révolte patriote contre la Couronne britannique, le parlement métropolitiain et les intérêts de la East India Company, une multinationale qui tire les ficelles. 200 ans plus tard, ces symboles se retrouvent complètement dénaturés: les protestaires sont des conservateurs plutôt que des libéraux (en fait, les libéraux et progressistes servent de boucs-émissaires), ils luttent contre le gouvernement élu par leur propre concitoyens, le tout pour servir les nouvelles incarnations de la East India Company, que ce soit Koch industries, Halliburton ou Carlyle Group. C'est le monde à l'envers. Le concept du Gadsen Flag et du Boston Tea Party ont été complètement pervertis par l'Establishment, qui les utilise comme «corde sensible» pour rallier les larbins qui les servent et duper les gens qui comprennent le poids de ces symboles, sans complètement en saisir l'essence.

Liberté?


Mais ce n'est pas tout: le Tea Party fait des petits au Québec. On a eu le droit au Réseau Liberté-Québec, un mouvement astroturf qui par la magie de la schizophrénie compte 800 membres, mais l'appui de 4000 comptes Facebook. Sachant que les Québécois sont à la fois tièdes à l'égard d'un patriotisme canadien, et voulant éviter les symboles souverainistes, ce groupe s'est approprié le mot «liberté», un peu comme une autre clique avant eux avaient tenté de monopoliser le terme «lucide»(de la démagogie permettant de discréditer tout opposant qui se proclamerait «anti-lucide» aux yeux d'un auditeur peu informé). Mais bon, je donne déjà assez de publicité à ce groupe, qui n'attire à ses sommets que 400 personnes, ce qui  est moins que la plupart des bals de finissants... Se pourrait-il que certains médias offrent à ce groupe une tribune largement disproportionnée, qu'on nous offre une information biaisée? Qu'à force de marteler le même message aux personnes prises dans la «bulle Québécor», que les gens finisse par acquiescer que le RLQ est un réel mouvement d'envergure, devenant un «fait social» au même titre que la sorcellerie ou la religion (c'est la même chose...) quand une masse significative de gens hystériques y croient? Le bout de la m... est que dans ce réseau, on retrouve un monarchiste chrétien, Roy Eappen, qui défend les intérêts des héritiers de George III, ce qui est finalement tout le contraire de ce que voulait faire le Boston Tea Party.


Les échos de Jericho


Allied States of America (série Jerich
C'est en écoutant en rafale l'excellente (et trop courte...) série télévisée Jericho que j'ai compris un peu mieux ce qui se passe. Évidemment, je ne suis pas devenu adepte des théories du complot (conspiracy theory): il n'est pas nécessaire qu'une cabale d'Illuminati dirige secrètement le monde quand les mécanismes économiques (mis en place parce qu'ils étaient les plus simples à conceptualiser, bien que souvent défaillants) peuvent créer d'eux-mêmes des milliers de gammicks, de cartels et d'intérêts convergents. Et les 23 attentats nucléaires perpétré dans cette série par un groupe terroriste commandité relèvent (espérons-le) complètement de la fiction, tout comme le scénario selon lequel les États-Unis deviennent une dystopie dans laquelle l'Amérique est divisée entre ce qui reste de l'ancien gouvernement (centré autour de la ville Columbus en Ohio), la nouvelle république du Texas et le gouvernement auto-proclamé des Allied States of America (dont la capitale est Cheyenne, Wyoming), largement influencée, voire carrément infiltré, par la  firme multinationale (fictive) Jennings & Rall. Néanmoins, dans la série Jericho, un élément qui ressort lors de l'épisode final est une discussion entre le protagoniste Jake Green et son grand-père, qui lui fait un bilan de ce qui est en train de se produire, c'est-à-dire une prise 2 de la Révolution américaine: une partie de l'Amérique est sous le joug d'un gouvernement autoritaire que sont les ASA (les «Britanniques»), que ce gouvernement est largement influencé par les intérêts de la firme Jennings & Rall (la «East India Company») et de sa filiale de contractants militaires Ravenwood (les «mercenaires hessiens»). Maintenant, si on change le nom de Jennings & Rall pour Halliburton, celui de Ravenwood par Blackwater Worldwide / Xe, on obtient de cette série un portrait des États-Unis qui, bien caricatural, est inquiétant.


La pieuvre


Si on retourne au Québec et qu'on sort du cadre de la fiction post-apocalyptique exagérée, on remarque la situation suivante: l'influence tentaculaire de firmes comme Power Corporation  (dénoncée récemment par Québec Leaks) et Québécor au sein du gouvernement québécois, un peu comme Jennings & Rall tire les ficelles de celui des ASA. Ça rappelle  aussi la Clique du Château et le Family Compact.  Certes, les syndicats ont une influence dans cette province, mais elle est moindre comparée à  ce qu'on peut appeler collectivement pieuvre ou Establishment, à laquelle se rallient, ouvertement ou non d'autres groupes, comme l'IEDM et le RLQ, des partis politiques comme l'ADQ et le Parti Conservateur du Canada, mais aussi des éléments des autres partis politiques déjà bien établis. Mais plutôt que de ratisser large et de parler d'une «cabale» qui dirige le gouvernement Charest depuis les coulisses et de verser hâtivement dans le conspiracy theory, on devrait simplement d'intérêts convergents.  Un exemple de cette convergence d'intérêts des plus nantis est le débat actuel concernant la construction d'un colisée à Québec, destiné à accueillir une équipe d'hockey imaginaire et à enrichir PKP de Québecor alors que depuis des années, on appelle le public à consentir à des mesures d'austérité et d'accepter le principe «utilisateur-payeur», notamment dans des domaines cruciaux comme la santé et l'éducation, on trouve tout de même les moyens de financer un éléphant blanc dans la ville de Québec avec l'argent des contribuables, sans processus consultatif auprès de la population.


«Qu’est-ce qu’ils disent déjà les Américain? Ah oui: no taxation without representation. C’est un principe inaliénable aux États-Unis. À Québec, c’est plutôt: paye tes taxes pis ferme ta gueule.» 

Vincent Marissal, Les Empereurs de Québec



Comme le souligne Vincent Marissal dans son article, on est en train de passer sous silence toute tentative de contester le projet, question de faire passer les intérêts de Gary Bettman  et de Pierre-Karl Péladeau,  des gens qui ne sont pas élus, avant ceux de la population.

Revenons à Jericho. Revenons à la Révolution américaine. Québecor, c'est Jennings & Rall, c'est le East India Company. L'arbitraire de l'Assemblée nationale, c'est celui des ASA, du parlement britannique. Le Réseau Larbin du Québec regroupe l'équivalent de ce que sont les Tories et Loyalistes au sein des Treize colonies durant la Révolution américaine, et ceux qui les opposent sont les Patriotes qui veulent émanciper l'ensemble de la population, promouvoir des idées progressistes, certaines aussi «radicales» que le gouvernement devrait représenter les intérêts de la population qui exerce un droit de vote, que les institutions publiques devraient être laïques, ce qui sous-entend clairement que le christianisme ne devrait pas y avoir de statut privilégié.


«Bas les pattes!»


Et maintenant pour le Gadsen Flag...

Je le reprend des mains de ceux qui ont trahi sa signification.


Je lui redonne son sens original, celui de la défense d'une population du continent de l'Amérique du Nord contre les ambitions combinées d'une monarchie britannique malsaine, d'un parlement bidon et des intérêts financiers qui tirent les ficelles.

Je reprend le Boston Tea Party des mains de ceux qui servent maintenant les intérêts des nouvelles incarnations du East India Company.

Je reprend le mot liberté des réactionnaires larbins qui l'étouffent en clamant la promouvoir.

Au Québec et aux États-Unis, nous connaissons les mêmes luttes pour faire avancer la société, émanciper la population et promouvoir des valeurs progressistes. Tous deux nous avons des Patriotes qui ont combattu l'arbitraire de l'Establishment.


Reste à finir le travail.
Qu'on se débarrasse des héritiers de Victoria.
Qu'on fasse du Québec une république.

En attendant, bonne journée des Patriotes!




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Images (domaine public)

Gadsen flag: http://en.wikipedia.org/wiki/File:Gadsden_flag.svg
Join, or die: http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Benjamin_Franklin_-_Join_or_Die.jpg
Drapeau des Allied States of America (ASA) de la série Jericho:  http://www.realody.com/
Pieuvre: http://fonzibrain.wordpress.com/2010/01/
Drapeau des Patriotes:
http://en.wikipedia.org/wiki/File:Flag_of_the_Patriote_movement_%28Lower_Canada%29.svg