Au Québec, dans le débat actuel qui concerne la soi-disant des
charte des valeurs «québécoise», on est plutôt dans l'émotion que dans
la raison. D'un côté, on veut restreindre le port de symboles religieux
au sein de la fonction publique et des organismes para-gouvernementaux
(comme les écoles et les hôpitaux, bien que le Québec ait connu une
longue histoire d'enseignantes et d'infirmières issues des congrégations
religieuses qui portaient, en tant que soeurs et mères supérieures, un
voile assez similaire au hidjab), de l'autre, on conserve le crucifix à
l'Assemblée nationale sur une base supposée patrimoniale. Le crucifix
est «culturel» dira-t-on, mais quelle partie de cette culture québécoise
représente-t-elle? La partie religieuse. Donc, le crucifix est un
symbole religieux que l'on doit retirer si la charte doit avoir la
moindre légitimité, sinon, elle est une façon déguisée d'imposer le
catholicisme comme religion d'État tout en ciblant les autres religions
sous le couvert douteux d'une «laïcité» qui n'en est pas une.
Pour
ce qui est de la conservation du patrimoine, je veux bien. Par exemple,
l'église Saint-Nom-de-Jésus dans Hochelaga-Maisonneuve a été construite
par des paroissiens québécois et possède un orgue Casavant d'une grand
valeur historique: le gouvernement devrait s'assurer de l'intégrité de
ce site pour des valeurs architecturales et patrimoniales, bien que
l'édifice soit religieux. Il y a une valeur muséale au site. Le crucifix
de l'Assemblée nationale, imposé par Duplessis comme pied-de-nez à la
séparation de l'Église et de l'État en France en 1905, a toute de même
une valeur historique et sa place est dans un musée... ou dans une église.
Mais
en ce qui concerne la continuité de cet héritage historique, faut-il
rappeler que l'Église catholique a traditionnellement jouer le même rôle
en Nouvelle-France que celui qu'on reproche aujourd'hui aux imams:
celui de carcan de la femme. Bien que les gens sont conscients que le
voile n'est pas étranger à la culture québécoise dû à la forte présence
de congrégations religieuses (Montréal a été fondée par une curieuse
alliance de fanatiques religieux et de marchands de fourrures, sans
oublier les nombreux groupes religieux catholiques ont immigré au Québec
après 1789), souvent ceux-ci se disent que c'était l'uniforme des
religieuses appartenant à des organismes, alors que les musulmanes le
porte sur une base individuelle sans lien avec une congrégation. Or,
dans notre passé, le port du voile était généralisé à l'ensemble
population féminine. Ce cours extrait dresse un portrait de nos antécédents moralistes au Québec:
«
On ne s'étonne plus ensuite que cette société vive dans une atmosphère
de morale rigoureuse. Sans en être le créateur (puisqu'elle a cours en
l'Europe de son temps), le théoricien de cette morale est l'évêque
Saint-Vallier, à la charnière des XVIIe et XVIIIe siècles, et son
système de pensée va se prolonger par son Rituel et par son Catéchisme, jusqu'à l'époque de mes parents.
Morale
qui régit tout le champ de la vie. Y compris d'abord la toilette, celle
évidemment de la femme. On voit vos cheveux à l'église, madame, et ils
sont frisés? écoutez l'évêque qui dénonce chez vous en 1682 et 1686 « la
tête découverte, ou qui n'est couverte que de coiffes transparentes, et les cheveux frisés d'une manière indigne d'une
personne chrétienne ». Mais, écrit-il encore, ce qui « nous perce l'âme
de douleur », ce sont, dans l'église, ces « nudités scandaleuses de
bras, d'épaules et de gorges, se contentant de les couvrir de toile
transparente qui ne sert qu'à donner plus de lustre à ces nudités
honteuses », « dont la vue fait périr une infinité de personnes, qui
trouvent malheureusement dans ces objets scandaleux la cause de leurs
péchés et leur damnation éternelle. »
Marcel Trudel, Mythes et réalités dans l'histoire du Québec, p.303-304
Je
me demande finalement d'où vient tout ce côté émotif concernant le port du
voile: est-ce qu'il s'agit d'une façon pour une collectivité, dans ce
cas-ci québécoise, de résister à l'influence étrangère (musulmane dans
la circonstance) ou est-ce un refus de voir une certaine part des
ténébres au sein de cette collectivité québécoise, le hidjab renvoyant à une partie
beaucoup moins reluisante de notre passé?