Depuis
quelques années, de nombreuses émissions sur la cuisine prolifèrent
sur les ondes. Les gens aiment ça les recettes (et c'est le genre de
contenu qui est peu dispendieux à produire pour les diffuseurs, qui
connaissent une baisse de revenus publicitaires depuis l'avènement
de l'internet). Ce qui est bien avec les recettes, c'est qu'on une
variété de solutions pour répondre à une simple question:
qu'est-ce qu'on mange? De plus, si on va puiser dans les autres
cultures, on augmente la taille de l'éventail de nos possibilités.
C'est merveilleux. Si les recettes fonctionnent bien dans le monde
culinaire, par contre dans le domaine de la gestion elles peuvent
être contre-productives. Pour répondre à la question «Comment
assure-t-on une meilleure formation continue des employés?», on
peut, par émerveillement naïf, vouloir copier les modèles de
sociétés qu'on juge comme ayant du succès: on discute du modèle
japonais, suédois ou allemand, on cherche à imposer à une
entreprise la «recette gagnante» comme le Dual
System ou le
kaïzen et
on s'attend aux mêmes résultats, sans tenir compte des contextes
particuliers qui ont à la fois permis à ces modèles d'émerger et
de connaître le succès qu'on cherche tant. Un élément important
du contexte dans lequel le modèle d'un pays émerge est sa culture.
Par culture (dans son
sens large), on peut entendre implicitement quatre fonctions: la
définition de règles de conduites précises, la définition des
critères de réussites, la définition des façons d'interpréter
son environnement et l'accumulation
des modes de résolution de problèmes récurrents [2]. La façon qu'on apprête un déjeuner et celle qu'on produit des
biens et services sont soumises aux influences culturelles:
l'entreprise, comme le déjeuner, aura une saveur locale, parce que
les ingrédients et le personnel retrouvés sur place ne sont jamais
exactement les mêmes. L'entreprise québécoise ne correspond pas à
un modèle universel de firme et les solutions trouvées ailleurs ne
se greffent peut-être pas aussi facilement dans le système
québécois parce que les enjeux et les réalités sont différentes.
D'autres facteurs, historiques, politiques et économiques, sont
aussi des éléments importants du contexte national dans lequel
apparaît un modèle.
Par
souci de procéder selon l'approche de la contingence,
je ferai dans le cadre de ce texte un survol de le modèle
allemand qui va au-delà de clichés habituelles de l'«efficience
allemande» et de la «machine bien huilée» pour traiter de deux
sujets liés: (1) le capitalisme
rhénan
qui favorise la responsabilité sociale de l'entreprise (RSE) surtout
en matière de formation professionnelle continue, et (2) le système
dual de
formation qui a émergé de ce type de système. Le tout, en faisant
ressortir les forces et les faiblesses du modèle allemand, des
facteurs culturels et autres, mais aussi en cherchant des pistes pour
développer la formation professionnelle au Québec.
LE CAPITALISME RHÉNAN
Depuis
l'effondrement du bloc soviétique au début des années 1990, le
capitalisme domine la scène mondiale comme forme d'organisation de
l'économie. Néanmoins, en tant que système, le capitalisme n'est
pas sans nuances, sans variations: par exemple, à travers le temps,
le capitalisme «sauvage» du XIXe siècle est bien différent de
l'époque progressiste des années 1960 où dominaient les idées
keynésiennes, et ces deux époques ne sont pas des copies-conformes
de l'époque actuelle où le néolibéralisme tente de s'imposer sous
fond de crise économique mondiale. Le temps est un facteur, la
culture aussi. En Allemagne (RFA, puis Allemagne unifiée), le type
de capitalisme qui s'est développé, dit
rhénan [4] (en raison de la région industrialisée du Rhin), est
un système «où la négociation entre les principaux acteurs
institutionnels joue un rôle central, cette négociation étant
facilitée par une culture de consensus et par des
institutions qui construisent le consensus» [5].
Dans le «modèle allemand», on favorise le dialogue entre les
acteurs socio-économiques que sont les banques, les syndicats, les
entreprises, le gouvernement et le système d'éducation [6].
Cette façon d'agir se
distingue du modèle américain qui nous est davantage familier, où
les liens contractuels (logique de contrat [7])
ont un rôle plus important que celui de l'harmonie sociale au sein
de la firme, et où prévaut l'individualisme qui encourage parfois
la compétition entre employés. Dans le système allemand, les
employeurs et les syndicats se consultent pour équilibrer «les
objectifs de rentabilité à court terme [...] avec les obligations
rattachées à la satisfaction de la clientèle et [.. ] à l'octroi
de bonnes conditions de travail» [8],
ce qui est loin de la stratégie d'affrontement [9] souvent utilisée par le patronat nord-américain contre
l'implantation des syndicats. Bref, dans un contexte d'affaires
allemand [10],
en plus de tenir compte de la recherche de profits, il faut aussi
plus de temps pour concerter les intérêts des parties prenantes
(stakeholders) [11],
comme les syndicats, que dans une firme américaine, où domine le
principe de maximiser l'avoir d'un seul groupe, les actionnaires
(shareholder value) comme le prône Milton Friedmann [12].
Parce qu'il favorise la
coopération davantage que les pratiques nord-américaines, le
capitalisme rhénan offre un climat plus propice pour que différents
agents économiques puissent se concerter sur des dossiers
spécifiques, comme celui de la formation professionnelle. Sans
garantir le succès du dialogue entre les parties prenantes, le
système économique allemand favorise au moins qu'une rencontre ait
lieu et que le dialogue puisse être initié, ce qui fait parfois
défaut au Québec.
Il faut dire aussi que même si la culture allemande favorise chez
les agents économiques une vision axée sur le développement à
long terme de la main-d'oeuvre et une perspective davantage
macroéconomique (e.g.: on rapporte [13]
que les entreprises forment au-delà des besoins immédiats afin de
rendre la société allemande plus productive, et ainsi «élever la
barre» de l'ensemble de l'économie allemande) il ne faut pas
négliger l'impact de l'intervention gouvernementale dans ce pays
qui, contrairement à la loi du 1% édentée du Québec, imposent des
amendes à ceux qui ne font pas suffisamment de formation [14].
Les sommes récoltées allant dans un fonds spécial qui est
redistribué aux entreprises qui font plus de formation que le quota
exigé. Au-delà de la culture et la spécificité allemande de
valorisation du consensus, il semble que la pratique classique du
bâton et de la carotte (contraintes financières imposées par
l'État et bonis accordés à ceux qui se conforment le mieux aux
objectifs gouvernementaux de formation professionnelle) soit un
rouage crucial pour que le modèle allemand fonctionne, que la simple
bonne volonté ne suffit pas toujours. Si le Québec souhaite
améliorer son système de formation professionnelle pour atteindre
ce qu'il juge être à la hauteur du Japon, de la Suède ou de
l'Allemagne, la promotion de valeurs doit être nécessairement
accompagné de mécanismes légaux et économiques qui contraignent
davantage que la loi du 1% et qui récompensent ceux qui
atteignent le mieux les objectifs liés à la formation de la
main-d'oeuvre, surtout que la culture québécoise n'est pas
présentement aussi ouverte que celle de l'Allemagne en ce qui
concerne l'investissement en formation.
«Le seul danger est
qu'un style né d'un cas particulier lui survive pendant que les
conditions se transforment insensiblement: c'est bien là ce que la
théorie doit prévenir grâce à une critique lucide et
rationnelle» [15]
Le
capitalisme rhénan est le produit d'une époque, celle des Trente
Glorieuses. S'il faut le rappeler, au lendemain de la Seconde guerre
mondiale, l'Allemagne, anéantie, devait tout reconstruire (ce qui
amène des besoins en croissance importants, même si les fonds ne
sont pas toujours disponibles). D'abord traitée comme un ennemi
battu, divisé entre puissances étrangères (France, États-Unis,
Grande-Bretagne et URSS), puis réorganisé en «trois Allemagnes»
(la République fédérale allemande (RFA), la République
démocratique allemande (RDA) et le cas spécial de Berlin), le pays
devint un échiquier entre deux systèmes économiques, l'un
capitaliste (RFA), l'autre communiste (RDA), et l'extension des
politiques étrangères soviétiques et américaines. Durant la
Guerre froide, la RFA (comme le Japon d'ailleurs) changea de rôle,
passant de celui de l'ennemi battu, méprisé, à celui d'allié
privilégié pour endiguer l'expansion communiste; de l'autre côté
du Rideau de fer, la RDA passa aussi du rôle de l'ennemi de l'URSS à
celui d'un satellite. Même si elle était amputée, l'Allemagne
(pour préciser, la RFA, que la RDA et Berlin rejoignent lors la
réunification en 1990 [16])
se remis sur pieds, son économie étant aidée par les liens avec
ses partenaires du bloc capitaliste et l'absence de la concurrence de
produits provenant du l'Europe de l'est, sous le joug communiste.
Dotée d'une devise forte, le Deutsch Mark (DM), l'Allemagne de
l'époque de la RFA bénéficiait d'un marché intérieur plus ou
moins protégé et une pleine souveraineté sur son territoire,
surtout que le pays n'avait encore signé les différents traités de
libre-échange qui allaient donner l'Union européenne.
Durant cette période de croissance,
les entreprises et le gouvernement avaient suffisamment les moyens
pour investir en formation professionnelle et de planifier l'économie
sur le long terme par le biais de dialogues entre parties prenantes.
Toutefois, quand les moyens commencent à manquer, ce que Paul
Bélanger [17] considère une crise du
capital-travail,
l'entreprise allemande aux prises avec des problèmes de flux
monétaires à court terme (cashflow)
et de dettes qui menacent sa propre survie ne met pas au premier rang
de ses préoccupations des idées fordiennes de développement de
l'économie et des investissements en formation qui ne rapporteront
qu'à long terme. Logiquement, si je ne suis pas certain d'avoir
assez d'argent pour payer l'épicerie la semaine prochaine, je n'irai
pas à m'inscrire à un nouveau cours universitaire. Sous la pression
économique, une entreprise sera rapidement tentée de bloquer
l'hémorragie en passant d'une stratégie de domination par
l'innovation à une stratégie de domination par les coûts [18].
Ainsi, en cas de récession, le système d'apprentissage du système
dual (dont on parlera dans le seconde partie) peut être dévié de
sa mission première de préparer la relève et de donner un accès à
un premier emploi aux jeunes chômeurs pour devenir une forme de
recrutement de main-d'oeuvre bon marché (cheap labour),
où des stagiaires sont continuellement admis à rabais mais aucun
d'eux n'est embauché après la période de formation. D'autre part,
il y a aussi des modes en économie et en gestion auxquelles
l'Allemagne n'échappe pas: l'échec du bloc soviétique étant perçu
(hâtivement) par certains comme étant synonyme d'une débâcle de
toute la gauche et de l'interventionnisme de l'État, les idées
keynésiennes cèdent peu à peu la place à celle du néolibéralisme,
associé à la mondialisation et à l'américanisation. La
responsabilité sociale de l'entreprise (RSE) cède la place à une
simple responsabilité
économique [19] envers les actionnaires, surtout que le dialogue, ça prend du temps,
et que le temps, c'est de l'argent...
Parmi
les éléments attestant cette crise du capital-travail, on peut
d'abord considérer que la réunification de l'Allemagne en 1990 [20]
ne s'est pas fait sans heurts: la RDA et la RFA étaient auparavant
des rivales idéologiques avec des systèmes économiques opposés.
Bien qu'ils étaient tous Allemands, ils «avaient évolué pendant
quarante ans dans des contextes idéologiques et des systèmes
institutionnels complètement différents.» [21] et l'adaptation des «nouveaux Allemands» fut problématique,
surtout considérant le chômage plus élevé et les besoins de
rattrapage économique dans les anciens Länders
(«provinces») de la RDA. Le
deuxième élément à considérer est la chute du Rideau de fer dans
les années 1990, qui amena des nouveaux joueurs sur le marché et,
avec une libéralisation accru de ce marché, le phénomène de
relocalisation
(dont parlait Paul Bélanger [22])
des entreprises allemandes vers les pays de l'Europe de l'est, où la
main-d'oeuvre est moins coûteuse. Résultat: les patrons et les
actionnaires allemands pouvaient s'enrichir davantage alors que la
population allemande se trouva avec moins d'emplois. L'avènement de
l'Union européenne, des traités de libre-échange, et d'une monnaie
unique (l'euro) permirent aux capitaux de circuler plus facilement,
parfois amenant des capitaux étrangers en Allemagne (et avec eux,
des actionnaires préconisant des idées plus près du néolibéralisme
que du capitalisme rhénan) ou des capitaux allemands à l'étranger
(ce qui peut résulter d'une baisse des investissements allemands,
notamment en formation, et des revenus fiscaux de l'État quand il
faut éponger la dette de la Grèce). La RFA n'est plus, le
capitalisme rhénan s'épuise parce qu'il offre des solutions qui ne
correspondent pas aux défis actuels d'une économie allemande
élargie.
Aujourd'hui, sous fond de
plusieurs crises économiques successives, «le modèle allemand
d’économie sociale de marché et de capitalisme négocié est
régulièrement critiqué par le patronat depuis la récession de
1993» [23].
Le modèle allemand nécessite de rénovations, que ce soit pour
compenser le vieillissement de sa main-d'oeuvre en préparant la
relève, en intégrant les populations immigrantes provenant des
anciens pays communistes dont la qualification n'est pas toujours
reconnue, en s'ajustant aux nouvelles technologies et bien d'autre
défis. Dans le cas de la formation professionnelle, par exemple, les
discussions se concentrent sur quatre grands principes [24]:
(1) la modernisation de la réglementation, (2) l'inclusion de
nouveaux champs professionnels (notamment pour s'ajuster à une
tertiarisation de l'économie allemande et une baisse des activités
manufacturières, ainsi que les emplois liés aux nouvelles
technologies), (3) une reconnaissance de la qualification (qu'elle
proviennent du système scolaire ou du système dual), (4) la
différenciation de la formation. On parlera davantage de la
formation dans la section suivante de ce texte. Le Québec a
des problèmes certes, l'Allemagne semble avoir des solutions, mais
il ne faudrait pas voir que toute l'herbe est plus verte chez le
voisin.
Quand on s'interroge sur
la transposabilité du modèle allemand
[25] au Québec, ou bien d'une de ses composantes comme le système dual,
il est important de prendre en considération le terreau dans lequel
ce modèle a poussé, question de voir quels éléments l'ont mieux
alimenté, et si ceux-ci sont présents au Québec. Effectivement, le
Québec, bien que sous une forte influence américaine, a des
éléments communs avec l'Allemagne: la période de l'Après-guerre
en a été une de croissance économique et la situation actuelle en
est une de ralentissement. Mais le reste du parcours est bien
différent: dans les années 1960, le Québec est un territoire d'une
population minoritaire en quête d'affirmation nationale alors que
l'Allemagne consistait de deux entités souveraines culturellement
identiques mais idéologiquement opposées; l'économie québécoise
est passé du giron britannique à celui des États-Unis, alors que
l'Allemagne, même sous sa forme diminuée qu'était la RFA, agissait
comme puissance économique régionale, voire mondiale, et exerce
encore une forte influence sur ses voisins; finalement, une
différence importante est que l'Allemagne est un État-Nation,
relativement homogène, qui possède une pleine souveraineté sur son
territoire (même si elle partage certaines responsabilité avec l'UE
et qu'elle a connu des décennies d'occupation étrangère), alors
que la population québécoise est régie par deux gouvernement, l'un
majoritairement anglophone (fédéral), l'autre francophone
(provincial), qui se partagent différents pouvoirs en matière
d'éducation et d'assurance-emploi qui peuvent être difficile à
concerter, ne serait-ce à cause des barrières linguistiques. La
liste de différences peut continuer longuement...
Au Québec, on peut
souhaiter davantage de dialogue entre les parties prenantes, une
intervention gouvernementale qui favorise la formation
professionnelle afin de favoriser le développement de la
main-d'oeuvre, surtout au niveau qualitatif, et souhaiter que soit
valoriser la responsabilité sociale de l'entreprise (RSE) en
regardant le modèle allemand comme source d'inspiration. Toutefois,
je considère qu'il faut éviter de simplement calquer le capitalisme
rhénan parce que ce modèle offre des solutions propres à un
contexte spécifique qui commence à s'effriter. On peut par contre,
imaginer ce que pourrait être un capitalisme «laurentien» au
Québec, et formuler celui-ci en fonction des réalités de
l'économie québécoise et en regardant vers l'avenir, et à partir
de cette vision, formuler un type de système de formation
professionnelle bien d'ici plutôt que de greffer tel quel le système
qu'on retrouverait en Allemagne.
LE SYSTÈME DUAL
«Le savoir doit cesser d'être un
objet extérieur à l'intellect, il doit avoir été pleinement
assimilé.» [26]
Si la cuisine est un
produit culturel typique d'un pays, l'entreprise l'est aussi. Malgré
la mondialisation et l'américanisation, on ne fait pas des affaires
de la même manière d'un pays à l'autre. Une firme est un produit
culturel, et la façon de travailler variera selon le pays. Certains
parleront de l'entreprise allemande comme une «machine bien
huilée» [27]
alors qu'ils diront qu'une firme américaine est un «modèle
divisionnaire». La main-d'oeuvre fournie à ces entreprises passe
par des systèmes scolaires qui sont aussi culturellement différents.
L'Allemagne possède un système d'éducation différent de celui du
Québec, et l'implantation d'une composante comme le système dual,
doit en tenir compte si on veut que la «greffe» tienne.
Au
Québec, la «voie royale» en éducation se résume souvent par un
parcours linéaire (pré-maternelle, maternelle, école primaire,
école secondaire (DES), cégep (DEC), baccalauréat, maîtrise et
doctorat) à côté duquel on retrouve des sentiers moins valorisés (études
professionnelles à l'école secondaire (DEP) ou au niveau collégial
(AEC ou technique)). On retrouve en Allemagne un système d'éducation
moins familier, qui débute par la maternelle (Kindergarten),
que succédera l'école primaire (Grundschulen),
suivit d'un premier cycle du secondaire durant deux ans (une sorte de
«junior high school» allemand) [28].
À partir du 1er cycle du secondaire, les élèves allemands peuvent
choisir trois voies, alors qu'au Québec, on est orienté vers deux
voies, l'obtention de diplôme d'études professionnelles (DES) et,
celle, moins valorisée, du diplôme d'études professionnelles
(DEP); ces voies sont (1) l'école de scolarité obligatoire
(Hauptschulen) [28]
qui se termine à seize ans, qui est la moins prestigieuse, mais
permet l'accès par la suite à une éducation professionnelle dans
le système dual; (2) le collège d'enseignement général
(Realschulen
ou Mittelschulen) [30]
dont le diplôme permet d'obtenir un accès à différentes options
scolaires situées pour la plupart sous le niveau universitaire; et
finalement il y a (3) le lycée d'enseignement général
(Gymnasium) [31],
qui requiert 8 à 9 ans d'études et qui permet l'accès à
l'université. Évidemment, pour un élève, choisir avant l'âge de
13 ans dans quelle branche évoluer a des conséquences importantes à
long terme, car un gamin peu motivé par les études à l'adolescence
peut préférer le programme moins exigeant de l'Hauptschule
et par la suite
regretter ce choix lorsqu'il arrive à l'âge adulte et se voit
bloquer l'accès à l'université. Par exemple, bien que je n'ai
jamais fait mes mathématiques 436 (et que j'avais des notes
pitoyables même dans le cours 416), au Québec j'ai pu m'inscrire
plusieurs années plus tard en tant qu'une personne de plus de 21
ans, faire des efforts, et obtenir de bonnes notes en comptabilité
et en finances, alors que si j'avais été un élève allemand,
l'accès à cette chance aurait été beaucoup plus difficile. Le
même problème se pose dans le cas de parents qui ont peu d'estime
pour leurs enfants, qui opte pour l'Hautpschule.
Ce
«système à trois vitesse» allemand comporte des désavantages
auxquels il faut penser avant d'adopter le modèle allemand.
Le système de formation
professionnelle duale (Berufausbildung [32]
ou
système dual) dont on
parle depuis le début de ce texte, se résume rapidement à
ceci: un système où la formation est offerte en deux endroits, soit
dans les entreprises d'une part, soit dans les écoles
professionnelles d'autre part, en alternance [33].
Si au Québec la formation (théorique) est une étape
qui précède l'arrivée au marché du travail (pratique), dans le
système dual, la formation professionnelle théorique se fait en
alternance avec la
pratique dans le milieu du travail. Comme le souligne Paul Bélanger [34], le système allemand, avec l'aller-retour
entre le théorique et le pratique, favorise l'apprentissage continu;
dans l'approche québécoise, l'apprentissage théorique est évacué
dès l'entrée sur le marché du travail et est souvent remplacé par
de la formation sur le tas. Selon Horst Studte [35],
le directeur de l'école Alexander von Humboldt, le système dual repose sur trois composantes: (1)
amener l'étudiant à apprendre comment apprendre
(évaluer ses propres compétences ainsi que ses besoins en formation
pour être à jour); (2) enseigner à l'étudiant une grande
variété de connaissances (de
manière à favoriser l'autonomie, les compétences transversales et
l'aptitude à faire des liens entre des concepts); et (3) encourager
l'étudiant à continuer à apprendre
(formation continue, actualisation des compétences). C'est bien
différent de l'élève de secondaire V du Québec, à qui on ne
demande rien d'autre que l'exécution de son travail une fois diplômé
et embauché, pour qui l'école sera limitée à une occasion de
retrouvailles dix ans plus tard (bien que dans les secteurs de
pointe, comme l'informatique, la formation continue, même sous forme
informelle, est une nécessité). Comme l'apprentissage se fait en
entreprise, en contexte de travail, il se peut par la suite que
l'apprenti ayant obtenu son brevet soit appelé lui-même à exercer
occasionnellement le poste de formateur [36]
auprès des nouveaux apprentis, ce qui valorise les compétences
professionnelles à transférer et sensibilise l'employé aux besoins
d'apprentissage à l'intérieur de la firme.
Sur
le plan administratif, la formation duale est organisée de manière
décentralisée, orchestrée par les Länders et les chambres
régionales de commerce et de l'industrie [37] qui tissent des liens entre établissements scolaires et entreprises
afin de répondre de la meilleure manière aux enjeux locaux.
Ceci
n'est peut-être plus l'idéal dans un contexte de mondialisation,
mais permet d'illustrer que dans la culture allemande, on approche
une problématique plus souvent à partir de la base (bottom-up),
on donne plus d'importance aux instances locales, alors que dans
l'héritage culturel québécois, on préfère d'aller par le haut
(top-down)
avec des grands programmes nationaux. Il faut dire que l'Allemagne a
existé pendant plusieurs siècles comme un regroupement de centaines
de principautés, royaumes, villes libres et duchés indépendants,
alors que le Québec, dès le début de la colonie est administrée
par une puissance centralisée (gouvernement colonial français, puis
anglais) et que la communauté française a longtemps été sous
l'influence centralisatrice d'une seule religion, le catholicisme
(alors que les pays germaniques possédaient plusieurs confessions).
Il ne faut pas s'attendre en implantant le système dual, qui vise à
combler les besoins locaux, que les résultats seront les mêmes dans
une culture où on centralise davantage (certains proposant d'abolir
des instances gouvernementales locales comme les commissions
scolaires).
Initialement,
l'accès à la formation dual était destinée aux gens de la
«filière» de l'Hauptschule.
Toutefois, si les gens de l'école la moins prestigieuse ne peuvent
avoir accès à l'université sans complications administratives et à
la rigidité du système, l'inverse ne s'applique pas: les élèves
de la Realschule
et du Gymnasium
ont accès eux aussi au système dual, en plus des autres formations
supérieurs. En période de chômage élevé, les périodes de
formation du système dual peuvent être une option intéressante
pour un diplômé en histoire de l'art qui ne trouve pas sa place
dans le marché du travail. Ainsi, un ancien du Gymnasium
pourra s'inscrire à une période d'apprentissage chez une
entreprise, et comme il provient du programme le plus exigeant,
l'employeur aura tendance à le préférer à la place d'un élève
n'ayant que la formation initiale de base du Hauptschule.
Résultat: «dans les années 60, la vaste majorité (80%) des
apprentis provenaient de l'Hauptschule;
aujourd'hui, ils ne sont que 40% et la majorité d'entre eux
proviennent d'écoles de niveaux plus élevés.» [38] Non seulement les élèves du Hauptschule
risquent de plafonner très rapidement sur le plan académique, mais
ils voient depuis plusieurs décennies une compétition accrue pour
les postes qui étaient normalement leur apanage. Une hausse des
inscriptions redirigent une partie des élèves vers les écoles de
métiers à temps plein (Berufschulen) [39],
mais les avantages de l'alternance du système dual ne s'y trouvent
pas et la reconnaissance des acquis peut être un problème.
Il reste que le
système dual a tout de même l'avantage de développer la
polyvalence de l'apprenti, ce qui facilite la reconnaissance d'un
métier
(Beruf [40])
alors qu'au Québec, les employés occupent davantage un poste
dont
l'identité est plutôt faible.
Même s'il devient de
plus en plus populaire et qu'il bénéficie de l'appui de lois
allemandes, le système dual qui a émergé au sein du capitalisme
rhénan connaît des problèmes. Comme le constate Zettelmeier en
2005, «l'investissement des entreprises dans la formation
professionnelle duale s'effrite» [41] et ce malgré les contraintes fiscales et l'interventionnisme de
l'État. Et les stages ne sont pas garants d'un emploi par la suite,
les entreprises aux prises avec des difficultés financières ou
cherchant à économiser sur les coûts de la main-d'oeuvre peuvent
tout simplement embaucher à rabais des apprentis; cette pratique du
roulement élevé de la main-d'oeuvre est en plus facilité par le
fait que certains métiers encadrés par le système dual, comme les
services domestiques (en 1996, on retrouvait dasn ce domaine 28% des
étudiants provenant des Hauptschulen sans diplôme, et 39,4%
de la même filière avec diplôme [42]),
demandent des compétences qui prennent généralement moins de temps
à apprendre que les compétences d'un métier comme électricien en
technologie de l'information.
Finalement, c'est
difficile d'avoir l'heure juste sur le système dual dans la mesure
où, comme dans les comités sectoriels, on regroupe une demi-douzaine de secteurs
d'activité [43]
dont les réalités diffèrent beaucoup (e.g.: les apprentis en
agriculture versus les apprentis en professions libérales), sans
oublier le grand nombre de métiers (900 en 1945, 356 en 1997 [44]).
Si une réflexion sérieuse devait être amorcée concernant
l'implantation du modèle allemand en formation professionnelle, il
faudrait avoir recours à l'approche de la contingence et non
seulement analyser les réalités culturelles, économiques et
sociales, mais d'y aller carrément cas par cas, en comparant les
réalités du plombier québécois avec celui du pays de
l'Oktoberfest.
CONCLUSION
La crise financière de
2008 a amené bon nombre de personnes à remettre en question le
capitalisme tel qu'il est conçu en Amérique du nord, le mouvement
«Occupy Wall Street» et celui des «Carrés rouges». Avec Goldman
Sachs dans leurs rangs, difficile d'avoir confiance envers les
États-Unis. Demandez à la Grèce. On cherche autre chose que le
modèle américain, on en vient à idéaliser ce qui est lointain,
comme le capitalisme rhénan en Allemagne. Quand on scrute de plus
près, on constate que les solutions développés par ce pays, comme
la formation duale en Allemagne, permet de régler une partie du
problème, mais n'offre pas exactement de solution miracle pour le
Québec. D'abord, parce que la problématique allemande est
différente de celle du Québec: les deux pays n'ont pas évolués
dans les contextes historiques, politique, économiques et culturels.
En second lieu, quand bien même qu'on fait semblant les différences
de contexte n'existent pas, il reste que ces pays, une fois que le
Québec les aura rejoint sur le plan de la formation professionnelle,
ont encore aujourd'hui des difficultés, connaissent eux aussi des
crises économiques. Une solution peut créer aussi de nouveaux
problèmes.
Le capitalisme rhénan a
connu son apogée durant l'époque de la RFA. Dans l'Allemagne
unifiée actuelle, qui est techniquement le même régime, les défis
liés à la mondialisation, à la mobilité des capitaux, et à
libéralisation des marchés correspondent de moins en moins aux
solutions proposées par le modèle allemand issu de l'Après-guerre.
Sans le juger immédiatement comme anachronisme, vu que les
changements dans le contexte national allemand se font graduellement,
il reste que ce modèle est en crise. «Les observateurs les plus
avertis [..] n’excluent d’ailleurs pas un scénario d’«adaptation
négociée» du modèle rhénan qui serait probablement l’approche
la plus « allemande » de sortie de crise du modèle» [45],
c'est-à-dire que l'issu de cette crise ne passe nécessairement par
une américanisation forcée et une conversion au néolibéralisme.
D'autre part, le système
de formation duale, qui semble être un bon moyen de fournir de
l'emploi aux jeunes, n'est pas une charité. Il y a des lois et des
amendes pour s'assurer que le système fonctionne, que les employeurs
entraînent un quota d'apprentis suffisants, parce que la «culture
de la formation» devient moins forte devant l'appât du gain ou la
situation de crise financière. La formation duale ne garantit pas un
emploi à vie, même si on vante la vision à long terme des
Allemands. Dans certains secteurs, notamment dans les services
domestiques, il peut être facile pour un employeur de profiter du
système de formation afin d'embaucher des apprentis à bas prix,
surtout si le mouvement syndical y est faible. De plus, le système
des trois filières en éducation sur lequel s'appuie le système
duale a tendance à désavantager les élèves qui fréquentent
l'école de catégorie moins prestigieuse, la Hauptschule, ce
qui peut créer un cercle vicieux pour les segments de population
défavorisées (e.g.: femmes, immigrants), parce que non seulement ce
système de troisième zone n'assure pas une bonne place dans le
secteur des métiers aux élèves, mais en plus ce système les
condamne très tôt à ne pas pouvoir à l'université.
Ce qu'il reste pour moi
du «modèle allemand», c'est au moins une plus grande possibilité
de dialogue et de coopération entre les acteurs socio-économiques
que sont les banques, les syndicats, les entreprises, le gouvernement
et le système d'éducation. Et avec le conflit étudiant qui revient
cet automne et l'impasse du gouvernement actuel, c'est cet élément
qu'il faudrait pour le Québec.
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Références:
[2] CHEBAT, Jean-Charles, Pierre FILIATRAULT et Michel LAROCHE, Le compertement du consommateur, 3e édition, Gaëtan Morin éditeur, Saint-Laurent (Québec), 2005, p.218
[3] SCHERMERHORN, John R., James HUNT et al., Comportement humain et organisation, 3e édition, Éditions du Renouveau Pédagogique Inc. (ERPI), Saint-Laurent (Québec), 2006, p.9
[4] BARMEYER,
Christoph et Éric DAVOINE, Chapitre
V.3 «Culture et gestion en Allemagne: la machine «bien huilée »,
DVD - Gestion en contexte interculturel - Les plongées, Les
Presses de l'Univeristé de Laval, et Téluq, Québec, 2008, p.3
[5] Idem
[6] AUDET, Michel, Victor HAINES et al., Relever les défis de la gestion des ressources humaines, 2e édition, Gaëtan Morin éditeur, Boucherville (Québec), 2004, p.139
[7] DAVEL,
Eduardo, Jean-Pierre DUPUIS et Jean-François CHANLAT, Gestion
en contexte interculturel: approches, problématiques, pratiques et
plongées, Les
Presses de l'Université Laval (PUL) et Téluq, Québec (Québec),
2008, p.88
[8] Op.
Cit. 6
[9] AUDET, Michel, Victor HAINES et al., Relever les défis de la gestion des ressources humaines, 2e édition, Gaëtan Morin éditeur, Boucherville (Québec), 2004, p.596
[10] BARMEYER,
Christoph I. et Éric DAVOINE,
« Culture et gestion en Allemagne : la « machine bien huilée »,
p.18-19
[11] TREMBLAY,
Diane-Gabrielle, Formation
et performance socio-économique: Perspectives internationales,
Éditions Saint-Martin, Québec, 2010, p.86
[12] BERGERON,
Pierre G., La gestion
dynamique: concepts, méthodes et applications,
4e éditions,
Gaëtan Morin éditeur, Saint-Laurent (Québec), 2006, p.107
[13] Chapitre 10 du DVD retrouvé dans TREMBLAY, Diane-Gabrielle, Formation et performance socio-économique: Perspectives internationales, Éditions Saint-Martin, Québec, 2010, 568 p.
[14] Idem
[15] CLAUSEWITZ,
Carl von, De la
guerre, présenté
par Gérard CHALIAND et traduit par Laurent MURAWIEC, éditions
Perrin, 2006, Paris (France), p.142-143
[16] HILGEMAN,
Werner et Hermann KINDER, Atlas
historique: de l'apparition de l'homme sur la terre à l'ère
atomique, Libraire
Académique Perrin, Paris, 1993, p.588
[17] Chapitre 10 du DVD retrouvé dans TREMBLAY, Diane-Gabrielle, Formation et performance socio-économique: Perspectives internationales, Éditions Saint-Martin, Québec, 2010, 568 p.
[18] AUDET,
Michel, Victor HAINES et al., Relever
les défis de la gestion des ressources humaines,
2e
édition, Gaëtan Morin éditeur, Boucherville (Québec), 2004, p.99
[19] BERGERON,
Pierre G., La gestion
dynamique: concepts, méthodes et applications,
4e éditions,
Gaëtan Morin éditeur, Saint-Laurent (Québec), 2006, p.107
[20] BARMEYER,
Christoph et Éric DAVOINE, Chapitre
V.3 «Culture et gestion en Allemagne: la machine «bien huilée »,
DVD - Gestion en contexte interculturel - Les plongées, Les
Presses de l'Univeristé de Laval, et Téluq, Québec, 2008, p.18
[22] Op.
cit. 17
[23] BARMEYER,
Christoph et Éric DAVOINE, Chapitre
V.3 «Culture et gestion en Allemagne: la machine «bien huilée »,
DVD - Gestion en contexte interculturel - Les plongées, Les
Presses de l'Univeristé de Laval, et Téluq, Québec, 2008, p.18
[24] TREMBLAY,
Diane-Gabrielle, Formation
et performance socio-économique: Perspectives internationales,
Éditions Saint-Martin, Québec, 2010, p.370
[25] Ibid.
p.385
[26]CLAUSEWITZ,
Carl von, De la
guerre, présenté
par Gérard CHALIAND et traduit par Laurent MURAWIEC, éditions
Perrin, 2006, Paris (France), p.132
[27] DAVEL,
Eduado, Jean-Pierre DUPUIS et Jean-François CHANLAT, Gestion
en contexte interculturel: approches, problématiques, pratiques et
plongées, p.178
[28] TREMBLAY,
Diane-Gabrielle, Formation
et performance socio-économique: Perspectives internationales,
Éditions Saint-Martin, Québec, 2010, p.342
[29] Idem
[30] Ibid.
p.343
[32] BARMEYER,
Christoph et Éric DAVOINE, Chapitre
V.3 «Culture et gestion en Allemagne: la machine «bien huilée »,
DVD - Gestion en contexte interculturel - Les plongées, Les
Presses de l'Univeristé de Laval, et Téluq, Québec, 2008, p.7
[33] TREMBLAY,
Diane-Gabrielle, Formation
et performance socio-économique: Perspectives internationales,
Éditions Saint-Martin, Québec, 2010, p.338
[34] Chapitre
10 du DVD retrouvé dans TREMBLAY, Diane-Gabrielle, Formation
et performance socio-économique: Perspectives internationales,
Éditions Saint-Martin, Québec, 2010, 568 p.
[35] Idem.
[36] BARMEYER,
Christoph et Éric DAVOINE, Chapitre
V.3 «Culture et gestion en Allemagne: la machine «bien huilée »,
DVD - Gestion en contexte interculturel - Les plongées, Les
Presses de l'Univeristé de Laval, et Téluq, Québec, 2008, p.9
[37] TREMBLAY,
Diane-Gabrielle, Formation
et performance socio-économique: Perspectives internationales,
Éditions Saint-Martin, Québec, 2010, p.354
[38] TREMBLAY,
Diane-Gabrielle, Formation
et performance socio-économique: Perspectives internationales,
Éditions Saint-Martin, Québec, 2010, p.345
[40] BARMEYER,
Christoph et Éric DAVOINE, Chapitre
V.3 «Culture et gestion en Allemagne: la machine «bien huilée »,
DVD - Gestion en contexte interculturel - Les plongées, Les
Presses de l'Univeristé de Laval, et Téluq, Québec, 2008, p.12
[41] BARMEYER,
Christoph et Éric DAVOINE, Chapitre
V.3 «Culture et gestion en Allemagne: la machine «bien huilée »,
DVD - Gestion en contexte interculturel - Les plongées, Les
Presses de l'Univeristé de Laval, et Téluq, Québec, 2008, p.19
[42] TREMBLAY,
Diane-Gabrielle, Formation
et performance socio-économique: Perspectives internationales,
Éditions Saint-Martin, Québec, 2010, p.347
Images:
http://en.wikipedia.org/wiki/File:Buffet_Germany.jpg
http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Deutschland_Besatzungszonen_-_1945_1946.svg