Friday, August 31, 2012

La lutte étudiante: un nouveau western





Même si elle est éclipsée par la campagne électorale de 2012, la lutte étudiante contre la hausse des frais de scolarité continue même après l'accalmie de l'été et les plusieurs mois d'efforts effectués auparavant lors du «printemps érable». Le conflit a rapidement débordé, autant de manière positive chez les militants progressistes, que dans son aspect négatif encouragé d'une part par le gouvernement et de l'autre par les jambons qui l'appuient.


Le bon


« Il n'est pas vrai que les jeunes ont toujours raison. Mais une société a toujours tort de leur taper dessus. »

(Jacques Parizeau)


Dans le premier cas, le conflit étudiant est la fin du cliché selon lequel les jeunes, au Québec, sont apathiques et ne sont pas engagés politiquement. C'est aussi une occasion de remettre en question l'utopie néolibérale vers laquelle les trois principaux partis (CAQ, PLQ, PQ), avec une volonté à intensité variable, veulent amener le Québec. J'aime bien l'économie, mais je trouvais que le discours économiciste prend trop de place dans la politique actuelle, comme si le rôle du premier ministre était celui d'un gérant de Tim Hortons qui veille aux intérêts des actionnaires que sont les multinationales qui contribuent à la caisse du parti (de l'autre côté, je trouve aussi souvent que les artistes versent trop dans le contenu émotif). Avec le Plan Nord, l'exploitation du gaz schiste et la hausse des frais de scolarité, beaucoup d'entre nous sont arrivés à être insatisfaits de notre situation de «client-sujet» du gouvernement et à vouloir redevenir citoyen et actionnaire (ou devrais-je dire coopérant?) de son propre pays. D'une lutte essentiellement étudiante, qui attirait le cégepiens habituels, les universitaires en arts et en sciences humaines, ainsi que des marginaux, le mouvement est devenue une contestation générale du projet de société néolibéral du gouvernement Charest, où des gens de toutes les horizons et de générations, par centaines de milliers, ont pris la casserole et le carré rouge. Évidemment, les «dretteux» ont tiré à boulets aussi rouges que les carrés de leurs adversaires, les plus paranoïaques voyant chez les joueurs de djembe la montée du communisme, les plus confus comparant Gabriel Nadeau-Dubois à Benito Mussolini. Rien de moins! Je reviendrai sur le cas des jambons plus loin. Dans un marathon, c'est plus difficile de garder le même momentum que dans une course de 100 mètres, et on a l'impression que le mouvement de contestation s'affaiblit alors que sa durée actuelle est historique, que le nie ou non André Blatte.

Le vent de contestation aura eu raison de deux ministres de l'éducation, Line Beauchamps et Michelle Courchesne. Il aura précipité le gouvernement Charest dans des élections estivales, phénomène plutôt inhabituel au Québec, où on est appelé à voter surtout en automne. La contestation aura aussi exposé la pourriture du système actuel, d'abord par la manque de bonne foi du gouvernement Charest lors des négociations avec les étudiants grévistes, puis par les mesures liberticides de même gouvernement, que ce soit la loi 78 qui interdit les rassemblements de plus 50 personnes (loi contestée même par le barreau et qui n'est pas largement appliqué par les forces policières) et l'usage excessif de la répression policière, dont le point culminant aura été le Grand Prix de Montréal, où se multiplièrent les arrestations arbitraires dites «préventives». On a arrêté au Québec plus de gens que lors de la Crise d'Octobre en 1970. Les étudiants auront aussi réussi à imposer leurs idées sur différentes plateformes politiques, que ce soit celle de partis mineurs comme Québec Solidaire, du Parti Vert et d'Option Nationale, et même (momentanément) chez un joueur de plus grande importance qu'est le Parti Québécois (même si ce n'était que par pur opportunisme de la part de Pauline Marois).  Je résume beaucoup de choses qui ont déjà été dites, mais il intéressant de voir les gains successifs que ce mouvement a fait, que ce soit en exposant les failles de notre démocratie, en rapprochant la contestation étudiante avec celles des peuples autochtones, ou en activant les citoyens vers une plus grande démocratie participative, ne sont pas limités qu'à une simple débat de la hausse des frais de scolarité.

Avec la rentrée de l'automne 2012, plusieurs peuvent par erreur voir dans la fin de la grève une défaite du mouvement étudiant. Or, une grève c'est une des tactiques parmi tant d'autres. La grève n'est pas synonyme de contestation. Tout comme la défaite du gouvernement libéral de Jean Charest n'est pas une victoire définitive, mais une simple bataille gagnée, car aucune des alternatives dites «sérieuses» du gouvernement actuel, qu'elle soit péquiste ou caquiste, semble aller vers un réel gel de scolarité. Et encore moins vers la gratuité scolaire.

C'est en revoyant récemment la fin de Kanehsatake, 270 ans de résistance d'Alanis O'Bomsawin que je compris un peu mieux la conclusion d'un autre conflit dans lequel s'était embourbé le gouvernement libéral, celui du soulèvement des Mohawks contre la dilapidation de leur patrimoine à des intérêts privés. Après plusieurs mois de siège et d'un pied-de-nez de la part des Autochtones envers l'intrusion militiare d'un territoire ancestral, la trentaine de résistants de Kanehsatake réalisèrent que bien que leurs objectifs à long terme n'avaient pas été atteints, il y avait eu suffisamment de retombées, notamment médiatiques, pour accepter une fin des hostilités non pas en se rendant, mais en effectuant une sortie symbolique contre l'envahisseur. Par la suite, sans parler de causalité, il est tout de même bien curieux que les autorités coloniales, c'est-à-dire le Parti progressiste conservateur de Brian Mulroney au niveau fédéral et le PLQ de Robert Bourassa au niveau provincial, furent tous les deux défaits aux élections suivantes. La supposée défaite de Kanehsatake a, dans la réalité, été un point de départ dans un éveil politique et culturel chez les Premières Nations, Métis et Inuits, une mobilisation qui continue encore aujourd'hui. La grève étudiante de 2005 a donné comme résultat le symbole du carré rouge, celle de 2012 l'a fait connaître à l'ensemble du Québec et au-delà de ses frontières, et la prochaine vague de contestation, en consolidant sur certains acquis, pourra permettre de faire mieux encore.


La brute


« Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires. »
(Montesquieu)

La brute, c'est le gouvernement Charest. Certains diront que le Québec, ce n'est pas la Syrie ou la Libye, mais justement, c'est parce qu'il y a ici des gens prêts à contester au lieu consentir silencieusement. La brutalité du régime actuel, que je souhaite voir disparaître le 4 septembre, s'exerce sur plusieurs plans: il y a une violence directe par les forces policières (comme l'atteste la répression à l'Université de Montréal cette semaine), mais il y a aussi celle de médias complices qui aide le gouvernement avec une campagne de peur et de désinformation; le néolibéralisme qu'encourage le PLQ en haussant les frais de scolarité pour réserver les études supérieurs aux plus nantis est une forme de brutalité économique et sociale; la loi 78 est, tout simplement, un dérapage fasciste.

Fasciste?

N'est-ce pas un peu dépasser le point Godwin?

Et se faire interpeler par 6 policiers à la sortie du métro, simplement pour avoir afficher ses opinions par le biais d'un bout de tissu épinglé à sa chemise, n'est-ce pas du profilage politique? Quel genre de régime politique effectue des contrôles et des arrestations «préventives» envers des personnes simplement en fonction d'une opinion à l'égard des frais scolarité? À quoi bon effectuer l'arrestation d'une mascotte comme l'Anarchopanda? Il y a une dérive totalitaire dans ce que fait Jean Charest, bien qu'elle ne cible, pour l'instant, qu'une minorité: le gouvernement n'est pas content simplement de récolter le fruit de notre travail avec des taxes et des impôts, il veut nous dire quoi penser. Il y a des gens excessivement naïfs qui diront que «seuls les gens ayant de quoi à se reprocher ont quelque chose à craindre d'une loi spéciale», mais qu'arrive-t-il quand le gouvernement décide d'élargir la catégorie des «indésirables» pour aller au-delà des carrés rouges, en ratissant plus large, et qu'il fini par vous inclure dans sa liste noire? Manifester est un droit, pas un crime, si je me rappelle bien? Je ne réinvente peut-être pas la roue avec ma critique du gouvernement actuel, mais au moins, contrairement aux péquistes, je prend clairement position en faveur des carrés dissidents.

Personnellement, bien que j'appuie la contestation étudiante, je n'étais pas d'accord initialement avec le choix de tactique de la grève. Surtout que le département de gestion est loin d'être un foyer révolutionnaire. Mais avec l'arrivée de loi 78, il y a eu un malaise face au déficit de démocratie du gouvernement. Plutôt que d'intimider les gens au silence, cette loi a amené un grand nombre de personnes, mêmes apolitiques, à se mobiliser contre les libéraux dans une seconde phase de la contestation qu'a été le mouvement des casseroles, un tintamarre de gens qui en ont, justemment, marre. Cette deuxième étape a eu le bénéfice de rendre la dissidence «mainstream»: si auparavant, le gouvernement Charest ne se gênait pour lancer le SSPVM contre les étudiants, le même niveau de brutalité appliquée à des petites familles de la classe moyenne n'aurait pas aussi bien passé aux nouvelles de 17h, bien que les trois principaux réseaux sont plutôt complaisants à l'égard du régime en place. La loi 78, grâce à la volonté populaire, fut émasculée, les forces policières trouvant difficile de l'appliquer au pieds de la lettre quand 200 000 personnes prennent le contrôle de la rue lors de la 22e journée du mois. J'aimerais que cette loi soit abolie car même si on prétend que cette mesure est une temporaire en période de crise, il ne faut pas oublié que le gouvernement a déjà dit la même chose des impôts.

Le truand


«O liberté, que de crimes on commet en ton nom !»
(Manon Roland)

Les véritables ordures dans la crise actuelle ne sont pas les libéraux, mais les gens qui appuient ceux-ci, les jambons. Organisés en groupuscules depuis quelques années (et bénéficiant d'une vitrine médiatique excessivement disproportionnée par rapport à leur faible nombre), les militants de la droite se prétendent comme étant contre le gouvernement (en organisant, par exemple, des soirées de rassemblement le 5 novembre, date-clé dans V pour Vendetta, le tout pour jouer aux pseudo-rebelles) et pour la liberté individuelle. Or, dans le conflit étudiant, ces «dretteux» ont appuyé tacitement le gouvernement Charest et se sont mis des oeillières en ce qui concerne la loi 78 et la répression policière. Bien aveugle celui qui ne veut pas voir. Parce que si on comprend le raisonnement larbin, la liberté est, pour un membre de l'extrême-droite, celle de penser comme eux et non d'avoir une opinion différente. Pour des groupes comme le RLQ, avancer un agenda de droite est tout simplement plus important que garantir la liberté d'expression de tous les citoyens. Pour la droite, la liberté de commerce semble plus importante que l'intégrité physique d'une personne, et pas surprenant d'en avoir entendu, cet été, quelques uns de ces militants souhaiter l'intervention de l'armée pour ramener «l'ordre» durant la lucrative période des festivals.

Pour les gens de droite, le momentum de la contestation étudiante a semé la confusion: « d'abord les étudiants sont contre la hausse, puis ils sont contre tout! » Évidemment, on peut marcher et mâcher de la gomme en même temps, on peut s'intéresser à un meilleur accès aux études supérieures tout en défendant les intérêts environnementaux: une personne peut porter plusieurs chapeaux. Insatisfaits d'attaquer les idées des étudiants, la droite libertarienne a contesté la légimité même du mouvement étudiant, en demandant comment des universitaires et des cégépiens, qui sont des clients dans un établissement, peuvent faire la grève. Après tout, la grève, c'est pour les travailleurs (et encore là, pour les larbins, le syndicat est le diable incarné et le patronat pure vertu). On a alors parlé de «boycott» plutôt que de grève. Mais il y a une différence claire entre l'étudiant d'une université et celui d'un Jean Coutu : il y a chez les cégépiens et les universitaires des évaluations, des mesures de rendements et des certifications qui résultent de leurs activités. L'étudiant doit, comme un travailleur, produire des résultats (en plus de payer pour ses études). Il doit atteindre le seuil de passage de 60% (et idéalement obtenir les meilleurs résultats possibles) avec ses travaux notés et ses examens. Un établissement peut refuser, ou plus tard expulser, un cancre. D'autres étudiants effectuent des stages, une forme de travail (comme j'en ai eu l'expérience au cours de Baccalauréat en enseignement de sciences humaines avec plusieurs groupes d'une trentaine d'élèves, tout un défi), seulement distinguée des activités d'un employé par l'absence de salaire (et la présence de coûts d'inscriptions élevés). La grève étudiante est bien légitimement une grève, parce que les étudiants contribuent aux activités de productions du MELS - créer des diplômé(e)s - même si la matière première, les ouvriers et le résultat final sont les étudiants eux-mêmes, alors qu'un client qui participe à un boycott ne fait que cesser de débourser de l'argent pour l'obtention de biens et services auprès d'un organisme pour lequel il ne travaille pas.

À d'autres moments, les larbins ont aussi contesté la démocratie étudiante. Il est vrai que les méthodes de vote à main levée causent problème et que la faiblesse des quorums exigés aussi. Mais qui donne l'exemple? Les élections qui ont porté le maire Gérald Tremblay au pouvoir ont eu un taux de participation de 35%. Le gouvernement Harper est majoritaire, malgré que 60% de la population ait voté contre celui-ci. Et le gouvernement Charest, élu en 2008, détient une majorité de siège même s'il n'a que 42.08% des votes, ce qui est bien en-dessous d'une majorité absolue que représente 50%+1 de la population. Le Canada, par son mode de scrutin, est un pays d'aberrations politiques qui ne font qu'avantager le pouvoir déjà en place. Je reconnais que la démocratie étudiante a ses faiblesses, mais est-ce que le gouvernement, qui les nargue, peut prétendre à la vertu? Oublie-t-il, pour reprendre une expression d'un personnage fictif bien connu, que le gouvernement qui voit la paille dans l'oeil des associations étudiants ne voit pas la poutre qui est dans le sien?

Une approche utilisée par la «droite poutine» autant que par le gouvernement aura été de marginaliser les étudiants, en faisant ce mouvement l'affaire d'une minorité, bien que le nombre de grévistes (plus de 300 000) a par moments largement dépassé la population totale de l'Ile-du-Prince-Édouard (moins de 150 000 habitants), qui est pourtant une province en elle-même, ayant un chef avec lequel le premier ministre du Québec accepte de discuter. Le gouvernement a aussi tenté de verser, pathétiquement, dans l'astroturfing (ou «similitantisme») en créant un artificiellement un regroupements d'étudiants favorables à la hausse étudiante, les carrés verts, un groupe «indépendant» contre la grève étudiant, qui bizarrement comptait dans ses rangs des membres de l'aile jeunesse du Parti libéral du Québec. En utilisant l'expression «étudiants socialement responsables», on a vidé l'expression de son sens et de sa substance jusqu'à ce que ça devienne du novlangue; on oublie curieusement de mentionner que les principaux effets de la hausse des frais de scolarité n'affecteront pas immédiatement les étudiants qui sont présentement à l'université, mais bien les prochaines cohortes. Dans le fond, ce mouvement des verts ne cherche qu'à permettre à des étudiants d'obtenir un diplôme à meilleur prix puis de retirer l'échelle derrière eux, le tout en prétendant à la vertu. La duperie n'a pas duré longtemps, surtout que les étudiants opposés à la grève généralement ne sont pas généralement enclins à aller manifester pour une cause quelle qu'elle soit, ce qu'a attester le grand rassemblement de 7 étudiants lors d'une manifestation des «verts». Mais cette tentative de noyauter le mouvement étudiant par le gouvernement semble invisible aux yeux des libertariens.

Chez la droite, on a aussi représenter les étudiants comme des «enfants-rois», des «bébés gâtés», parce qu'ils n'obéissent pas au gouvernement, le supposé agent officiel de la «majorité silencieuse», alors qu'on oublie curieusement le principe de subsidiarité, prôné pourtant par Maxime Bernier du Parti Conservateur, selon laquelle la prise de décision devrait appartenir à la plus petite entité politique capable de résoudre le problème, dans ce cas-ci les étudiants et les associations qu'ils forment librement. On oublie que les universitaires et les cégépiens sont des étudiants, et non des élèves. Avec la complicité de certains médias, on a fait de ce mouvement d'indignés une caricature infantilisante. On a réduit l'importance des étudiants de faire valoir leurs droits en tant que citoyens, comme si le vote des jeunes valait tout simplement moins que ceux des plus âgés. Pourtant, être étudiant n'est pas forcément synonyme d'être jeune, comme l'atteste la présence d'un nombre croissant de gens dans la trentaine, qui ont déjà des enfants, qui cherchent à décrocher un diplôme. Certains ont voulu faire de ce conflit un affrontement entre générations, question de diviser pour mieux régner. On a fait des travailleurs et des étudiants deux catégories mutuellement exclusives, alors que souvent c'est faux: bon nombre d'étudiants, y compris moi-même, travaillent tout en complétant une formation universitaire.

La droite a attisé la jalousie de certains, faisant croire que tous les étudiants finiront avec des salaires impressionnants payés avec les taxes des travailleurs sans diplômes, en faisant miroiter le principe utilisateur-payeur tout en occultant un principe en économie aussi élémentaire que les externalités: si l'étudiant en médecine termine ses études avec un emploi payant, il y a tout de même 1000 personnes qui gagnent un docteur. Des modérés grogneront «oui, pour les médecins, ça va, mais les gens en littérature, à quoi bon payer pour ça?» sans se demander d'où vient le script du dernier bon film qu'ils ont vu. Si vous voulez verser dans le nationalisme identitaire, faudrait au moins avoir une identité québécoise qui vaut la peine d'être défendue.

Et comme aberration finale, on a reproché aux médias d'avoir été trop favorables à lutte étudiante, bien que la majorité appartiennent aux trois joueurs de l'Establishment que ce sont Québécor, Gesca et Bell. «Les médias sont trop à gauche!» clame Éric Duhaime, au sein de ses chroniques publiées dans le Journal de Québec, le Journal de Montréal et dans le 24 heures, en entrevue télévisée à Franchement Martineau et Tout le monde en parle, sur le web via le Réseau «Libârté» et maintenant à une nouvelle succursale de radio-poubelle située à Montréal. Il y a des limites à jouer la victime, à crier au loup.



* * *


Bien que je suis curieux de voir le résultat des élections lors du 4 septembre 2012, la vraie lutte politique dans les prochaines années ne se passera entre la CAQ, le PLQ et le PQ, ces trois pantins contrôlés par les mêmes mains de l'Establishment, mais bien entre ce qu'est en train de devenir la contestation étudiante dans son évolution vers un mouvement social plus large, et l'extrême-droite qui souhaite étouffer ce mouvement si elle ne peut pas subvertir l'éveil collectif et le faire déraper vers le néolibéralisme.



Thursday, August 30, 2012

Tsar d'un soir: regard sur les élections provinciales de 2012





Ce n'est pas une nouvelle pour personne: le 4 septembre 2012, le Québec connaîtra des élections provinciales dont l'enjeu principal est la destitution, ou non, du premier ministre actuel Jean Charest. Il faut dire que ce Plan Nord semble tout droit sorti du XVIe siècle, que sa mesure liberticide qu'est la loi 78 n'est pas très populaire et que la hausse des frais de scolarité est dommageable pour le développement qualitatif de la main-d'oeuvre au Québec. Le choix semble, le principe du Anything But Charest (ABC) devrait s'appliquer, et on devrait tous voter stratégiquement pour appuyer le Parti Québec pour chasser l'homme de main de l'usurpateur de Sagard. Sic semper tyrannis !

Sauf que...

Le Parti Québécois ne vaut guère mieux, étant motivé par des ambitions purement électoraliste et dirigé par une opportuniste qui change ses couleurs selon les tendances du moment, tantôt appuyant le mouvement étudiant, puis le balayant sous le tapis quand il devient trop gênant auprès d'un segment de l'électorat plus réactionnaire.

L'élection d'un gouvernement péquiste majoritaire serait l'équivalent de troquer la lèpre pour la peste. Pourrait-on espérer autre chose pour notre démocratie?

Comme le souligne Jean-Martin Aussant d'Option Nationale, c'est plutôt triste de voir que dans un système ayant le scrutin uninominal majoritaire à un tour (le «smut») le bipartisme y soit nettement favorisé et que l'un des principaux arguments que ce duopole présente est de voter pour l'un d'eux pour pas que l'autre parti gagne. Aucun des deux partis qui s'échangent le pouvoir en alternance ne cherche vraiment à présenter des idées, de réels projets société, et à offrir une plateforme pour laquelle on peut voter. Évidemment, vous trouverez sur les sites de Québec Solidaire et d'Option Nationale bon nombre d'arguments en faveur d'un changement du système de scrutin.

Un simple début serait de reconvertir tous les comtés de l'Ile de Montréal en une seule circonscription, où s'appliquerait le scrutin proportionnelle, afin de mettre un terme au gerrymandering, ce traffic des frontières de comté servant à favoriser l'élection d'un parti au pouvoir en jouant sur la proportion de partisans au sein de celui-ci. Pour ce qui est de l'extérieur de Montréal, il reste à savoir comment optimiser une bonne représentation des électeurs provenant des régions, tout en l'équilibrant avec celle de la représentation des idées.


La troïka de la droite


Mais bon, on a les élections 2012 avec le système actuel, on ne pourra pas rien faire pour l'instant. Alors regardons les trois choix «officiels»:

  • Le Parti Libéral du Québec qui gouverne le Québec depuis 3 mandats déjà. Un gouvernement corrompu, brutal, colonialiste et au service de l'Establishment, qui a au moins le mérite d'être clairement fédéraliste, même si je n'appuie pas cet opinion.
  • Le Parti Québécois, opportuniste, qui se cache derrière la ligne de parti et ne cherche qu'à être «caliphe à la place du caliphe». Un parti qui brouille les cartes, qui fait semblant d'être souverainiste et progressiste, mais qui une fois élu serait à peine différent du PLQ à part une dose malsaine de nationalisme identitaire et un referendum remis aux calendes grecques .
  • La Coalition Avenir Québec, parti créé de toutes pièces par François Legault, le mauvais perdant de la course à la chefferie du Parti Québécois, auquel se sont rajoutés des has-been de l'ADQ, quelques éléments les plus rapaces du PQ et des magouilleurs de l'Establishment. La raison d'être de ce parti: ne pas être le PQ, ni PLQ, mais d'être tout aussi beige et insipide que ces deux choix.

Chacun de ces trois partis sont de la «droite guidoune»: en campagne électorale, leurs idées passent de la droite vers le centre, question d'acheter les votes avec des promesses coûteuses, puis une fois élus, essaient de pousser petit à petit le Québec vers la voie du néolibéralisme tout en favorisant, paradoxalement, de «l'assistance sociale» pour l'Establishment. C'est bien différent de la «droite idéologique» du Parti Conservateur 2.0 de Stephen Harper ou de celle de l'ADQ dans sa dernière phase d'existence... et encore là, bien des «dretteux», opposés de manière virulente à l'intervention de l'État ne serait-ce que pour fournir de services de base essentiels comme la santé, se mettent des oeillières quand il s'agit de financer avec de fonds publics un nouveau colisée à Québec pour une équipe qui n'existera jamais. Question d'aider PKP et/ou Desmarais aux dépens du bien public... Alors on peut se demander si, finalement, la droite peut être autre chose que guidoune.


Glasnost



Évidemment, contrairement à ce que Québécor voudrait nous faire croire en fixant arbitrairement les règles du débat électoral (ce qui curieusement exclu les deux seuls partis réellement gauchistes et souverainistes...), ces trois choix ne sont pas les seuls, bien qu'à court terme, c'est peu probable que des partis comme Option Nationale, le Parti Vert ou Québec Solidaire puissent former un gouvernement, même minoritaire. On se demande même, si en atteignant 15% des votes dans l'ensemble de l'électorat québécois, un des ses partis pourrait obtenir les 12 sièges nécessaires pour être reconnus officiellement à l'Assemblée nationale. J'ai l'impression de gaspiller mon vote en appuyant Option Nationale dans Hochelaga-Maisonneuve, comté acquis au Parti Québécois depuis des décennies, mais d'un autre côté, j'ai finalement l'impression de voter pour quelque chose.


On l'a vu dans le dernier mandat, la présence d'un député gauchiste, Amir Khadir, change la politique. Je ne suis pas toujours d'accord avec Khadir, mais je dois admettre que ça fait du bien de voir une «courroie» qui transmet les opinions de gens de la rue à l'Assemblée Nationale, notamment en parrainant des pétitions qui autrement ne trouverait pas preneur chez les «progressistes» du Parti Québécois, trop occupés à se faire copain-copain avec PKP avec une loi spéciale douteuse, dans l'espoir que sa machine médiatique puisse aider ceux qui ont dilapider l'héritage souverainiste de René Lévesque et de Jacques Parizeau. Jean-Martin Aussant, moins médiatisé que le député de Mercier, a tout de même remis sur la table de discussion l'option indépendantiste que son ancien parti a mis en veilleuse, un projet auquel beaucoup gens tiennent encore. Et puis il y a Françoise David. Absente aux débats organisés par TVA, tentacule de la pieuvre qu'est Québécor, la co-dirigeante de Québec Solidaire a tout de même eu une place à celui de la SRC. Un débat que les journalistes, surtout ceux d'un réseau douteux, qualifieront être «sans vainqueur», alors que dans les semaines suivantes, on remarquait sur le terrain un réel «effet Françoise David» auprès d'électeurs qui avait été agréablement surpris de la manière différente de faire de la politique. On peut à peine oser imaginez ce qu'aurait été le résultat de la participation de la candidate si elle avait admise aux débats de TVA, mais  comme le dit Noam Chomsky dans Manufacturing Consent, les médias influencent la politique en définissant le débat, en choisissant la façon de l'encadrer, en posant arbitrairement des étiquettes comme ils l'entendent, et dans le monde de Québécor, Françoise n'est pas une candidate «sérieuse», alors que François, lui, l'est (curieux combien un «e» peut changer des choses).


Heureusement que les médias sociaux existent. Décriés par certains comme étant une «bulle» où des partisans ne se parlent qu'entre eux et jouent à «celui qui pisse le plus loin» en voulant montrer au camp adverse que sa bulle est plus grosse que la leur, je dois dire que malgré une certaine part de vérité de cet opinion, il y a tout de même aussi de réels échanges d'idées qui se font. Pour ma part, peut-être morbidité malsaine, je consulte régulièrement des blogues et des articles qui affichent des opinions complètement contraires aux miennes. Bon, des fois je «trolle» un peu, mais dans l'ensemble, je trouve que la confrontation à des idées adverses permet à la longue de se concevoir un argumentaire pour défendre ses propres idées. D'autres fois, comme dans le cas du RLQ, c'est aussi une source d'humour (bien que ça ne soit pas volontaire de la part de Johanne Marcotte). Puis il y a eu le cas d'Option Nationale. Un parti que je considérait obscur, avec un chef qui n'épate pas par son charisme, mais qui à la longue, par la clarté de ses idées et avec la conviction avec laquelle il les défend, fini par me convaincre de le suivre. Je ne sais pas si Aussant va même réussir à se faire élire dans son propre comté, mais je garde naïvement espoir, parce qu'on peut battre un candidat dans une soirée électorale, mais on ne peut battre une idée pour laquelle le temps est venu. Le Parti Québécois  tentera de mettre l'option souverainiste en veilleuse, les médias au service de l'Establishment feront tout pour ensevelir les partis progressistes sous un lot de propagande néolibérale, mais plus on enterre idée, plus on risque qu'elle prenne des racines. Si le peuple perd sa confiance envers un parti social-démocrate qui est supposé les représenter et qu'il décide de ne plus déléguer le rôle de la défense de ses intérêts contre l'oligarchie financière, il peut alors commencer à se prendre en charge. Seul, l'individu qui aspire à être un citoyen actif et engagé peut frapper un mur d'apathie. Mais en trouvant des gens semblables, par le biais notamment des réseaux sociaux, des efforts peuvent être conjugués, des encouragements peuvent être donnés, de l'information partagée. Les réseaux sociaux ne sont pas une panacée contre la domination culturelle des médias conventionnels concentrés entre les mains de trois gros joueurs, mais forment tout de même un tremplin, un point de départ pour l'activisme social.


Raspoutine


Comme j'ai dit plus haut, le 4 septembre je voterai pour Aussant et l'Option Nationale, même si ça donne l'impression d'un coup d'épée dans l'eau vu que mon comté est largement péquiste. Tout de même, Hochelaga-Maisonneuve a longtemps été au niveau fédéral un chateau-fort du Bloc Québécois, et à ma grande surprise, la circonscription a basculée dans le camp du NPD aux dernières élections canadiennes, sous les effets combinés de la grande popularité du défunt chef Jack Layon, de l'impopularité de Stephen Harper, et de l'absence du renouvellement du discours souverainiste du Bloc Québécois. Au niveau local, je prévois une victoire péquiste, bien qu'on peut tout de même avoir des surprises avec des gens naïfs qui votent pour la CAQ parce que Legault «a l'air d'un bon gars». Pour l'ensemble du Québec, difficile de prévoir. Demandez aux chefs de trois principaux partis, ils vous diront tous qu'ils formeront un gouvernement majoritaire le 5 septembre 2012. Comment trois affirmations mutuellement exclusives peuvent-elles être vraies simultanément? Évidemment, deux des trois candidats mentent, mais bien fûté celui qui pourrait les identifier avant la début de la soirée électorale. Les partis mineurs ont au moins, dans cette situation, le mérite d'être honnêtes. Aussant ne cherche qu'à conserver les acquis que représente un seul comté et espère que son parti soit simplement plus connu par le public. Québec Solidaire vise une une dizaine de comtés (bien que trois comtés soit plus réaliste).


Et puis il y a Jean Charest. Les élections de 2012 seront un verdict qui approuvera ou destituera l'homme. Dans sa circonscription, les sondages donnent une avance aux péquistes, bien que ce soit davantage à cause de l'impopularité du premier ministre que par amour pour Pauline Marois. Bien que j'ai choisi d'opter contre le vote stratégique, j'avoue que j'apprécierais de voir John James Charest être défait dans son comté, à l'instar de Robert Bourassa qui avait été battu par Gérald Godin. J'avoue aussi que j'aurais le même plaisir dans le cas d'une défaite personnelle pour Pauline Marois et pour François Legault. Mais au-delà du simple état de Schadenfreude que je pourrais ressentir en voyant la défaite de Jean Charest, il y a l'impression que cet homme, aussi pourri qu'il puisse être, n'est qu'un symptôme d'une maladie qui affecte la démocratie au Québec. J'ai l'impression de voir en lui une sorte de Raspoutine: un personnage odieux certes, mais qui cache en attirant les regards sur lui une corruption un peu moins spectaculaire, mais tout de même systémique. Raspoutine, dont les scandales ternirent l'image du régime tsariste, fut l'objet d'un complot d'aristocrates qui l'assassinèrent en 1916, question de sauver le prestige de l'Empire russe face au mécontentement grandissant de la population (et le pouvoir qu'ils détiennent dans ce gouvernement). Pourtant cette mort ne sauva pas le tsar et sa clientèle aristocrate: source de scandales peut-être, Raspoutine était aussi un para-tonnerre vers lequel la grogne populaire pouvait facilement se diriger. Sans bouc-émissaire, le peuple commença à scruter davantage ses dirigeants. Je me demande si Jean Charest serait un peu la Raspoutine de notre époque et notre province, avec la virilité et le charisme en moins. Une fois défait, il y aura toujours la question de savoir comment un parti comme le PLQ fait pour donner la position de chef à un être aussi médiocre (on peut aussi se demander, comment le PQ a fait pour avoir dans ses rangs des gens tous aussi pourris que sont Éric Duhaime, Maxime Bernier et François Legault...). Quelle genre de culture organisationnelle dans un parti crée un aussi mauvais chef? Quel type de système électoral fêlé permet à celui-ci de saisir le pouvoir? Même défait, Jean Charest n'a pas été créé ex nihilo, et le terrau duquel il a émergé en fera probablement apparaître d'autres comme lui. Couper la tête de l'hydre et deux nouvelles prendront sa place.


Kerensky


Si certains prévoient que le prochain gouvernement sera péquiste et majoritaire (ce qui est le cas surtout des péquistes eux-mêmes), la possibilité d'un gouvernement minoritaire est aussi plausible, vu que la CAQ est un nouveau parti sur le terrain et qu'on n'est pas habitué de voir l'impact de cette formation politique sur les élections provinciales. Est-ce que l'appui au parti de François Legault est surrévalué? Est-ce que la CAQ attire davantage des fédéralistes mous insatisfaits de Jean Charest, ou bien est-ce qu'elle pige surtout dans le vote péquiste? Ce qui est clair, c'est que François Legault n'est pas Mario Dumont. Il a beau personnaliser son parti en intégrant officiellement son propre nom dans celui de son organisation, mais il n'est pas l'ancien chef adéquiste. Comme l'aime ou le déteste (je suis du second avis), Mario Dumont avait comme politicien une popularité personnelle, les gens l'appelaient «Mario» et souhaitaient voter personnellement pour lui (évidemment, au Québec, ce qui passe pour du charisme ne vaut pas grand-chose). François Legault semble vouloir jouer le même jeu, mais n'a pas les mêmes cartes. Pour les électeurs, le chef de la CAQ, c'est Legault, pas «François», les qualités de tribun de ce chef sont mauvaises, et ultimement, si Mario Dumont avait claqué la porte du PLQ pour des raisons de convictions, dans le cas de L'Ego, c'est purement par opportunisme. La performance peu spectaculaire du chef caquiste aux débats des chefs laissent présager que les médias ont tendance à embellir les appuis qu'il reçoit de la population. La CAQ espère obtenir un gouvernement majoritaire, comme les deux autres partis de la troïka de la droite, mais n'a pas encore de poids historique suffisant pour s'imposer contre l'effet du «bon vieux temps»: les gens qui sont habitués de voter pour le Parti Libéral du Québec et le Parti Québécois peuvent peut-être répondu favorablement à la CAQ dans les sondages, mais le 4 septembre, beaucoup reviendront à leurs vieilles habitudes. Le mieux que la Coalition Avenir Québec - L'équipe François Legault peut espérer, c'est de former un gouvernement minoritaire.

Mais avec qui?

Si le gouvernement Legault (ça fait horrible à écrire) veut s'imposer en étant minoritaire, il devra faire alliance avec l'un de deux autres membres de la troïka de la droite. Avec le PQ? Pour les péquistes, si François Legault fait figure de traître, la situation ne vaut guère mieux pour les autres transfuges. D'ailleurs, on se demande où est passer François Rebello... Le Parti Québécois fait encore semblant, par moments, d'être social-démocrate, alors que la CAQ est dans le camp du patronat. Le PQ se dit souverainiste, question d'exciter les «nationaleux», alors que François Legault est passé de souverainiste, à automoniste tiède, pour finalement rejoindre le rang des fédéralistes (sans toutefois fournir suffisamment de clarté sur la question nationale et de la place de ses propres députés souverainistes). On peut dire qu'une alliance serait plus naturelle avec le PLQ, mais comme ces deux partis s'adressent essentiellement à la base électorale, il s'agira plutôt d'un match made in hell que d'un match made in heaven. Au niveau des idées, un parti comme le PLQ, qui s'appuie sur les fédéralistes et le patronat, lutte peut-être contre une formation politique comme Québec Solidaire, où on retrouve des syndicalistes et des souverainistes, mais sur le plan des ressources (dons, bénévoles), les deux groupes ne sont pas en compétition parce qu'ils occupent des «niches écologiques» bien distinctes. Mais pour ce qui est de la CAQ et du PLQ, on est devant un cas de frères ennemis, parce que si les deux partis partagent bon nombre des mêmes idées, ils sollicitents aussi les ressources provenant des mêmes segments d'électorat. Une collaboration PLQ-CAQ dans le cas d'un gouvernement minoritaire sous François Legault serait vraisemblabement parsemé d'attaques sournoises entre les membres de la coalition davantage que d'assaut provenant des partis de l'opposition. Et dans cette ambiance pourrie, on ne peut pas s'attendre à ce qu'un gouvernement de ce genre puisse accomplir rien de signifiant, à moins de pressions de la part des gens de l'Establishment qui sont bien au chaud à Sagard.

Un gouvernement minoritaire peut aussi être libéral. Dans le cas d'une victoire du PLQ, comme le PQ est l'adversaire traditionnel, la seule alliance envisageable est avec la CAQ. Les résultats seraient sensiblement les mêmes, à part que la PLQ a un poids historique que n'aurait pas son partenaire, et tout succès que les libéraux pourraient avoir ne serviraient qu'à remettre leur parti sur pieds. On l'a vu avec l'élection législative de 2007, où les libéraux sont devenus brièvement minoritaires, que la coopération avec les autres partis ne sert que de moment de repit pour rebâtir ses forces et déclencher des élections au moment opportun pour reconquérir le pouvoir et évincer le parti qui compétitionne directement pour les mêmes ressources (ce que le PLQ fit l'année suivante a faisant quasiment disparaître l'ADQ de la carte électoral alors que ce parti avait momentanément éclipser le PQ en devenant l'opposition officielle). Là où c'est intéressant (de manière morbide), c'est de savoir si un gouvernement libéral se ferait sans ou avec Jean Charest. Dans le cas échéant où le PQ réussit à faire un «Godin» à Sherbrooke, le premier ministre sortant pourrait opter de se présenter à nouveau dans un chateau-fort libéral, comme Westmount, et résumer ses fonctions une fois réélu; il pourrait aussi, épuisé, quitter la politique. Tout dépend des humeurs de Michou et de ce qui est le plus expéditif pour les intérêts mercantiles de la famille Desmarais. Même élu, Jean Charest pourrait être contester dans son propre parti. 2007 a été un «close call» pour Charest, sa remontée ne s'appuyant que sur la médiocrité ambiante de la scène politique en 2008: d'un côté il y a eu l'ADQ, avec son rassemblement de députés nobodys avait énormément déçu une population en quête de changement (et qui répéteront encore la même erreur en votant pour la CAQ), de l'autre, Charest a été aidé par l'antipathie qu'attire souvent Pauline Marois et le talent qu'a le PQ d'être son propre pire ennemi. Un deuxième gouvernement minoritaire de Jean Charest pourrait être finalement son dernier, bien que nombreux sont ceux qui ont annoncé la mort politique du premier ministre, autant lors de la débâcle du parti progressiste conservateur que durant la minorité de 2007.

Et puis il y aurait la possibilité d'un gouvernement péquiste minoritaire. Dans ce cas-ci, si le PQ n'est pas un parti capable plausiblement d'avoir une alliance avec le PLQ (l'adversaire traditionnel) ou la CAQ (les transfuges). Par contre ce parti pourrait, avec un peu de volonté, se trouver des alliés parmi les partis mineurs (s'ils ont des députés élus) que ce sont Option Nationale et Québec Solidaire. Une telle alliance, un front uni espérer par certains, obligerait le PQ a honorer ses anciennement convictions souverainistes et progressistes et ce, de manière concrète, plutôt que de faire de discours en l'air. Dans une telle alliance, le problème ce serait la mauvaise foi du PQ, le style de leadership un peu lourdeau de Pauline Marois et le manque de constance dans sa vision politique. Marois, dont je souhaite le départ depuis longtemps, pourrait voir le gouvernement minoritaire comme une étape à franchir pour la pleine majorité, plutôt qu'un manque de confiance qu'a la population envers elle.

Dans les trois cas, un gouvernement minoritaire serait comme le gouvernement provisoire de Russie sous Kerensky (en 1917, entre le régime tsariste et la prise du pouvoir des communistes): il arriverait à un point tournant de l'Histoire, serait instable et de courte durée, puis il tomberait rapidement dans l'oubli. Dans le cas du prise de pouvoir de la CAQ ou du PQ, ce serait au moins une défaite pour Jean Charest, ce qui m'amenerait une certaine joie, mais dans la réalité, les mains qui contrôlent ce pantin ce choisirait tout simplement une autre marionnette.


Pauline, Staline et Poutine


Une autre possiblité, c'est la victoire bien réelle d'un trois partis, et la formation d'un gouvernement majoritaire de l'un de ceux-ci. Dans le cas du PLQ et de la CAQ, c'est du pareil au même, à la simple différence que la CAQ est un nouveau parti, ne disposant pas encore de Vieille Garde et de belles-mères, ce qui est à la fois un avantage (une plus grande liberté d'action de ses membres par rapport à une élite déjà établie) et un inconvénient (les vétérans amènent avec eux ressources, réseaux et expérience). Mais une réélection de Jean Charest a le danger de signifier que la population approuve la corruption du gouvernement actuel, que le premier ministre peut agir en toute impunité jusqu'à sa retraite dorée et servir les amis du partis, et que le liberticide de sa loi 78, appuyé par les élections, encourage davantage le chef du PLQ vers des dérives anti-démocratiques. Dans un sens, une victoire de la CAQ serait tout de même plus souhaitable que celle du PLQ, comme la grippe est préférable au cancer. De toutes les options et les scénarios possibles, une victoire libérale reconduisant Jean Charest comme chef de gouvernement majoritaire serait le pire. Ce serait le mandat trop (bien que le premier, à bien y penser, était déjà de trop).

Pour ce qui est du Parti Québécois, une victoire de Pauline Marois serait pour elle un ego trip majeur, alors on serait pas plus de s'en débarrasser. Peu importe si les gens ont voté pour elle stratégiquement pour chasser Jean Charest du pouvoir, le 5 septembre ces votes seront réinterprétés comme un chèque en blanc pour les péquistes et cette nuance de compromis disparaîtra. On peut alors penser ce que donnerait un ou deux mandats de Pauline Marois: les gens, exaspérés, finirait par vouloir voter massivement contre le PQ en portant les libéraux au pouvoir (ou la CAQ, si elle survit au choc de la défaite). L'alternance est un mécanisme malsain qui résulte du scrutin uninominal majoritaire à un tour. J'avoue aussi mon accord avec Jean-Martin Aussant quand il dit qu'un parti manquant de conviction, comme le PQ, ferait plus de tort à la souveraineté en étant au pouvoir et en n'agissant pas en faveur de l'indépendance que ne le ferait un parti fédéraliste, parce que bon nombre de militants se sentiraient trahis. Ou davantage trahis.


Que faire?


(Bon, évidemment, ne pas devenir marxiste.)

J'ai souvent critiquer les manifestations comme étant un moyen inefficace de faire de la politique et j'ai eu tort. S'il y a des élections en été 2012, c'est principalement à cause d'une manoeuvre de Jean Charest pour se servir de la grève étudiante comme fenêtre d'opportunité pour saisir un quatrième mandat. L'impact sur l'Assemblée nationale est là. Les pressions des étudiants, puis des citoyens engagés qui les appuient, ont refaçonner le paysage politique. Plusieurs de ces retombées ne sont pas nécessairement positives (les partisans de la CAQ et du PLQ carburent à la peur et à une idéologie de «loi et ordre» qui prétend sauver la liberté qu'elle brime). Malgré que les médias conventionnels passent sous silence la gauche au Québec, les militants s'activent. On apprend à respecter les diversité des tactiques. La contestation de la hausse des frais scolarité n'est pas forcément synonyme de grève étudiante, mais on respecte ceux qui la font. À défaut d'avoir des médias qui ne fournissent des informations véridiques, on en crée de nouveaux: il y a les réseaux sociaux certes, mais on voit aussi apparaître CUTV qui donne l'heure juste sur la brutalité policière en milieu universitaire commandée par le gouvernement en place pour se faire du capital politique auprès d'une population mal informée et apeurée.

Idéalement, j'aimerais que tout le monde vote Option Nationale ou Québec Solidaire, mais réalistiquement ça ne se produira pas. Par contre, il est peut-être temps d'envisager la politique québécoise non plus sur une base de 4 ou 5 ans (le temps d'un mandat), ou de 8 à 10 ans (ce qu'il faut normalement pour compléter un cycle d'alternance) mais carrément sur une étendue de 25 ans et se demander où veut-on être. Les gens qui sont tentés par la CAQ (et auparavant par l'ADQ), malgré leurs défauts, souhaitent tout de même, comme les partisans de l'ON et de QS, de sortir du marasme du bipartisme. Ce n'est pas que le PLQ et PQ doivent disparaître, mais que ces partis doivent défendre des idées plutôt que leur propre pouvoir et une clientèle issue de l'Establishment.

Il faut en arriver avec un mode de scrutin qui représente plus fidèlement les opinions politiques de la population. Le système proportionnel a ses défauts, mais le scrutin uninominal à un tour est désastreux en termes de représentativité. Ah, oui, et la stabilité là-dedans? C'est certain que dans une dictature, où une seule personne impose sa vision, il n'y en a pas d'instabilité, parce qu'il n'y a de discussion possible. Accepter la démocratie, c'est comme être un entrepreneur: c'est accepter une certaine part de risque.
 
Appuyer Option Nationale, c'est d'abord appuyer des idées. Si l'Option Nationale gagne en popularité, c'est que les idées souverainistes font leur chemin. Ce qui peut à long terme déstabiliser un peu le Parti Québécois et le ramener à l'ordre, le remettre sur la voie de sa raison d'être qu'est de faire l'indépendance du Québec. Oui, ce qu'on fait peut faire du mal au mouvement souverainiste en divisant le vote et en donnant certains comtés aux libéraux, mais ça s'appelle du tough love. Les indépendantistes ne sont pas des ânes devant lesquels on peut agiter une «carotte» référendaire pour faire avancer le PQ dans les sondages. Un parti souverainiste devrait être l'instrument de la cause indépendantiste, et non le contraire.

Une autre idée qu'avancent Option Nationale et Québec Solidaire, c'est de faire de la politique autrement. L'expression est un peu galvaudée, j'avoue, mais la coopération entre ces deux partis, qui compétitionnent tout de même pour le même segment de l'électorat, est un élément nouveau. Si cette entente peut survivre les tensions électorales, puisque les partis sont en compétition, on peut espérer quand période d'accalmie, lorsque les deux partis siégeront à l'Assemblée nationale, coopéront davantage. On se demande ce que ça donnerait au sein d'un gouvernement élu selon un scrutin proportionnel.

En bout de ligne, le 5 septembre, le gouvernement qu'on aura, peu importe lequel des trois partis «sérieux» qui est élu sera le mauvais choix. Et ce, qu'il soit minoritaire ou non. Mais il faut penser à ce qu'on veut comme situation non pas pour les 4 prochaines années, mais voir au-delà, dans 2, 3 voire 4 mandats. Malgré que les progressistes soient prévisiblement perdants aux prochaines élections, les gens qui appuient Option Nationale et Québec Solidaire le font avec enthousiasme et sincérité pour défendre des idées, et non par carriérisme comme ceux de la troïka de la droite. Il faut être résilient pour faire du porte-à-porte, jour après jour, dans un comté où on sait qu'au mieux on terminera 4e ou 5e. Et c'est aussi l'exemple de ces gens, qui dans une génération, viendra peut-être à bout de la médiocrité actuelle qui cause le cynisme en politique.

Ainsi, mêmes défaits aux prochaines élections, les candidats progressistes ne seront pas pour autant battus. Avec la tête haute, ils pourront se rappeler les mots de Gaston Miron et se dire aux élections suivantes:


« Je ne suis pas revenu pour revenir
Je suis arrivé à ce qui commence »


Et je serai là, encore, pour les appuyer. :)

   

Wednesday, August 29, 2012

Partir dans le bois :)

Encore une semaine avant le départ pour le nord, quelque part dans le coin du Mont-Tremblant qui s'appelle le Lac Monroe. Ça va faire du bien de s'y retrouver, être dans le calme et loin de la civilisation (encore là, civilisation est une exagération quand on sait que radio x a ouvert une succursale à Montréal). 

En attendant, je repense à un autre voyage, dans le parc de la Mauricie. Bel endroit pour se reposer, faire du kayak (sauf en tandem) et (selon ce que le raton-laveur me racontait) à manger des restants de fondue...

Et je me demande, en regardant ces espaces verts, à quoi bon creuser des mines d'uranium dans le nord quand ces forêts offrent aux Québécois un havre de paix et de tranquillité.



































Apprécier la faune du Québec

Avec son Plan Nord, le gouvernement Charest promet de protéger 50% des étendues boréales, alors que l'absence de ce plan de développement minier peut protéger 100% de ce même territoire. Si le Québec regorge de ressources, l'une de celle-ci, la plus importante d'ailleurs, c'est un écosystème avec une flore et une faune unique, diversifiée et spectaculaire. Si on veut protéger cette faune, évidemment, il faut commencer par donner à celle-ci la priorité face aux activités minières et hydro-électriques (surtout si c'est pour vendre aux États-Unis de l'électricité en bas du coût de production).

Pour mieux connaître la faune du Québec, j'ai eu la chance visiter le Zoo Ecomuseum de la Vallée du Saint-Laurent, établissement qui a à la fois une vocation écologique en tant que refuge faunique et une vocation éducative comme jardin zoologique. Un très bel endroit (où j'ai d'ailleurs croisé une séduisante espèce hybride non-identifiée...) qui sensibilise les gens au besoin de protéger la richesse qu'est la faune du Québec et qui a l'avantage d'être sur l'ile de Montréal. Plusieurs de mes photos de ce lieu et ses résidents figurent ci-dessous.


votre explorateur intrépide