Sunday, September 25, 2011

En mémoire de ?



Promenade au centre-ville de Montréal.‎
 
Près du Centre Eaton, je vois une plaque commémorative en bronze.

Ah, tiens? Il y a un événement ou un personnage historique important qu'on souligne ici.


Je lis.

«A la Mémoire de Jefferson Davis, Président des États Confédérés qui séjourna en 1867 au domicile de John Lovell alors situé au present emplacement.

Plaque érigée en 1957 par la Société des United Daughters of the Confederacy»


Assez de mauvais goût.

Les États Confédérés étaient un régime fondé sur la préservation de l'esclavage, une institution encore plus infâme que la monarchie (les deux institutions sont d'ailleurs basées sur le même principe: l'inégalité entre humains selon un rang attribué à la naissance selon des critères quelconques). Qu'est-ce que cette horreur fait là?

Bon, je sais qu'il y en a qui vont me radoter que la Guerre de sécession (Civil War) n'étaient pas qu'une guerre à propos de l'esclavage: il y avait la question du partage du pouvoir entre les états et le gouvernement fédéral (States rights versus Federal rights), l'opposition entre le Nord industrialisé qui voulait protéger son économie via des tarifs douaniers et le Sud agricole qui dépendait des exportations de coton et importait d'ailleurs bon nombre de biens, etc. Je connais un peu la problématique de ce conflit, j'ai même eu plusieurs cours sur l'Histoire américaine et sur le système politique américain. Le Canada et l'Angleterre ont d'ailleurs aidé les Sudistes dans une logique de war profiteering et de «diviser pour régner», pendant que la France de Napoléon III, profitant de la confusion, a même tenté d'envahir le Mexique pour y installer une monarchie autrichienne dans un absurde projet d'empire catholique en Amérique du nord  (ce qui me fait rire à chaque fois qui je pense), qui s'est soldé par un échec lors du Cinco Mayo et a léguer au Mexique le mot mariachi (déformation de «mariage», parce que les troupes françaises embauchaient fréquemment des musiciens quand ils épousaient des Mexicaines).

Oui, on peut nuancer, approfondir le sujet et considérer nombre facteurs atténuants.

Mais à ce compte, question de me donner quelques points Godwin, on peut aussi dire que Hitler a relancé l'économie allemande, organisé les jeux olympiques de 1936, ralenti l'expansion de Staline et laissé comme héritage la firme Volkswagen. Ce qui ne lui enlève pas la Shoah, la dictature, l'invasion de la Pologne, et un enchaînement de conflits qui a mis le monde à feu et à sang.


Aujourd'hui, on verrait mal de bâtir au Québec l'Autoroute Adolf Hitler, même avec la montée de la droite au Canada sous Harper et les délires habituels du Réseau «Libarté» Quelconque. Personnellement, je m'y objecterais, comme je trouve assez dégoûtant qu'on puisse commercialiser le nom d'un criminel comme Hugo Ferdinand Boss.

Alors je me demande, avec un gouvernement provincial qui organise à chaque année la Semaine d'actions contre le racisme (SACR), comment se fait-il que ce genre de monument honorant un régime raciste et esclavagiste puisse avoir encore pignon sur rue, ici même à Montréal?


Je crois que la plaque devrait être retirée, et peut-être confiée au Musée McCord pour une exposition sur le «Québec honteux», où pourrait aussi bien figurer aussi le nom de Amherst, le père de la guerre bactériologique en Amérique du nord, et des photos d'Adrien Arcand.


Il y a en bout de ligne une différence entre se souvenir de quelque chose pour en tirer une leçon et de faire un monument pour honorer ce qui est odieux. Et la présence de cette plaque commémorative dans l'espace publique, telle qu'elle est employée, transgresse la ligne de ce qui devrait éthique et de bon goût.


Reste à fixer cette frontière entre ce qui constitue, de façon acceptable, du patrimoine historique.