Wednesday, December 19, 2012

« IDLE », QUOI?



« IDLE », QUOI?


Le pot avant les fleurs.


Depuis un mois, on connaît au Québec un vent de contestation chez les Autochtones qui se regroupe sous la bannière « Idle No More », slogan anglophone lancé par quatre femmes de la Saskatchewan dont le sens peut être difficile à saisir pour des francophones unilingues, très nombreux dans la Belle Province, qui confondent parfois «idle» et «idol», ce qui peut laisser certains croire que les Amérindiens en ont contre Ben Mulroney et son concours de chant télévisé... Idle No More fait son chemin dans les médias, certes, mais un slogan en français, pour un public majoritairement francophone, serait de rigueur pour le Québec : après tout, comme on le dit en marketing, il n'existe qu'un seul produit par pays, et les idées, comme les marchandises, font l'objet d'offre, de demande et de concurrence.  Rien ne sert à faire une campagne de promotion générique, mur à mur tout en anglais, selon le principe du «One Best Way of Doing Things» en se disant que la langue anglaise est internationale et que ce sont aux autres à s'adapter. La publicité doit s'adapter au public qu'on souhaite rejoindre, et non l'inverse. Des gens comme Jacques Bouchard l'ont compris. Communiquer avec une personne dans sa langue maternelle permet de lui faire ressentir une charge émotive beaucoup plus forte, un degré plus grand de confiance, que si on lui parle dans une langue seconde. D'une perspective plus gauchiste, on peut aussi dire que la première étape d'une lutte contre le colonialisme, c'est d'abord d'arrêter de se comporter en colonisés en parlant anglais entre francophones pour se sentir approuvés par les anglophones.


Évidemment, certains diront : « Et pour les langues autochtones ? ». Oui, sur le plan logistique, si on se met à traduire le slogan dans toutes ces langues, il y a 11 au Québec et davantage dans le reste de l'Amérique du nord, on dilue les efforts pour cibler des segments de population très pointus que sont, par exemple, les quelques locuteurs des langues huron-wendat, abénakis ou malécites, qui collectivement sont ensembles vraisemblablement moins nombreux que les gens qui parlent le klingon ou le sindarin (des langues pourtant imaginaires). Les langues autochtones du Québec constitue de petites fractions du 1% de la population amérindienne, inuit et métis de cette province. De manière optimale, un slogan en innu pourrait rejoindre 0.3% de la population québécoise, tous des gens déjà largement convaincus de la cause et sensibilisés aux enjeux en question, ce qui revient à prêcher à sa propre paroisse plutôt que de chercher à convaincre les gens à se rallier massivement à un mouvement, ce qui est l'objectif initial de Idle No More. Or, la masse de gens au Québec qu'il faut informer, convaincre et rallier, elle, parle françaisLe mouvement Idle No More devra, comme une chenille, se faire un cocon et se transformer s'il veut présenter une image plus plaisante, compréhensible et pertinente au Québec.


Est-ce que franciser le mouvement au dépens d'une langue autochtone (ou de l'anglais) constitue un geste de colonisé vu le passé colonial français en Amérique du nord? Bien non. Comme je le disais précédemment, être colonisé, ce serait par exemple, deux francophones qui s'adressent entre eux en anglais pour faire plus «big» en se comportant comme des Elvis Gratton. Par contre, si je parle en allemand à un germanophone qui maîtrise difficilement le français, c'est un principe de courtoisie qui sert à faciliter la communication. Et de toute évidence, il y a beaucoup plus d'Innus qui parlent en français que de Québécois de souche qui parlent en innu: les Amérindiens sont donc, dans ce cas, linguistiquement mieux outillés. Le frère aîné doit aider le frère cadet, comme l'Autochtone doit aider le Québécois linguistiquement mal outillé. L'idée globale, c'est de se faire comprendre, d'un peuple à un autre, du mieux qu'on peut entre nous, plutôt de se tourner vers une troisième langue et «McDonaliser» un mouvement social, sous prétexte que l'anglais est la langue internationale et ainsi de devenir culturellement tous les deux perdants.


La francisation isolerait-elle les manifestants du Québec du reste de ce mouvement qui a maintenant une portée mondiale? Est-ce que la traduction d'Occupy Montreal  par Occupons Montréal a été nuisible? Aucunement. Les deux slogans ont pu circuler librement, le premier dans la minorité anglophone, le second dans la vaste majorité francophone du Québec. Après avoir été une extension un peu incomprise du mouvement Occupy Wall Street, Occupons Montréal a permis en se francisant une réappropriation. En un an, le Québec est passé du rang de «suiveux» à celui de meneur, Occupons Montréal servant de tremplin pour le Printemps érable et ses Carrés rouges, et les indignés québécois de modèles pour ceux du Canada et du reste l'Amérique du nord. 


Un second slogan, en français, n'enlèverait rien au mouvement tout en permettant des gains auprès de la population québécois. Un slogan qui n'est pas du «traduit-du» comme le dirait Gaston Miron (c'est-à-dire des mots qui pour la forme semblent être du français mais dont la syntaxe et l'essence sont purement anglophones), mais pensé et écrit en français. Il ne suffit pas de convertir « Idle No More » par « L'apathie, c'est fini », mais de trouver une formule authentiquement française, culturement québécois et émotionnellement chargée de sens. « Désormais, debouts ! » serait un exemple, mais je suis certain qu'un bon remue-méninges par des gens créatifs permettrait de trouver mieux. 


C'est important de se rappeler à qui on s'adresse. Est-ce qu'on parle à ces anglophones du Rest of Canada, en se croyant grands parce qu'on devient une lointaine extension de leur mouvement à eux plutôt que bâtir le nôtre au Québec? Est-ce qu'on fait des soliloques dans nos médias sociaux pour s'impressionner soi-même, avec notre poignée d'amis et contacts qui agissent comme des miroirs agrandissants en répétant le même message, tout en ignorant qu'en dehors de cette bulle, ce message n'est pas entendu et encore moins compris par l'ensemble des Québécois? Est-ce qu'on fait ça pour nos deux minutes de gloire dans les médias (comme ma brève parution comme photographe pour le Huffington Post), l'orgueil un peu flatté, certes, mais la situation politique, elle, toujours inchangée par ce spectacle qu'on n'a fait que pour soi-même? Est-ce que les médias conventionnels se servent de la cause pour remplir le temps mort dû au lock-out de LNH? Et que fait-on maintenant que le hockey est revenu en ondes? Doit-on laisser de côté le débat indépendantiste québécois, le droit à l'auto-détermination des nations, autochtones autant que québécoises, pour se fondre  en oubliant sa culture dans une masse anglophone mondialisante, s'oublier soi-même sous prétexte «que maintenant n'est pas le bon moment» de se diviser pour des raisons politiques, alors qu'un mouvement populaire est par principe politique, citoyen et affectif, nécessitant un engagement qui va au-delà du simple realpolitik cérébral et du jeu d'alliances guidé par les opportunités, les menaces et les circonstances. 


Etre indépendantiste, vouloir protéger la culture québécoise pour les mêmes raisons qu'on souhaite défendre les cultures autochtones (le droit à la différence), ce n'est pas une conviction qu'on met de côté parce que «maintenant n'est pas le bon moment». Une conviction n'est pas un passe-temps. Ce n'est pas quelque chose qu'on met de côté pour participer à un grand projet pancanadien (indice: les souverainistes québécois ne veulent pas, par définition, participer à un grand projet pancanadien). Les appuis des gens de Fort McMurray me font le même effet que ceux provenant de la Nouvelle-Zélande: ils proviennent, à mes yeux, tout simplement d'un autre pays, qui n'est pas le mien. C'est bien de participer à un mouvement mondial, mais pourquoi le faire comme figurants muets et laisser une autre langue s'exprimer à la place de celle qui est commune au Québec?



Je peux être indigné.

Je peux être désormais debout,
franchement fâché,
manifestement mécontent,
solidaire avec les Autochtones en colère,
partisan d'un Printemps amérindien,
mais ne demandez-moi pas d'être Idle No More


Les grandes chansons : Miss Maggie de Renaud


Avec la récente fusillade (qui fait suite à une trentaine avant celle-ci), cette chanson de Renaud remet en perspective cette mentalité plutôt débile de l'extrême-droite à pousser les humains à se détruire entre eux. Si c'est vrai que ce sont les gens et non les fusils qui causent les morts, ne faut-il pas rappeler cependant qu'une arme automatique avec laquelle il ne suffit de tirer la gachette pour tuer de manière détachée et instantanée facilite énormément le crime. Si je peux comprendre le besoin du chasseur d'avoir un fusil de chasse, surtout dans le nord où le coût des aliments est excessif, je trouve par contre absurde que les armes automatiques puissent être vendues légalement à des civiles: qu'ont les canards et le gibier pour se défendrent, des grenades et des M-16?







Femmes du monde ou bien putains
qui, bien souvent, êtes les mêmes
Femmes normales, stars ou boudins
femelles en tout genre, je vous aime
Même à la demière des connes
je veux dédier ces quelques vers
issus de mon dégoût des hommes
et de leur morale guerrière

Car aucune femme sur la planète
n's'ra jamais plus con que son frère
ni plus fière ni plus malhonnête
à part, peut-être, Madame Thatcher

Femme je t'aime parce que
 lorsque le sport devient la guerre
y'a pas de gonzesses, ou si peu
dans les hordes des supporters
Ces fanatiques fous furieux
abreuvés de haine et de bière
déifiant les crétins en bleu
insultant les salauds en vert

Y'a pas de gonzesse hooligan
imbécile et meurtrière
Y'en a pas, même en Grande-Bretagne
à part, bien sûr, Madame Thatcher

Femme je t'aime parce que
une bagnole entre les pognes
tu n'deviens pas aussi con qu'eux
ces pauvres tarés qui se cognent
Pour un phare un peu amoché
ou pour un doigt tendu bien haut
Y'en a qui vont jusqu'à flinguer
pour sauver leur autoradio

Le bras d'honneur de ces cons-là
aucune femme n'est assez vulgaire
pour l'employer à tour de bras
à part, peut-être, Madame Thatcher

Femme je t'aime parce que
tu vas pas mourir à la guerre
parc' que la vue d'une arme à feu
fait pas frissonner tes ovaires
Parc' que dans les rangs des chasseurs
qui dégomment la tourterelle
et occasionnellement les beurs
j'ai jamais vu une femelle

Pas une femme n'est assez minable
pour astiquer un revolver
et se sentir invulnérable
à part, bien sûr, Madame Thatcher

C'est pas d'un cerveau féminin
qu'est sortie la bombe atomique
et pas une femme n'a sur les mains
le sang des indiens d'Amérique
Palestiniens et Arméniens
témoignent du fond de leurs tombeaux
qu'un génocide c'est masculin
comme un SS, un torero

Dans cette putain d'humanité
les assassins sont tous des frères
pas une femme pour rivaliser
à part, peut-être, Madame Thatcher

Femme je t'aime, surtout, enfin
pour ta faiblesse et pour tes yeux
quand la force de l'homme ne tient
que dans son flingue ou dans sa queue

Et quand viendra l'heure dernière
l'enfer s'ra peuplé de crétins
jouant au foot ou à la guerre
à celui qui pisse le plus loin
Moi je me changerai en chien
si je peux rester sur la terre
et comme réverbère quotidien
je m'offrirai Madame Thatcher